Terralaboris asbl

Administrateur de société et dettes de cotisations sociales – obligations de la société en cas de mandat expiré

Commentaire de Cass., 12 mai 2014, n° S.12.0092.F

Mis en ligne le lundi 13 octobre 2014


Cour de cassation, 12 mai 2014, n° S.12.0092.F

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 12 mai 2014, la Cour de cassation rappelle qu’en vertu de l’article 518, §3 du Code des sociétés, les fonctions de l’administrateur dont le mandat est venu à terme et qui n’a pas été remplacé sont poursuivies en vue du maintien de l’administration de la société. Les cotisations au statut social sont, dès lors, dues.

L’objet du litige

Les juridictions du travail de Bruxelles ont été saisies d’une question de prescription en matière de cotisations sociales dues par un administrateur de société. Celui-ci avait été désigné en janvier 1991 pour une durée de six ans et son mandat devait ainsi prendre fin après l’assemblée générale de l’année 1997. Cependant aucun autre administrateur ne fut désigné après cette date.

La cour du travail constate ainsi qu’aucune pièce ne permet de démontrer qu’après l’échéance du mandat s’était tenue une autre Assemblée générale au cours de laquelle il avait été pourvu à son remplacement. En conséquence, elle considère qu’il n’est pas établi que le mandat d’administrateur avait pris fin.

Elle constate que la caisse d’assurances sociales a introduit une première citation en paiement de cotisations le 8 juin 2005, citation signifiée à la société. Celle-ci vise la condamnation de cette société au paiement des cotisations dues par l’intéressé jusqu’au premier trimestre 2003. La société va ultérieurement tomber en faillite.

Cette première procédure est suivie d’une autre, avec un objet identique, initiée par citation à comparaître du 6 février 2008. Celle-ci est mue contre plusieurs autres sociétés venues aux droits de la première. Dans cette seconde procédure, la cour du travail rejette par arrêt du 18 novembre 2011 l’exception de prescription invoquée par les sociétés. C’est cette affaire qui va être soumise à la censure de la Cour de cassation.

La cour du travail rappelle longuement dans son arrêt les principes applicables, étant ceux relatifs à l’interruption de la prescription dans cette matière, renvoyant notamment à un arrêt de la Cour de cassation du 6 juin 1988 (Cass., 6 juin 1988, Pas., 1988, I, p. 1191), selon lequel l’article 15, § 1er, alinéa 3 de l’arrêté royal n° 38 (qui fixe le principe de la responsabilité solidaire des personnes morales pour le paiement des cotisations dues par leurs associés ou mandataires) ne limite pas autrement les effets de la solidarité qu’elle instaure. La cour renvoie également à l’article 1206 du Code civil, qui dispose que les poursuites faites contre l’un des débiteurs solidaires interrompent la prescription à l’égard de tous. En ce qui concerne les personnes morales, la prescription peut être interrompue par tout acte fait à l‘égard de l’associé ou du mandataire ou d’un autre codébiteur solidaire (enseignement de la Cour suprême dans un arrêt du 14 janvier 2002, n° S.01.0012.F). La cour conclut également, rejetant l’argument des sociétés, que la responsabilité solidaire n’est pas subordonnée à l’introduction préalable d’une procédure à l’’encontre du travailleur indépendant.

En conclusion, constatant que l’intéressé avait été nommé administrateur pendant six ans mais qu’il n’était pas établi que son mandat ait pris fin, elle retient l’absence de remplacement et, renvoyant au droit des sociétés, rappelle que dans une telle hypothèse les administrateurs restent en fonction et demeurent responsables jusqu’au remplacement qui interviendrait. La cour considère dès lors que pendant la période litigieuse, l’intéressé avait toujours la qualité d’administrateur de la (première) société. La citation signifiée à celle-ci en 2005 a dès lors valablement interrompu la prescription à l’égard des autres codébiteurs solidaires et, pour la cour, il n’y a pas prescription pour les cotisations dues pour la période à partir de janvier 2000.

Le pourvoi

La première branche du pourvoi se fonde essentiellement sur les articles 517 et 518, §3 du Code des sociétés, le moyen faisant grief à l’arrêt d’avoir déduit l’existence d’une activité indépendante de celle d’un mandat d’administrateur au sein de la société alors que d’après les éléments relevés par la cour, ce mandat avait pris fin par l’expiration du terme de six ans.

Dans sa seconde branche, le pourvoi fait valoir que le principe auquel se réfère l’arrêt est uniquement destiné à assurer le fonctionnement de la société en cause dans l’intérêt social et à permettre aux tiers d’exercer éventuellement des recours contre les administrateurs de la société. Celui-ci est cependant totalement étranger au statut social de l’administrateur dont les fonctions ont pris fin.

L’Arrêt de la Cour

La Cour rejette le pourvoi, répondant aux deux branches.

Sur la première, la Cour renvoie au texte de l’article 518, §3 du Code des sociétés, qui dispose que si le terme du mandat des administrateurs des sociétés anonymes ne peut excéder six ans et s’ils sont toujours révocables par l’assemblée générale, il résulte des règles du mandat qu’à l’échéance du terme, les fonctions d’un administrateur se poursuivent en vue d’assurer le maintien de l’administration de la société jusqu’au remplacement de l’administrateur.

Sur la seconde branche, la Cour renvoie à l’article 3, §1er, alinéa 4 de l’arrêté royal n° 38. Celui-ci prévoit que les personnes désignées comme mandataires dans une société (ou association) assujettie à l’impôt belge des sociétés ou des non-résidents, sont présumées exercer en Belgique une activité professionnelle en tant que travailleur indépendant. Il en découle que la personne ainsi désignée reste soumise à la présomption aussi longtemps qu’elle exerce les fonctions pour lesquelles elle a été désignée. Dès lors que la cour du travail a constaté que l’administrateur a poursuivi l’exercice des fonctions auxquelles il a été désigné, et ce après l’échéance du terme, elle a décidé légalement que l’intéressé avait conservé la qualité d’administrateur assujetti.

Intérêt de la décision

Dans cette affaire, où la société pour laquelle l’administrateur a effectivement presté est tombée en faillite, la caisse d’assurances sociales a introduit une seconde procédure contre cinq sociétés venues aux droits de la société faillie.

Aucune procédure n’avait été engagée contre le travailleur indépendant lui-même et la cour du travail rappelle que cette exigence de procédure préalable n’est pas posée par la réglementation. Il s’agissait dès lors de vérifier si la prescription a valablement été interrompue du fait de l’introduction d’une première procédure contre la société faillie, question à laquelle la cour du travail a répondu par l’affirmative.

De manière plus spécifique, se présentait une circonstance propre à l’espèce, étant de déterminer si l’administrateur de société était dans ces circonstances toujours assujetti. La durée légale de son mandat était expirée mais en l’absence de preuve de la cessation effective de celui-ci (remplacement) et vu la poursuite de l’activité, la cour du travail avait renvoyé aux principes applicables en matière de droit des sociétés étant que, lorsqu’après la date fixée par les statuts pour la fin du mandat des administrateurs, aucune assemblée générale n’est tenue pour pourvoir à leur remplacement, ils restent en fonction et demeurent responsables jusqu’à celui-ci. Vu, parallèlement, la présomption de l’article 3, §1er, alinéa 4 de l’arrêté royal n° 38, la personne désignée en tant que mandataire reste soumise à la présomption d’assujettissement aussi longtemps qu’elle exerce les fonctions pour lesquelles elle a été désignée.


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