Terralaboris asbl

Personnes handicapées : date de prise de cours des allocations d’aggravation en cas de révision médicale planifiée

Commentaire de Cass., 2 décembre 2013, R.G. n° S.12.0123.F

Mis en ligne le vendredi 22 août 2014


Cous de cassation, 2 décembre 2013, R.G. n° S.12.0123.F

Terra Laboris asbl

Par arrêt du 2 décembre 2013, la Cour de cassation a tranché la question de la prise de cours des allocations d’aggravation en cas de révision médicale planifiée particulièrement eu égard à l’hypothèse de la reconnaissance du droit à une majoration des allocations.

Les rétroactes

Dans un arrêt du 18 juin 2012 (précédemment commenté), la Cour du travail de Bruxelles avait considéré que l’article 23, § 2, alinéa 5 de l’arrêté royal du 22 mai 2003 relatif à la procédure concernant le traitement des dossiers en matière d’allocations aux personnes handicapées était discriminatoire et violait, en conséquence, les articles 10 et 11 de la Constitution. Le cas tranché concernait un recours dirigé contre une attestation générale par laquelle une réduction de la capacité de gain d’un tiers au moins avait été admise, ainsi qu’une réduction d’autonomie (8 points). Le recours portait également sur la décision administrative à intervenir en ce qu’elle se fonderait sur une attestation générale erronée sur le plan médical. Le tribunal du travail avait invité l’Etat belge à rendre une décision reconnaissant le droit à l’allocation de remplacement de revenus et à payer les arriérés. Une expertise avait été ordonnée pour l’allocation d’intégration ainsi que les avantages sociaux et fiscaux.

Suite à l’appel de l’Etat belge, la cour du travail avait été amenée à examiner la situation médicale, l’objet de la discussion concernant une période d’environ deux ans. L’Etat belge considérait en effet que le droit était ouvert à dater du 1er octobre 2009 alors que le tribunal avait retenu une aggravation de la situation médicale au 1er octobre 2007.

La cour du travail avait considéré que le principe de non-discrimination pouvait être mis en cause et que, si dans la majorité des cas la disposition légale est favorable à la personne handicapée, il n’y avait pas de justification raisonnable à traiter de manière identique deux catégories de personnes qui sont dans des situations différentes, étant ceux dont l’allocation va être réduite et ceux pour lesquels il y aura majoration.

Pour la cour, le fait que la personne handicapée peut introduire une nouvelle demande d’allocations ne justifie pas raisonnablement la disposition en cause.

La cour avait rouvert les débats en demandant aux parties de répondre à plusieurs questions relatives essentiellement à la date à retenir.

Le pourvoi

Le moyen développé concerne l’article 23, § 2, alinéa 5 de l’arrêté royal, considérant qu’il ne concerne qu’un seul groupe de personnes à savoir les personnes handicapées pour lesquelles une décision antérieure a été prise sur la base d’éléments à caractère provisoire ou évolutif et pour lesquelles il est procédé d’office à une révision du droit aux allocations. Au moment où cette révision est effectuée, le résultat de cet examen de même que l’effet sur le droit aux allocations sont inconnus. Il n’y a dès lors pas deux groupes de personnes se trouvant dans des situations différentes. Le moyen considère que la distinction faite par l’arrêt ne résulte pas de l’application de la disposition légale mais des faits.

A titre subsidiaire, il considère que, si la Cour devait admettre que sont traités de manière identique deux groupes de personnes se trouvant dans des situations différentes, il y a à ceci une justification raisonnable. Il se fonde sur la possibilité pour la personne handicapée qui estime que sa situation médicale s’est aggravée d’introduire une nouvelle demande en application de l’article 17, § 1er de l’arrêté royal du 22 mai 2003, hypothèse dans laquelle la nouvelle décision produira ses effets le premier jour du mois suivant celui au cours duquel la nouvelle demande a été introduite.

La décision de la Cour

La Cour reprend, dans un premier temps, les principes constitutionnels en matière d’égalité et de non-discrimination.

Examinant les articles 23, § 1er, 5° et 17, § 1er, alinéas 1 et 2 de l’arrêté royal, elle conclut que la faculté pour la personne handicapée d’introduire une nouvelle demande, sans attendre la révision d’office, et d’obtenir ainsi une majoration de ses allocations à la date de la demande (ou à une date antérieure) justifie raisonnablement l’application uniforme de la non-rétroactivité de l’article 23, § 2, alinéa 5 en cas de révision d’office. Cette disposition permet en effet d’introduire une nouvelle demande lorsque selon le demandeur lui-même des modifications sont intervenues qui justifieraient l’augmentation de l’allocation, la nouvelle demande pouvant tendre à une révision de l’appréciation de la capacité de gain ou du degré d’autonomie de la personne handicapée, en raison d’un changement de son état physique ou psychique ou du fait qu’elle satisfait aux autres conditions d’octroi.

La Cour de cassation casse dès lors l’arrêt de la Cour du travail de Bruxelles.

Intérêt de la décision

L’importance de cet arrêt n’échappera pas. Lorsqu’un bénéficiaire d’allocations considère que son état s’est aggravé et qu’est, par ailleurs, prévue une révision médicale planifiée, il a intérêt à introduire, parallèlement, une demande d’aggravation, conformément à l’article 17, § 1er de l’arrêté royal du 22 mai 2003, et ce eu égard à la date de prise d’effet de l’aggravation qui serait constatée et à son incidence sur le taux de l’allocation. Il ne doit, en conséquence, pas attendre la révision d’office, puisque l’article 23, § 1er, 5° du même arrêté royal n’a pas d’effet rétroactif et que cette situation est considérée par la Cour suprême comme non-discriminatoire.


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