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Allocations aux personnes handicapées : possibilité pour l’assuré social de renoncer à un octroi plus avantageux (A.P.A.)

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Liège, 9 décembre 2013, R.G. 2012/AL/232

Mis en ligne le jeudi 12 juin 2014


Cour du travail de Liège, section Liège, 9 décembre 2013, R.G. n° 2012/AL/232

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Dans un arrêt du 9 décembre 2013, la Cour du travail de Liège répond à la question de savoir si une personne handicapée peut renoncer à une allocation pour l’aide aux personnes âgées, dont le montant est plus favorable – mais dont l’octroi sera de courte durée – eu égard à l’octroi dont elle bénéfice en tant qu’allocation d’intégration.

Rétroactes

Dans un arrêt (précédemment commenté) du 10 septembre 2012, la Cour du travail de Liège a posé la question de savoir si une personne handicapée bénéficiant d’un octroi peut voir celui-ci maintenu même si, temporairement, un autre régime est plus avantageux. La question posée dans cet arrêt est relative à l’absence de caractère définitif du nouvel octroi. En l’occurrence, le droit à percevoir l’allocation la plus élevée est tenu en échec, dès lors que le choix a été exercé en faveur de l’A.P.A. et que l’allocation n’est accordée que pour peu de temps, allant même jusqu’à être rapidement supprimée (dans le cas d’espèce).

La cour ordonne dès lors la réouverture des débats afin de permettre à l’intéressé de prendre position sur son refus du passage à une allocation pour l’aide aux personnes âgées (et dès lors sur son maintien dans le cadre d’une allocation d’intégration), ainsi que sur des dettes spécifiques auxquelles il s’était référé, permettant de revoir le montant de cessions déductibles de l’allocation pour l’aide aux personnes âgées dans la mesure où seule celle-ci pourrait être revendiquée.

La décision de la cour dans son arrêt du 9 décembre 2013

La cour examine dès lors la question de savoir si une personne handicapée a le droit de renoncer à bénéficier de l’allocation pour l’aide aux personnes âgées, même si celle-ci est d’un montant supérieur à l’allocation d’intégration.

Elle reprend les dispositions pertinentes, étant les articles 2, 5, 16, 17 et 23 de la loi du 27 février 1987 relative aux allocations aux personnes handicapées. Le mécanisme légal prévoit que, si la personne handicapée bénéficie déjà d’une allocation (A.R.R. et/ou A.I.), il y a maintien de l’octroi antérieur malgré le fait que l’âge de 65 ans est atteint.

La doctrine, à laquelle l’arrêt renvoie (ainsi qu’une jurisprudence constante) prévoit que ceci implique une obligation implicite de la part du Service de comparer les montants en cause, et ce afin d’accorder à la personne handicapée l’allocation la plus avantageuse. Il faut dès lors, à l’occasion d’un nouvel octroi postérieur à l’âge de 65 ans, comparer le droit à l’A.R.R. et à l’A.I. avec celui à l’A.P.A. qui prend cours à cet âge, et c’est la plus avantageuse des deux allocations qui est retenue, pour autant que, s’il s’agit des premières, elles soient payables à cette date. Si aucun octroi n’est par contre possible avant l’âge de 65 ans, le droit aux allocations (A.R.R. et A.I.) est définitivement perdu et il faut examiner uniquement celui à une A.P.A.

Dans ce cadre, il faut voir si l’on peut renoncer à un droit plus favorable.

Tant le Service que le Ministère public considèrent que, vu le caractère d’ordre public de la loi d’une part et, d’autre part, l’absence de choix figurant dans le texte légal, celui-ci n’existe pas. L’intéressé ne peut dès lors renoncer au passage d’une allocation à une autre lorsque la première est moins élevée.

La cour rappelle que, si la matière relève de la sécurité sociale, toutes les dispositions qu’elle contient ne sont pas nécessairement d’ordre public. Il faut dès lors vérifier si la disposition est nécessaire aux exigences essentielles de la collectivité (la cour renvoyant à sa propre jurisprudence – C. trav. Liège, 30 mars 2012, R.G. 2011/AL/482). Il s’agit dès lors de déterminer si la disposition exclut toute intervention de la volonté individuelle. Relevant qu’aucun texte ne prévoyait que la personne handicapée doit nécessairement se voir attribuer une allocation pour personnes âgées si une nouvelle demande introduite se révèle plus favorable du point de vue de la comparaison entre le montant des allocations, la cour conclut que l’examen comparatif est fonction de l’intérêt de la personne handicapée et qu’il ne touche pas à l’ordre public. Aucun texte dès lors n’interdit à celle-ci de refuser la majoration de l’octroi, précisément pour conserver ses droits acquis dans l’autre régime. La cour relève encore que, s’il y a passage d’un régime à l’autre et que la personne acquiesce à celui-ci, il y a une césure avec l’octroi antérieur.

En l’espèce, l’intéressé, qui avait formé une demande d’A.P.A., espérait une majoration des allocations. Or, celle-ci a été de courte durée, l’allocation étant réduite assez rapidement et finalement supprimée. Relevant que la décision de passer d’un régime à l’autre n’était pas définitive lorsque les décisions administratives contestées ont été prises, la cour considère que le droit à l’allocation d’intégration n’était pas perdu, celle-ci ayant d’ailleurs été payée.

Elle conclut que le refus était autorisé et que, en conséquence, l’octroi antérieur reste en vigueur sans discontinuité, l’allocation d’intégration étant globalement plus avantageuse que l’allocation pour l’aide aux personnes âgées.

La cour examine, cependant, encore la question des cessions et des dettes apurées à l’aide de leur produit, et ce afin de vérifier l’intérêt réel de la personne handicapées à renoncer à l’.A.P.A. Elle va dès lors effectuer un examen très approfondi des chiffres qui lui sont soumis, tant sur le montant des cessions elles-mêmes que sur le plan des dettes ayant été apurées. Elle confirme que le maintien dans le régime antérieur (allocation d’intégration) est nettement plus favorable à l’intéressé et que celui-ci avait donc raison d’opter pour ce maintien malgré l’avantage de courte durée dans le régime d l’A.P.A.

Intérêt de la décision

Cet arrêt poursuit le raisonnement amorcé dans la décision rendue en date du 10 septembre 2012, sur un point spécifique de la législation, apparemment peu discuté. La cour rappelle que toutes les dispositions de la loi n’ont pas un caractère d’ordre public et que, dès lors qu’elles protègent uniquement des intérêts privés, elles sont impératives et peuvent faire l’objet d’une renonciation de la part du titulaire du droit.


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