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Personne handicapée : le montant de l’allocation d’intégration est-il influencé par la maladie grave du conjoint ?

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Liège, 10 juin 2013, R.G. 2012/AL/666

Mis en ligne le mercredi 18 juin 2014


Cour du travail de Liège, sect. Liège, 10 juin 2013, R.G. n° 2012/AL/666

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Dans un arrêt du 10 juin 2013, la Cour du travail de Liège rappelle que, pour ce qui concerne l’évaluation du critère relatif aux contacts sociaux à prendre en compte pour le calcul de l’allocation d’intégration, il ne faut examiner que la situation de la personne handicapée elle-même, et ce même si son conjoint avec qui elle cohabite souffre d’une maladie grave.

Les faits

Dans le cadre de la revision d’office (quinquennale) d’un dossier, le Service des allocations aux personnes handicapées admet la poursuite de l’octroi d’une allocation de remplacement de revenus et d’une allocation d’intégration de première catégorie. Il s’agit du maintien de la situation antérieure.

Le dossier est réexaminé en mai 2011, dans le cadre de l’allocation pour l’aide aux personnes âgées. L’octroi antérieur étant plus avantageux, il est maintenu.

Un litige survient, cependant, en ce qui concerne l’allocation d’intégration.

Dans le cadre de la procédure devant le tribunal, un expert est désigné, qui confirme la position du Service, étant une cotation de 8 points. Dans son jugement, le tribunal en accorde 9.

Décision du Tribunal du travail de Huy du 23 novembre 2012

Dans ce jugement, le tribunal du travail motive sa position à propos de la cotation relative aux contacts sociaux du fait que l’époux avait la maladie d’Alzheimer. Le tribunal estime que celle-ci limite considérablement lesdits contacts. En outre, il considère que les difficultés de déplacement de l’intéressée elle-même n’ont pas été correctement appréciées. Il admet dès lors, par un résultat de 9 points, que l’allocation d’intégration peut être celle de la 2e catégorie.

Appel est interjeté par le Service.

Position des parties devant la cour

Pour le Service, deux questions juridiques se posent, étant que la perte d’autonomie ne peut porter que sur l’état de la personne elle-même et que, s’il y a aggravation, celle-ci ne peut être reconnue après l’âge de 65 ans dans le cadre de l’allocation d’intégration. Il faut en effet examiner d’abord le droit à l’APA en fonction de la catégorie retenue et d’autre part l’AI majorée de l’allocation de remplacement de revenus, celle-ci étant fixée à la perte d’autonomie après l’âge de 65 ans.

Le point en contestation vise dès lors uniquement la rubrique relative aux contacts sociaux.

Décision de la cour du travail

La cour reprend les principes en matière de perte d’autonomie, étant qu’il faut apprécier si la personne handicapée peut, sans difficultés, avec des difficultés, difficilement ou si elle ne peut pas accomplir certaines fonctions sociales.

L’arrêté ministériel du 30 juillet 1987 contient les rubriques à prendre en compte. Il en résulte – et la cour va citer une très abondante jurisprudence – que la cotation de 2 points correspond à des « difficultés importantes » ou l’obligation pour la personne handicapée d’effectuer des efforts supplémentaires importants ou encore d’avoir un recours important à des équipements particuliers. 1 point correspond par ailleurs à des « difficultés minimes », étant soit des efforts supplémentaires minimes ou l’obligation d’avoir un recours minime à des tels équipements particuliers. La cotation de 3 vise l’impossibilité pour la personne de satisfaire à la fonction sans une aide de tiers ou le recours à un environnement adapté. Il s’agit des cas les plus graves. Le critère à retenir est que la personne ne peut pas réaliser la fonction sans aide (et non que son état est tel que le tiers doive lui-même réaliser toutes les tâches en cause).

La cour prend plusieurs exemples de difficultés combinées présentées dans la vie commune, relatives à la préparation des repas, les questions de mobilité, etc.

Elle rappelle encore que l’entourage ne doit pas être pris en compte, le critère étant celui de l’autonomie de la personne handicapée elle-même. Est également indifférent un manquement dans le suivi des soins : la perte d’autonomie doit être évaluée telle qu’elle se présente et non telle qu’elle se serait présentée si l’intéressé avait suivi un traitement approprié.

Enfin, il ne faut pas tenir compte de la présence d’équipements spéciaux à la disposition de l’intéressé. Ce qu’il faut examiner c’est la possibilité pour la personne handicapée d’accomplir seule la fonction visée.

De même, la cour rappelle que le critère général est celui de la situation moyenne de la personne et non pas son état précis au jour de l’examen.

En ce qui concerne plus particulièrement les contacts sociaux, la cour, s’appuyant sur les commentaires de l’arrêté ministériel, précise que ceux-ci visent les difficultés d’audition, de la vue ou de la parole, ainsi que les handicaps mentaux, de langage, ceux liés aux déplacements et encore les inhibitions mentales limitant les contacts avec l’extérieur. La cour souligne que la difficulté à prendre en compte ne porte pas seulement sur les contacts à l’extérieur de l’habitat mais également sur la possibilité pour la personne d’en avoir à partir de son domicile et également eu égard aux moyens d’information qui lui sont accessibles.

Elle va appliquer ces principes à la situation qui lui est présentée, étant l’incidence de la maladie de son mari sur la possibilité pour elle d’avoir de tels contacts. Elle considère que l’état de santé du mari ne peut intervenir dans la cotation, vu que c’est l’autonomie de la personne qui seule importe, eu égard aux principes dégagés ci-dessus.

Quant à l’incidence de l’âge de 65 ans sur une majoration de la perte d’autonomie dans le cadre de l’allocation d’intégration, elle rappelle que la personne de 65 ans et plus ne peut plus voir majorer la cotation retenue avant cet âge et qu’il faut procéder à une comparaison entre les allocations clichées avant celui-ci et celles dues dans le cadre de l’APA, celles-ci pouvant par contre prendre une aggravation en compte.

La cour réforme dès lors le jugement et rétablit les décisions administratives contestées.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Liège rappelle quelques principes récurrents, étant d’une part les conditions de maintien d’octroi d’allocations dans le cadre de la protection des personnes handicapées et, plus précisément, il reprend des principes constants en ce qui concerne l’évaluation du critère relatif aux contacts sociaux. En l’occurrence, la cour doit bien conclure que l’état de santé d’un proche n’est pas – malgré son caractère pénible – à retenir dans cette évaluation, les critères réglementaires imposant de tenir compte de l’état de la personne handicapée elle-même.


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