Terralaboris asbl

Coopération au développement - A.R. du 18 juillet 1997

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 4 février 2014, R.G. 2012/AB/1.145

Mis en ligne le vendredi 13 juin 2014


Cour du travail de Bruxelles, 4 février 2014, R.G. 2012/AB/1.145

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 4 février 2014, la Cour du travail de Bruxelles examine la situation des coopérants d’ONG recrutés en application de l’arrêté royal du 18 juillet 1997 relatif à l’agrément et à la subvention d’organisations non gouvernementales de développement et de leurs fédérations.

Faits

Madame V. est envoyée par une A.S.B.L. au Brésil en tant qu’auxiliaire de développement. L’A.S.B.L. est une ONG travaillant dans le secteur de la coopération au développement.

Une convention de détachement pour mission est ainsi signée en mars 2008, conformément aux exigences de l’arrêté royal du 18 juillet 1997. Il est précisé qu’en tant que coopérant pour l’ONG, l’intéressée est affectée dans une ville du Brésil. Elle est reprise comme spécialiste de l’économie solidaire et référence est faite à un contrat de travail à temps plein. Elle conclue pour une durée de 33 mois.

Sur place, un contrat de travail de droit brésilien est conclu avec une association brésilienne pour la même durée et la même fonction. L’association brésilienne est un partenaire local de l’A.S.B.L. belge.

En cours de contrat, un courrier est adressé à l’intéressée, l’informant de la rupture anticipée, moyennant prestation d’un préavis de 5 mois. Des explications lui sont données en ce qui concerne la situation à la base de la décision prise, étant l’obligation de concentrer les projets en cours, mesure qui affecte dès lors également d’autres coopérants.

Quelques mois plus tard, l’intéressée introduit une procédure devant le Tribunal du travail de Bruxelles, réclamant une indemnité compensatoire de préavis, des arriérés de rémunération, de pécules de vacances et d’autres sommes liées à un contrat de travail.

La décision du tribunal

Par jugement du 4 mai 2012, le tribunal du travail rejette l’ensemble des demandes, considérant qu’il n’y a pas de contrat de travail entre les parties.

Appel est interjeté.

La décision de la cour

La cour rappelle, dans un premier temps, le cadre réglementaire régissant les conditions d’affectation de l’intéressée.

Le texte de base est l’arrêté du 18 juillet 1997 précité, qui règle les conditions d’agrément et de subvention d’ONG de développement ainsi que leurs fédérations. Ce texte exécute les articles 49 et 51 de la loi-programme du 24 décembre 1993.

Dans ce contexte réglementaire, les ONG peuvent être reconnues et subsidiées sur la base de programmes relatifs à l’envoi de personnes en mission aux fins de collaboration avec des partenaires locaux. Une convention doit être signée avec le coopérant, précisant les conditions de la mission.

La cour reprend les conditions de la subsidiation en cause, étant l’octroi d’un subside mensuel d’un montant à déterminer, ainsi que les allocations familiales et autres avantages, parmi lesquels figure notamment l’assurance d’un revenu garanti en cas de maladie ainsi que la subsidiation de frais de voyage et de formation.

L’arrêté royal définit, par ailleurs, le coopérant comme était la personne envoyée en mission par l’ONG pour laquelle cette dernière reçoit un subside tel que défini ci-dessus.

La cour relève que, de manière générale, il peut s’agir de spécialistes en économie solidaire, de coordinateurs, de coopérants, de coopérants-références, etc.

En ce qui concerne les conditions d’emploi de personnes à l’étranger, elle rappelle l’article 3, § 6 de l’arrêté ministériel du 25 septembre 1998, qui précise que les activités de type « envoi de personnes » s’appuient sur une demande du partenaire local, qui doit être prouvée par un accord de collaboration (accord à joindre au rapport annuel). L’engagement du coopérant ONG se fait sur la base d’un contrat de travail conclu avec l’ONG ou le partenaire local. Le contrat doit avoir une durée de minimum 12 mois (congés inclus) et des prolongations de moins de 12 mois sont possibles.

La cour renvoie ensuite à un guide explicatif rédigé par la Fédération flamande des ONG, donnant des définitions précises quant aux termes utilisés. Parmi celles-ci, figurent celles relatives au contrat de mission. Celui-ci, conclu entre l’ONG qui envoie le coopérant à l’étranger et ce dernier, fixe essentiellement les conditions prévues par l’arrêté royal du 18 juillet 1997, précisant par ailleurs qu’il ne constitue pas en lui-même un contrat de travail. Ce contrat de travail peut être conclu avec le partenaire local. A défaut de contrat avec celui-ci, la relation de travail salariée doit être nouée avec l’organisation d’envoi.

En l’espèce, la cour constate qu’un contrat de travail à temps plein a été conclu avec l’ONG locale, contrat effectivement signé et se référant au droit brésilien. Les conditions de prestations y sont reprises, ainsi que l’identification de la ligne hiérarchique. La cour rejette qu’il puisse y avoir contrat de travail avec l’ONG belge, la convention de collaboration entre les organisations ne portant que sur les aspects administratifs de l’organisation de la mission. Celui-ci renvoie également, en ce qui concerne la juridiction compétente, aux tribunaux brésiliens. L’intéressée n’a cependant introduit aucune procédure devant eux.

Quant aux paiements intervenus en faveur de l’intéressée, elle retient qu’ils sont conformes à l’article 16, § 2 de l’arrêté royal, celle-ci ayant reçu les prestations prévues (subsides mensuels, allocations familiales et complément). La sécurité sociale a été couverte dans le cadre de l’OSSOM, chargé, en vertu de sa mission légale, de couvrir la sécurité sociale en cas de prestations effectuées en dehors de l’espace économique européen et la Suisse. La cour rappelle encore que l’affiliation est facultative et intervient sur base volontaire, pouvant – mais non obligatoirement – être faite à l’initiative de l’employeur.

La cour conclut dès lors que la relation de travail s’est mue dans le cadre du contrat de travail conclu avec le partenaire local.

Enfin, quant à la convention d’envoi de personnes, la cour se pose la question de savoir si elle peut, en elle-même, être requalifiée de contrat de travail. Elle reprend ici les critères habituels en cas de requalification d’une convention signée par deux parties, étant que celle-ci peut faire l’objet d’une requalification si l’exécution effective ne coïncide pas avec son libellé. Priorité doit en effet être accordée à la qualification qui résulte de l’exercice de l’activité en fait, lorsque ceci exclut la qualification conventionnelle.

L’intéressée soutenant que, en réalité, elle s’est trouvée sous l’autorité de l’ONG belge, la cour examine les indices produits à cet égard, étant essentiellement des courriels contenant des instructions. La cour rappelle les critères généraux contenus dans la loi du 27 décembre 2006 permettant de retenir l’existence d’un contrat de travail, étant (i) la volonté des parties, dans la mesure où elle est compatible avec l’exécution du contrat, (ii) la liberté d’organisation du temps de travail, (iii) la liberté du travail et (iv) la possibilité d’exercer un contrôle hiérarchique.

La cour constate que l’ensemble des courriels produits ne permet pas de confirmer l’existence d’un tel contrôle, mais constitue des éléments de cadres généraux relatifs au programme de développement en cause. Elle considère, enfin, qu’aucun argument ne peut être tiré de la lettre adressée par l’ONG, contenant un préavis. Pour la cour, pour qu’il y ait licenciement, il faut préalablement qu’il y ait… un contrat de travail. Ceci ne peut être retenu au titre d’aveu extrajudiciaire.

La cour confirme dès lors le jugement.

Intérêt de la décision

Cet arrêt a le mérite de rappeler le statut particulier des coopérants prestant dans le cadre de programmes développés par des ONG belges, situation organisée par l’arrêté royal du 18 juillet 1997 et qui peut – mais pas nécessairement – impliquer l’existence d’un contrat de travail avec celle-ci.


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