Terralaboris asbl

Assurance faillite : exigence de l’absence d’exercice d’une activité professionnelle

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 1er septembre 2014, R.G. 2013/AB/993

Mis en ligne le mercredi 26 novembre 2014


C. trav. Bruxelles, 1er septembre 2014, R.G. n° 2013/AB/993

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 1er septembre 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que, pour bénéficier de l’assurance faillite, l’indépendant ne doit pas exercer d’activité professionnelle après le jugement déclaratif de faillite, cette activité étant celle visée à l’article 3, alinéa 2 de l’arrêté royal n° 38.

Les faits

Une travailleuse indépendante sollicité le bénéfice de l’assurance faillite. La demande est rejetée par la Caisse. L’intéressée introduit, en conséquence, un recours devant le tribunal du travail. Elle fonde sa demande sur les articles 2 et 7 de l’arrêté royal du 18 novembre 1996 instaurant une assurance sociale en faveur des travailleurs indépendants en cas de faillite, de situations y assimilées ou de cessation forcée.

La Caisse introduit pour sa part une autre action contre l’intéressée aux fins de l’entendre condamner au paiement de cotisations au statut social, d’un montant de l’ordre de 8.000€,correspondant à cinq trimestres de cotisations.

Le jugement du tribunal du travail

Par jugement du 10 septembre 2013, le Tribunal du travail de Bruxelles procède d’abord à la jonction des affaires et, sur la demande de l’intéressée, la considère recevable mais non fondée.

Le tribunal tranche une question de forme relative à l’introduction de la demande qu’elle a adressée à sa caisse. L’intéressée n’a, en effet, pas respecté les conditions mises par l’article 3 de l’arrêté royal du 6 juillet 1997, qui est venu exécuter l’arrêté royal du 18 novembre 1996 ci-dessus et qui prévoit que le formulaire renvoyé par la Caisse au demandeur par lettre recommandée à la poste doit être retourné à celle-ci par la même voie, et ce après avoir été dûment complété et signé, envoi devant être fait dans les deux semaines qui suivent. Pour le tribunal, ces dispositions ne sont pas prévues à peine de nullité. Il constate que la demande a été réceptionnée par la Caisse dans le délai et qu’elle est ainsi valable, faisant la comparaison avec une requête.

Quant au fond, le tribunal rejette la demande, au motif que l’intéressée exerçait encore à l’époque un mandat dans une société anonyme.

Le tribunal fait par ailleurs droit à la demande de la Caisse en ce qui concerne les cotisations dues.

Appel est interjeté par l’intéressée.

Décision de la cour du travail

La cour constate qu’il n’est plus sérieusement contesté que la lettre ordinaire soit valable, confirmant que les modalités prévues par l’arrêté royal du 6 juillet 1997 en son article 3 ne sont pas prescrites à peine de nullité.

La cour s’attache ensuite aux conditions permettant de bénéficier de l’assurance faillite.

Elle constate que l’intéressée avait été gérante indépendante d’une société coopérative à responsabilité limitée et que celle-ci est tombée en faillite. La question opposant les parties est dès lors de savoir s’il y avait dans le chef de l’intéressée absence d’activité professionnelle, dans la mesure où l’intéressée était par ailleurs administratrice d’une société anonyme.

L’article 1er de l’arrêté royal du 18 novembre 1996, tel qu’applicable à l’époque des faits, exigeait que l’intéressée ne puisse exercer aucune activité professionnelle ou ne puisse faire valoir un droit à des revenus de remplacement à partir du premier jour ouvrable suivant celui au cours duquel le jugement de faillite avait été prononcé. Sur la question du mandat exercé, l’intéressée fait valoir qu’elle exerçait un mandat gratuit, de telle sorte que cette situation devrait être considérée comme l’absence d’exercice d’une activité professionnelle. À l’appui de sa thèse, elle produit les comptes annuels de cette société, dont il ressort que pendant trois ans elle n’a pas fait de bénéfices taxables. Cette absence continue de revenus couvre la totalité de la durée de son mandat.

La cour examine dès lors la question eu égard aux conditions de l’article 3 de l’arrêté royal n° 38, selon lequel l’on entend par travailleur indépendant toute personne physique qui exerce en Belgique une activité professionnelle en raison de laquelle elle n’est pas engagée dans les liens d’un contrat de louage de travail ou d’un statut. La cour reprend la présomption contenue à l’alinéa 2 de cette disposition, selon laquelle toute personne qui exerce en Belgique une activité professionnelle susceptible de produire des revenus visés au CIR (article 23, § 1er, 1° ou 2° ou article 30, 2°) est présumée se trouver dans les conditions d’assujettissement ci-dessus. Cette présomption, initialement considérée comme irréfragable peut être renversée, depuis l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 3 novembre 2004 (C. const., 3 novembre 2004, arrêt n° 176/2004). Pour la cour, ce renversement peut se faire en établissant que l’indépendant n’exerce pas d’activité dans un but de lucre ou que celle-ci n’a pas de caractère habituel ou permanent. Le caractère gratuit du mandat doit ressortir des statuts ou d’une décision de l’organe de la société compétent ou encore il doit résulter de la situation de fait.

La cour précise ainsi, avec la Caisse, que la preuve du caractère gratuit du mandat doit être établie de iure et de facto, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, l’intéressée ayant en outre perçu des rémunérations en tant que dirigeant d’entreprise pour un exercice. La cour constate encore que le mandat a effectivement été exercé et qu’il ne peut dès lors être conclu à l’absence d’activité professionnelle. En conséquence la présomption n’est pas renversée.

Intérêt de la décision

Cet arrêt apporte une précision quant aux conditions d’introduction de la demande de bénéfice de l’assurance sociale en faveur des travailleurs indépendants en cas de faillite, et ce eu égard à l’exigence d’envoi recommandé contenue dans l’arrêté d’exécution du 6 juillet 1997. La formalité du recommandé n’étant pas prévue à peine de nullité, un autre mode d’introduction de la demande est admise, tant le tribunal que la cour soulignant cependant que celle-ci doit être formée dans le délai.

En ce qui concerne les conditions de fond, pour bénéficier de cette assurance, figure bien évidemment l’exigence de l’absence d’activité professionnelle, après le jugement déclaratif de faillite. Sur l’exercice d’une telle activité, la cour renvoie par son analyse aux critères habituels permettant de déterminer, dans le chef des mandataires de société, s’il y a ou non activité au sens de l’article 3, alinéa 2 de l’arrêté royal n° 38 : la présomption qui y est contenue peut être renversée si l’indépendant établit que l’activité a été exercée sans but de lucre ou si elle n’avait pas un caractère habituel ou permanent.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be