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Procédure d’exécution INASTI : contrainte ou citation ? Sort des frais de justice supplémentaires

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 24 juillet 2009, R.G. 50.911

Mis en ligne le lundi 14 juillet 2014


Cour du travail de Bruxelles, 24 juillet 2009, R.G. n° 50.911 (notamment)

TERRA LABORIS ASBL

En date du 24 juillet 2009, la Cour du travail de Bruxelles a rendu une quinzaine d’arrêts identiques, dans des affaires opposant l’INASTI à des indépendants, arrêts portant sur un point bien précis : la justification du complément d’indemnité de procédure de première instance en faveur de l’INASTI.

Objet du litige

Dans l’ensemble de ces affaires, une question identique restait posée devant la Cour du travail, étant la condamnation aux compléments d’indemnité de procédure de première instance réclamés par l’INASTI à des travailleurs indépendants qui avaient été condamnés au paiement de cotisations.

L’indemnité de procédure de première instance ne faisait, elle, pas l’objet de contestation.

Dans l’ensemble des affaires, appel avait été interjeté par l’INASTI non sur la dette de cotisations sociales, de majorations ou de frais, mais sur le complément d’indemnité de procédure uniquement.

Le litige devant la Cour du travail résidait essentiellement dans le fait que, dans les espèces commentées, la dette était non contestée dès avant la citation et le risque de contestation très faible. L’INASTI avait opté pour la voie de la citation en justice pour obtenir un titre exécutoire.

L’arrêt de la Cour du travail

La Cour relève que, vu la procédure introduite devant les juridictions du travail par citation et vu l’intervention d’un avocat, l’INASTI a obtenu la condamnation de chacun des intéressés à l’indemnité de procédure. La Cour va dès lors devoir examiner si, en choisissant de se procurer un titre exécutoire sous la forme d’un jugement plutôt que par le recours à la contrainte, dans l’hypothèse où la dette n’est pas contestée et où le risque de contestation était très faible, l’INASTI n’a pas suscité des frais de justice inutiles.

La Cour rappelle qu’il y a effectivement deux voies permettant à l’INASTI de contraindre un travailleur indépendant (ou un débiteur solidaire) à payer la dette :

  • la contrainte visée à l’article 20, § 7 de l’arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 ;
  • la possibilité de saisir le tribunal du travail aux fins d’obtenir un titre, conformément à l’article 580, 1° du Code judiciaire.

La Cour va alors longuement rappeler le statut juridique de la contrainte, dont bénéficie notamment l’INASTI, en sa qualité de caisse nationale auxiliaire d’assurances sociales pour travailleurs indépendants : c’est un titre exécutoire.

Il dispense l’institution perceptrice de faire appel aux juridictions du travail. Il porte sur les cotisations impayées, mais également sur les majorations et intérêts de retard qui s’y rapportent et il permet d’actionner des procédures d’exécution forcée. Ce pouvoir, conféré par le législateur a l’INASTI, de se délivrer lui-même ce titre exécutoire va de pair avec celui des institutions perceptrices de cotisations d’accorder des délais de paiement.

La Cour rappelle que c’est suite à un rapport de la Cour des comptes de juin 2004 sur le recouvrement par voie judiciaire des cotisations sociales dues à l’ONSS (la Cour recommandant à l’ONSS de s’attacher davantage à l’exécution par voie de contrainte) que des dispositions nouvelles sont intervenues dans les deux régimes (travailleurs salariés et travailleurs indépendants). La contrainte permet donc, tout comme les délais de paiement, de faciliter et d’accélérer le recouvrement des cotisations sociales. Elle est destinée aux créances non contestées, étant exclues si l’assujetti a déjà émis une contestation.

La Cour réserve encore des développements circonstanciés aux recommandations faites par la Cour des comptes quant à l’utilisation « ciblée » de la contrainte, cette institution ayant par ailleurs recommandé de faire l’analyse des coûts, ceux-ci étant un indice supplémentaire de l’intérêt d’y recourir plutôt qu’à la voie judiciaire. La Cour relève encore que, accessoirement, le recours à la contrainte a pour but de réduire les frais de justice à charge des débiteurs de cotisations, avantage qui avait été également souligné par la Cour des comptes.

Dans cette problématique vient s’inscrire la modification intervenue en matière d’indemnités de procédure, par la loi du 21 avril 2007 sur la répétibilité des honoraires d’avocats (et son arrêté d’exécution du 26 octobre 2007).

La Cour rappelle les critères fixés dans ces textes, venant moduler le montant de l’indemnité de procédure et notamment l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 18 décembre 2008 (arrêt n° 182/2008) relatif aux bénéficiaires de l’aide juridique de 2e ligne, pour lesquels l’indemnité de procédure est fixée au minimum sauf en cas de situation manifestement déraisonnable, cas où elle peut se trouver en-deçà de celui-ci.

Par ailleurs, la Cour relève que le coût d’une contrainte établie suivant une procédure standardisée n’excède pas le montant des frais de justice alloués par le tribunal et, les coûts ayant augmenté en application de la loi du 21 avril 2007 ci-dessus depuis le 1er janvier 2008, la Cour relève que l’INASTI n’expose pas les raisons pour lesquelles il ne recourt pas davantage à la contrainte, et ce alors que d’autres administrations le font, notamment l’administration fiscale.

Il s’agit dès lors d’un pur choix de l’INASTI et le complément d’indemnité de procédure qu’il réclame est le fruit de ce choix.

Pour la Cour, ces frais de justice se justifieraient s’il pouvait être démontré que le jugement était préférable à la contrainte. Ceci n’est cependant pas le cas, dans les espèces où la créance n’est pas contestée et où le risque de contestation est faible.

La Cour relève encore que, dans ces matières, de très nombreux jugements sont rendus par défaut et que les paiements effectués suite à ceux-ci (ou à des jugements contradictoires) sont approximativement équivalents, le taux d’opposition étant marginal (ces données résultant du rapport de la Cour des comptes mentionné). Par ailleurs, la contrainte permet d’améliorer les délais et par voie de conséquence les chances de recouvrement de créances liquides et certaines (la Cour rappelant ici les travaux préparatoires de la loi du 20 juillet 2005) et elle souligne encore que la procédure de contrainte limite le risque de surprise dans le chef du débiteur, puisqu’elle est précédée d’un dernier rappel recommandé avertissant celui-ci qu’il a un mois pour contester la demande.

Elle présente, enfin, l’avantage de la sécurité, puisqu’elle est signifiée par exploit d’huissier et, en cas de contestation, elle peut faire l’objet d’une opposition devant le tribunal du travail dans le mois de sa signification.

Cherchant, sur ces bases, et après avoir soupesé les effets attendus par les deux modes de recouvrement, la Cour aboutit à la conclusion que les frais de justice supplémentaires provoqués par le choix de l’INASTI de se faire délivrer un titre exécutoire sous la forme d’un jugement de condamnation sont des frais injustifiés, dès lors que comme dans l’ensemble de ces cas d’espèces la dette n’était pas contestée et que le risque de contestation était faible.

Intérêt de la décision

Ces arrêts de la Cour du travail de Bruxelles rappellent fort utilement la possibilité pour les caisses d’assurances sociales (caisse nationale auxiliaire et caisses privées) de recourir à la contrainte, plutôt qu’à une procédure en justice, dès lors que la créance n’est pas contestée et que le risque de contestation est faible.

Elle s’attache également aux effets de la modification intervenue dans les frais de justice à charge de la partie qui succombe, du fait de la loi du 21 avril 2007 sur la répétibilité des honoraires d’avocat et en donne de manière détaillée un aperçu des règles venant moduler le montant des indemnités de procédure.


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