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Webcammer : activité compatible avec la perception d’allocations de chômage ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 19 juin 2014, R.G. 2012/AB/869

Mis en ligne le mercredi 12 novembre 2014


Cour du travail de Bruxelles, 19 juin 2014, R.G. n° 2012/AB/869

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 19 juin 2014, la Cour du travail de Bruxelles confirme une décision prise par l’ONEm de considérer comme activité professionnelle le fait de « webcammer » sur une plateforme érotique sur internet.

Les faits

Un bénéficiaire d’allocations de chômage se voit exclu du bénéfice des allocations pour une période de 13 mois, l’ONEm demandant en outre la récupération des allocations pour la totalité de la période et décidant de l’exclusion pour une période de 6 semaines. Il est reproché à l’intéressé d’avoir exercé une activité incompatible avec le droit aux allocations de chômage et de ne pas avoir noirci sa carte de contrôle avant le début de celle-ci.

Les constatations de l’ONEm sont qu’une activité d’indépendant comme webcammer sous contrat a été exercée avec une société commerciale. L’intéressé a introduit un recours devant le tribunal du travail.

La décision du tribunal

Par jugement du 6 juillet 2012, le tribunal du travail a confirmé la décision administrative. L’intéressé a ainsi vu maintenues l’exclusion des allocations pendant une période de 13 mois et la sanction d’exclusion de 6 semaines.

Le tribunal a cependant nuancé la conclusion à tirer de la situation, étant que – si la bonne foi de l’intéressé n’était pas établie – la récupération pouvait être limitée conformément à l’article 169, alinéa 3 de l’arrêté royal, aux jours où un travail effectif avait été effectué. Une réouverture des débats a dès lors été ordonnée.

L’assuré social interjette appel.

La position des parties devant la cour

Pour la partie appelante, il s’est agi d’une activité de loisir et non d’une activité professionnelle. Il plaide également que, pour toute la période litigieuse, il a perçu un montant modique, qui n’atteint pas 1.200 €.

Il fait également valoir sa bonne foi, considérant que le fait de webcammer sur internet ne peut être perçu comme étant l’exercice d’une activité professionnelle.

Quant à l’ONEm, il considère qu’il y a activité pour compte propre, celle-ci n’ayant pas été limitée à la gestion normale du patrimoine propre et pouvant être intégrée dans le courant des échanges économiques des biens et services.

L’ONEm – qui a consulté le site – constate que les mentions qui y figurent confirment sa position. Il conclut à l’absence de bonne foi et, de même, demande confirmation de la décision prise sur l’importance de la récupération.

La décision de la cour

La cour fait une application stricte des articles 44 et 45 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage. Rappelant la définition de l’activité effectuée pour compte propre, étant précisément celle qui peut être intégrée dans le courant des échanges économiques des biens et des services et qui n’est pas limitée à la gestion normale des biens propres, la cour souligne également le dernier alinéa de l’article 45, qui vise l’exigence de l’absence de but lucratif, pour que l’activité soit autorisée, dans le cadre de cette disposition.

La cour va confirmer le jugement. Elle constate qu’il y a eu un contrat conclu avec une société commerciale, cette société ayant mis à disposition, via le web, une infrastructure permettant la communication entre le fournisseur du contenu et des visiteurs. Est également organisée la perception électronique de paiements par le visiteur lui-même. La cour renvoie également à la publicité faite par la société, qui visait explicitement la possibilité de gagner de l’argent et faisait en outre miroiter des montants très élevés. La cour constate en outre qu’une facture était établie mensuellement.

Elle relève que le montant perçu n’est pas de nature à permettre de conclure que l’activité n’est pas incompatible avec les allocations de chômage. Il s’agissait en effet d’une activité à but lucratif.

La décision du tribunal se voit dès lors confirmée tant sur l’application des articles 44 et 45 que sur la récupération des allocations.

La cour rappelle la problématique de la bonne foi, en la matière, celle-ci devant être prouvée par le chômeur. Elle souligne que l’intéressé ne pouvait pas ignorer que cette activité risquait d’entrer en conflit avec les allocations qu’il percevait et qu’il aurait dû s’informer.

Pour ce qui est de la limitation de la récupération aux jours où l’activité a été exercée, la position du premier juge est également confirmée. La cour évoque cependant le point et, ayant été dûment documentée quant aux éléments objectifs confirmant les jours en cause, limite celle-ci à 136 jours, considérés comme journées de travail.

Enfin, la sanction d’exclusion est confirmée tant quant à son principe que quant à sa durée, la cour estimant qu’une période de 6 semaines est proportionnée à l’infraction.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle très logiquement que, dès qu’une activité est exercée à but lucratif, elle est susceptible d’entrer en conflit avec la perception d’allocations de chômage, ce que le bénéficiaire ne peut, naturellement, ignorer. La cour se fonde ici sur la circonstance que l’intéressé a été bénéficiaire d’allocations de chômage à plusieurs reprises et devait dès lors être familier des règles en la matière.

La limite entre le hobby et l’exercice d’une activité incompatible est parfois difficile à cerner. L’on peut utilement rappeler que, dans un arrêt du 24 avril 2014 (R.G. n° 2013/AB/561), la cour du travail a statué dans le cadre d’une activité d’élevage de chiens, constatant qu’il s’agissait d’une activité organisée, les animaux étant destinés à un éleveur à l’étranger. Cette activité a été considérée comme non autorisée, dans la mesure où elle était susceptible d’être régulière et qu’elle s’accompagnait nécessairement d’une contrepartie financière (sur laquelle, en l’espèce, l’intéressé avait été particulièrement vague).


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