Terralaboris asbl

Plainte en harcèlement : début de la protection

Commentaire de Cass., 3 mars 2014, n° S.12.0110.F

Mis en ligne le lundi 25 août 2014


Cour de cassation, 3 mars 2014, n° S.12.0110.F

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 3 mars 2014, la Cour de cassation rejette un pourvoi contre un arrêt de la Cour du travail de Liège du 28 mars 2012, qui avait considéré que, si la plainte est déposée au niveau de l’entreprise ou de l’institution qui occupe le travailleur, le début de la protection contre le licenciement en cas de plainte pour harcèlement débute lorsque l’employeur est informé par le conseiller en prévention.

Rétroactes

La Cour de cassation est saisie d’un pourvoi contre un arrêt de la Cour du travail de Liège (Section de Neufchâteau) du 28 mars 2012. La cour du travail avait réformé, par cette décision, un jugement qui avait alloué une indemnité de protection contre le licenciement sur la base de l’article 32tredecies de la loi du 4 août 1996. La cour du travail avait retenu, vu la nature d’ordre public de la loi et le caractère dérogatoire au droit commun de la protection légale, qu’il y avait lieu à une stricte application du formalisme prévu. Elle avait rappelé (statuant dans la mouture du texte avant la modification intervenue par la loi du 10 janvier 2007), qu’il y a trois circonstances distinctes pour déterminer le moment du début de la protection contre le licenciement, selon qu’il s’agit d’une procédure interne, d’une plainte déposée auprès de l’Inspection médicale ou d’une affaire pendante devant les juridictions du travail.

S’agissant en l’espèce d’une procédure interne, la cour avait relevé le rôle du conseiller en prévention, qui a un devoir d’information, de telle sorte que, si l’information est donnée par une autre personne que lui, cette initiative ne peut se substituer au mécanisme légal. La cour concluait que le point de départ n’était pas le dépôt de la plainte mais l’information par le conseiller en prévention, conformément au § 6 de l’article 32tredecies de la loi du 4 août 1996.

Le moyen du pourvoi

Le pourvoi faisait valoir, en sa première branche, que l’obligation faite au conseiller en prévention d’informer l’employeur n’a pas pour portée de définir à partir de quel moment le travailleur est protégé contre un licenciement, mais uniquement de mettre à charge du conseiller en prévention une obligation d’information immédiate de l’employeur que le travailleur bénéficie de ladite protection. Dans sa deuxième branche, il considérait que la notion de plainte motivée constituant le point de départ de la protection n’était pas définie dans la loi.

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour répond essentiellement à la première branche, étant que, dans sa version applicable aux faits, l’employeur qui occupe un travailleur qui a déposé plainte (au niveau de l’entreprise ou de l’institution qui l’occupe, ou auprès des fonctionnaires chargés de la surveillance, ou pour lequel ces fonctionnaires sont intervenus, ou encore qui intente – ou pour qui est intentée – une action judiciaire) ne peut mettre fin à la relation de travail, ni modifier unilatéralement les conditions de travail, sauf motif étranger à la plainte ou à l’action judiciaire.

L’article 32tredecies, § 6 de la loi impose au conseiller en prévention d’informer immédiatement l’employeur du fait que le travailleur bénéficie de la protection en cause, lorsqu’une procédure, sur la base d’une plainte motivée, est entamée au niveau de l’entreprise.

Pour la Cour de cassation, eu égard à l’article 14 de l’arrêté royal du 11 juillet 2002 (dans sa version applicable aux faits), dès qu’une plainte est déposée, il y a obligation pour le conseiller en prévention d’aviser l’employeur en lui communiquant une copie du document dressé (conformément à l’article 13 de l’arrêté) et de l’inviter à prendre des mesures adéquates. Dès lors, la protection commence au moment où l’employeur est informé du dépôt de la plainte motivée auprès de ce conseiller en prévention.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour de cassation met un terme à un débat relatif au début de la protection accordée par la loi au travailleur suite au dépôt d’une plainte en harcèlement. La question avait notamment été examinée de manière approfondie dans un autre arrêt de la Cour du travail de Liège (C. trav. Liège, section de Liège, 20 janvier 2012, R.G. 33.545/2005), qui avait insisté sur le caractère restrictif du mécanisme légal, reprenant parmi les critères de la protection, l’information de l’employeur. Il peut être utilement renvoyé à cet arrêt du 20 janvier 2012, qui est très documenté sur la question.

Relevons que, depuis la réforme de 2007, la protection joue dès lors que le travailleur a déposé plainte, à partir du moment où celle-ci est introduite. Pour la période antérieure, le critère de l’anticipation ne joue dès lors pas : soit l’employeur était informé, soit il ne pouvait l’être.


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