Terralaboris asbl

Procédure d’activation des chômeurs : rappel du caractère contractuel des engagements pris

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 24 avril 2014, R.G. n° 2012/AB/885

Mis en ligne le mardi 8 juillet 2014


Cour du travail de Bruxelles, 24 avril 2014, R.G. n° 2012/AB/885

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 24 avril 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que, dans le cadre de la procédure de suivi de la recherche active d’emploi, dès que le chômeur a signé un contrat d’activation et qu’il s’est engagé à le respecter, le juge peut vérifier s’il s’est conformé aux engagements pris mais ne peut apprécier le caractère adéquat ou adapté de ceux-ci.

Les faits

Une chômeuse suit la procédure d’activation du comportement de recherche d’emploi et, lors du premier entretien, son évaluation de la recherche d’un emploi pendant la période de référence est négative. Un premier contrat d’activation est dès lors conclu, dans lequel sont reprises les démarches à faire par l’intéressée les mois qui suivent et avant la deuxième évaluation, prévue quatre mois plus tard.

Lors de celle-ci le constat est à nouveau négatif. Un deuxième contrat est dès lors signé, reprenant divers engagements. L’intéressée est également exclue du bénéfice des allocations pour une période de deux mois.

Intervient ultérieurement un troisième entretien lors duquel il est constaté qu’il n’a été que partiellement satisfait aux engagements du contrat. L’intéressée est dès lors exclue du bénéfice des allocations de chômage sur pied des articles 59, § 5 et 6 de l’arrêté royal.

Suite au recours introduit par celle-ci, le tribunal du travail va annuler la sanction par jugement du 5 juillet 2012.

Il considère que, même si la totalité des engagements n’a pas été respectée, l’intéressée a néanmoins démontré sa volonté de rechercher activement un emploi. Elle a notamment accepté des emplois à durée déterminée (temps partiels).

L’ONEm interjette appel.

Position des parties devant la cour

L’ONEm conteste le respect des engagements, reprenant la nature de ceux-ci (obligation de faire la demande d’une carte Activa, de la renouveler, de répondre à une série d’offres d’emplois, …). Il considère que le respect par la chômeuse de certains engagements (non réalisés en l’espèce), tel celui de répondre à des offres d’emplois, est le plus significatif en ce qui concerne sa volonté réelle de se réinsérer sur le marché du travail. En ce qui concerne les prestations de travail, il considère que celles-ci, effectuées pour compte d’une ALE, ne sont pas des emplois destinés à être permanents, d’autant que le travailleur conserve son statut de chômeur complet indemnisé.

La partie intimée ne comparait pas.

Décision de la cour du travail

La cour reprend la réglementation applicable à la procédure d’activation. Elle rappelle plus précisément les principes qui guident cette procédure, étant qu’il s’agit de constater si le chômeur a fourni des efforts suffisants pour s’insérer sur le marché du travail. Si l’évaluation, lors de l’entretien programmé est négative, le chômeur doit signer un contrat écrit dans lequel il s’engage à mener des actions concrètes. La cour rappelle que ces actions sont choisies par le directeur de l’ONEm, eu égard à la situation spécifique du chômeur et des emplois convenables existants. Le chômeur doit dans ce cas être informé du contrôle qui sera fait quant au respect de l’engagement souscrit.

Lors du second entretien, si une évaluation négative intervient encore, un nouvel écrit sera signé, reprenant de nouvelles actions concrètes à mener dans les mois qui suivent.

En ce qui concerne le non respect du premier contrat, des sanctions sont à ce stade prévues, étant que si le chômeur a la qualité de cohabitant, il est en principe exclu du bénéfice des allocations pendant 4 mois. Si le travailleur a charge de famille ou est isolé, son allocation se verra réduite, pendant la même période.

En cas de non respect des engagements du deuxième contrat d’activation, le cohabitant (au sens de la réglementation) se voit alors exclu mais ici pour une période indéterminée.

La cour rappelle que la Cour de cassation a considéré dans un arrêt du 9 juin 2008 (Cass., 9 juin 2008, R.G. n° S.07.0082.F) que dès que le chômeur a signé le contrat d’activation et qu’il s’est engagé à le respecter, il ne peut plus affirmer ultérieurement qu’il a fourni (autrement) les efforts suffisants d’insertion sur le marché de l’emploi ou que les engagements proposés étaient inadéquats ou inadaptés. Il n’appartient pas au juge d’apprécier les conditions imposées par le contrat, le contrôle judiciaire pouvant cependant porter sur le fait de savoir si le chômeur s’y est conformé.

En l’espèce, la cour va en premier lieu constater que la décision d’exclure l’intéressée après le deuxième contrat est conforme à la réglementation, le juge n’ayant pas, eu égard à l’article 59sexies de l’arrêté royal, le pouvoir de moduler cette exclusion ou de la limiter tenant compte de certains éléments, ainsi la bonne volonté du chômeur ou des « circonstances atténuantes ».

Ensuite, la cour constate que l’intéressée, qui a eu une première sanction, n’a pas respecté la totalité du deuxième contrat.

Elle suit la position de l’ONEm selon laquelle le suivi des offres d’emploi et la réponse à celles-ci est un engagement qui est important, vu qu’il est en lien avec le marché effectif de l’emploi et qu’il permet de vérifier l’existence d’offres correspondant au profil de l’intéressée.

Dès lors, seule la seule circonstance d’avoir occupé des emplois temporaires dans le cadre d’une ALE n’est pas conforme aux engagements souscrits.

La cour en vient, enfin, à l’examen de ce mécanisme à partir du principe de l’exécution de bonne foi des conventions ainsi que du devoir de loyauté, de pondération et de considération qui en résulte. Elle constate que, si elle peut vérifier si le directeur régional a pu constater la bonne ou mauvaise exécution du contrat, elle ne peut cependant en contrôler la bonne exécution en fonction d’autres éléments (éléments susceptibles de démontrer autrement la volonté de l’intéressée de rechercher un emploi).

La cour conclut qu’il n’est pas démontré qu’il y a manquement à ce principe général d’exécution de bonne foi des conventions.

Intérêt de la décision

Cet arrêt confirme l’impossibilité pour le juge de moduler l’exclusion contenue à l’article 59sexies de l’arrêté royal ou de la limiter à une période donnée, tenant compte d’éléments liés à l’attitude du chômeur, ainsi sa bonne volonté ou des circonstances atténuantes.

La cour s’inscrit dans la droite ligne de l’arrêt de la Cour de cassation du 9 juin 2008, qui a consacré l’approche purement contractuelle du contrat d’activation, faisant de celui-ci une convention dont les juridictions ne peuvent apprécier le caractère adéquat ou adapté des engagements qui y sont contenus.

Rappelons que l’approche contractuelle a permis de considérer que, s’agissant d’une convention, celle-ci peut se voir appliquer les règles de la force majeure s’il échet (voir en ce sens C. trav. Liège, 14 décembre 2012, R.G. n° 2011/AL/656-657).


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