Terralaboris asbl

Accident du travail : un malaise cardiaque survenu à un policier au cours d’un exercice d’entraînement peut constituer un accident du travail

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 28 avril 2014, R.G. 2012/AB/454

Mis en ligne le mardi 26 août 2014


Cour du travail de Bruxelles, 28 avril 2014, R.G. n° 2012/AB/454

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 28 avril 2014, statuant après cassation, la Cour du travail de Bruxelles a accueilli la demande d’ayants-droits d’un policier victime d’un malaise cardiaque au cours d’un exercice d’entraînement.

Les faits

Un policier est victime d’un malaise cardiaque (qui entraînera son décès) alors qu’il participe à un stage pratique destiné à la formation des élèves d’une académie de police. L’exercice consiste en la simulation de l’interception d’un tiers, dans le cadre d’un vol. L’intéressé, qui tient le rôle de ce tiers, est intercepté, menotté et neutralisé. Il est victime d’un malaise et une équipe du SMUR est appelée sur place. Est constaté un infarctus du myocarde, la cause du drame étant reprise par le médecin comme étant une perte de connaissance brutale lors d’un exercice, ainsi qu’un malaise.

L’assureur de l’autorité publique considère qu’il n’y a pas d’événement soudain particulier, à savoir un effort physique intense, et qu’il n’y a dès lors pas accident du travail. L’employeur suit cette position et une procédure est introduite par les ayants-droits devant le Tribunal du travail de Mons en paiement des indemnités et rentes légales, prévues dans le cadre de la loi du 3 juillet 1967.

Le tribunal rend deux jugements, le premier autorisant des enquêtes et, le second, faisant droit à la demande.

Appel est alors interjeté par la Zone de Police et, par arrêt du 15 mars 2010, la Cour du travail de Mons accueille celui-ci sur la question de l’événement soudain. Pour la cour, les conditions légales n’étaient pas réunies.

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation a, par arrêt du 28 mars 2011, accueilli le pourvoi contre cette décision. Elle a rappelé que l’exercice habituel et normal de la tâche journalière peut être l’événement soudain requis, à la condition que, dans cet exercice, puisse être décelé un élément qui a pu produire la lésion. Elle a rappelé qu’il n’est pas exigé que cet événement se distingue (c’est-à-dire qu’il soit différent) de l’exécution du contrat de travail.

Dès lors que le juge du fond a admis l’existence d’un malaise cardiaque après la ferme interception et les autres phases de l’exercice d’entraînement, le juge du fond ne peut pas constater qu’il n’y aurait pas événement soudain au motif qu’il n’y a pas eu de stress particulier engendré par l’exécution du travail ou un effort particulier de nature professionnelle pouvant constituer le facteur déterminant ou un facteur co-déterminant de la lésion.

Pour la Cour suprême, l’action de se faire intercepter fermement, menotter et mettre à genoux par les élèves dans les circonstances admises peut à elle seule constituer l’événement requis.

L’arrêt de la cour du travail du 28 avril 2014

L’affaire revient devant la Cour du travail de Bruxelles, qui reprend les termes de la Cour de cassation. Elle renvoie également à la doctrine, sur la question des accidents cardio-vasculaires, qui considère que l’événement soudain est en général considéré comme établi en cas d’efforts (même normaux) effectués au travail, d’émotions, de tensions, de stress, etc., joints ou non à une prédisposition pathologique, et que, lorsque la cause de l’infarctus reste inconnue, le doute profite à la victime.

Relevant que le malaise est survenu au cours de l’exécution du travail et que, d’ailleurs, cet exercice (même effectué auparavant) ne constituait pas l’activité quotidienne habituelle de l’intéressé, il y avait lieu de conclure à un événement soudain au sens légal. La cour retient que la victime avait des problèmes de santé et qu’elle avait d’ailleurs de ce fait été affectée à des tâches administratives, mais que, le jour de l’accident, elle a été exposée à la fois à des circonstances atmosphériques particulières (changements importants de température, déshydratation) et que l’exercice a été mené comme dans la vie réelle. Cette situation a d’ailleurs fait que, lorsque le malaise est survenu, les participants ne l’ont pas compris immédiatement et les secours n’ont été appelés qu’après un certain laps de temps.

Elle s’attache plus particulièrement à l’état antérieur de l’intéressé, qui présentait une cardiopathie. Un rapport médical a précisé – sans être sérieusement contredit – que l’arythmie ventriculaire dont le policier a été victime peut avoir deux causes, mais chacune inclut des éléments déterminants propres aux circonstances dans lesquelles l’exercice effectué s’est déroulé. La cour estime ainsi, dans sa conclusion, que le décès ne résulte pas de la seule maladie de la victime, l’employeur échouant à établir ceci.

La cour confirme dès lors le jugement du Tribunal du travail Mons.

Intérêt de la décision

Cette affaire avait déjà eu un certain écho au moment où l’arrêt de la Cour de cassation a été rendu, la Cour suprême ayant rappelé deux principes, dans sa décision, à savoir que :

  • L’exercice habituel et normal de la tâche journalière peut constituer un événement soudain à la condition que la victime épingle un fait précis qui a pu produire la lésion ;
  • L’élément épinglé au titre d’événement soudain ne doit pas se distinguer de l’exécution normale du contrat de travail.

L’arrêt de renvoi est conforme à la décision de la Cour suprême. Il procède, en outre, à un examen fouillé des éléments de causalité, eu égard à l’existence d’un état antérieur. Il conclut que la présomption légale n’est pas renversée, la loi exigeant pour ce faire que l’employeur (ou l’assureur-loi dans le secteur privé) établisse que la lésion a une cause rigoureusement étrangère à l’événement soudain. Le mécanisme légal admet en effet la pluri-causalité et, dès lors que l’événement soudain est, ne serait-ce que pour partie (et peu importe l’ampleur de celle-ci), lié à l’exécution du contrat de travail, il y a lieu à indemnisation.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be