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Paiement d’une pension alimentaire et cohabitation : taux de l’allocation de chômage

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 28 mai 2014, R.G. n° 2011/AB/1.018

Mis en ligne le vendredi 22 août 2014


Cour du travail de Bruxelles, 28 mai 2014, R.G. n° 2011/AB/1.018

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 28 mai 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions dans lesquelles le paiement d’une pension alimentaire peut permettre à une personne au chômage d’avoir la qualité de bénéficiaire ayant charge de famille.

Les faits

Un bénéficiaire d’allocations de chômage déclare dans un premier temps vivre avec sa famille, situation confirmée pendant une première période.

Suite à la séparation du couple, il verse ensuite une contribution alimentaire pour sa fille.

Ultérieurement, sa propre sœur est inscrite à son domicile et signale la chose à l’ONEm.

Le demandeur est entendu, plus tard, sur sa situation familiale.

Il déclare verser une contribution alimentaire pour sa fille et vivre avec sa sœur, qui est quant à elle bénéficiaire d’indemnités de mutuelle. Il confirme la prise en charge des frais du ménage par celle-ci en partie.

Une décision est prise, l’excluant du droit en qualité de travailleur ayant charge de famille, et ce depuis l’inscription de sa sœur à son domicile. Il est réadmis à la même date en qualité de cohabitant et l’ONEm décide de récupérer les allocations correspondant à la différence de taux. Il s’agit d’un montant avoisinant 12.000€.

Sur le plan de l’exclusion, celle-ci est fixée à quatre semaines au motif que la déclaration requise n’a pas été faite.

Un recours est introduit devant le tribunal du travail, qui confirme la qualité de cohabitant. Par ailleurs, le tribunal rejette la bonne foi, la preuve de celle-ci n’étant pas apportée par l’intéressé.

Appel est interjeté par celui-ci, devant la cour.

Décision de la cour

La cour rappelle les critères de l’article 110 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, parmi lesquels figure dans la catégorie de travailleurs ayant charge de famille celui qui paye de manière effective une pension alimentaire. L’article 110, 3° précise que celui-ci doit cependant habiter seul et que la pension alimentaire doit être fixée officiellement (décision judiciaire ou convention notariale). Le travailleur isolé est celui qui habite seul et le cohabitant est celui qui n’est ni l’un ni l’autre.

La cour poursuit en rappelant la notion de cohabitation, au sens de la réglementation, à savoir le fait pour deux ou plusieurs personnes de vivre ensemble sous le même toit et de régler principalement en commun les questions ménagères. Elle reprend des décisions récentes des hautes juridictions belges (Cour constitutionnelle, 10 novembre 2011, arrêt n° 176/2011 et Cour de cassation, 21 novembre 2011, R.G. n° S.11.0067.F), qui ont précisé qu’en sus du partage des tâches ménagères, il faut que l’allocataire tire un avantage économico-financier de la cohabitation.

La cour constate qu’il y a cohabitation au sens légal, la sœur ayant des revenus de remplacement et ne pouvant être considérée comme personne à charge, situation qui supposerait l’absence de tels revenus, et ce conformément à l’article 110, § 1er, 2°, c). La cour insiste sur le fait que, pour être considéré comme ayant charge de famille en cas de paiement d’une contribution alimentaire, le chômeur doit habiter seul.

Quoique faisant défaut à l’audience, l’intéressé a encore fait valoir certains arguments tirés du dépassement du délai raisonnable d’une part et de manquements à la Charte de l’assuré sociale de l’autre.

La cour examine ces griefs et, tout en constatant que l’ONEm a agi dans le délai de prescription, elle rappelle que sa jurisprudence antérieure sur la question a été censurée par la Cour de cassation, celle-ci ayant admis que, dans la mesure où une institution de sécurité sociale agit dans le délai de prescription, il ne peut être fait échec à sa demande au motif du dépassement du délai raisonnable (la cour renvoyant à deux arrêts de la Cour de cassation du 27 mai 2013, R.G. n° S.12.0005.F et du 18 mars 2013, R.G. n° S.12.0069.F).

Par ailleurs, sur le manquement aux obligations de la Charte et particulièrement à l’obligation d’information, la cour rappelle très justement la répartition des obligations, dans cette branche de la sécurité sociale entre l’ONEm et les organismes de paiement, ces derniers étant ceux sur qui repose l’obligation d’information et de conseil. Elle souligne encore que si la sœur avait fait sa déclaration de cohabitation (étant au chômage à l’époque), cette même déclaration devait également être faite par son frère, chez qui elle s’installait.

Un dernier point reste à examiner étant la question de la bonne foi et la cour renvoie ici à la notion d’absence de conscience du caractère indu au moment où le paiement est intervenu. Elle considère, vu les éléments de fait, que la bonne foi n’est pas rapportée.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle une règle d’application fréquente, étant la mesure dans laquelle le paiement d’une contribution alimentaire peut permettre au bénéficiaire d’allocations de chômage d’avoir la qualité de bénéficiaire avec charge de famille.

Dès lors que celui-ci n’habite pas seul, il est susceptible d’être considéré comme cohabitant. Renvoyant à des précisions très importantes apportées par la Cour constitutionnelle et la Cour de cassation dans les décisions citées, la cour reprend la notion de cohabitation : c’est la situation qui permet à un allocataire de tirer un avantage économico-financier du fait de la présence d’un tiers dans son ménage. Il en découle qu’à partir du moment où ce tiers ne peut permettre au bénéficiaire de la prestation sociale de percevoir un tel avantage, il ne peut être considéré comme cohabitant mais percevra son allocation comme si la personne ne partageait pas son ménage.

L’on peut utilement rappeler que cette situation implique que le chômeur règle personnellement la contribution alimentaire mise à sa charge. Ainsi dans un arrêt du 27 février 2013 (C. trav. Bruxelles, 27 février 2013, R.G. n° 2011/AB/335), la Cour du travail de Bruxelles a rappelé que la condition reprise dans l’article 110, § 1er, alinéa 3 (étant que le travailleur qui sollicite le statut de bénéficiaire avec charge de famille paye de manière effective une pension alimentaire) suppose qu’il s’acquitte personnellement de cette obligation, et ce au moment même où il reçoit les allocations comme travailleur ayant charge de famille, les allocations majorées qu’il perçoit lui étant accordées pour lui permettre de faire face mois par mois aux dépenses supplémentaires dues aux obligations alimentaires en cause. Dès lors que celles-ci sont payées par le SECAL, tel n’est pas le cas.

Enfin, la cour rappelle que la Cour de cassation a censuré l’application du principe du dépassement du délai raisonnable, dans ce type de procédure, et ce dès lors que l’institution de sécurité sociale agit dans le délai de prescription.


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