Terralaboris asbl

Indemnité de protection du conseiller en prévention et cotisations de sécurité sociale

Commentaire de Cass., 3 février 2014, n° S.11.0103.F

Mis en ligne le jeudi 12 juin 2014


Cour de cassation, 3 février 2014, n° S.11.0103.F

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 3 février 2014, la Cour de cassation admet la licéité d’une convention conclue en cas de rupture du contrat de travail avec renonciation au paiement de l’indemnité compensatoire de préavis et paiement de l’indemnité de protection du conseiller en prévention, celle-ci n’étant pas assujettie aux cotisations de sécurité sociale.

Rétroactes

L’arrêt soumis à la censure de la Cour de cassation a été rendu par la Cour du travail de Liège le 28 janvier 2011.

Il a accueilli la demande de l’ONSS de condamner une société au paiement de cotisations de sécurité sociale sur une indemnité payée à un employé en sa qualité de conseiller en prévention. S’appuyant sur la doctrine de M. WANTIEZ, la cour du travail a considéré qu’il faut distinguer d’une part les indemnités pour violation d’une obligation légale, contractuelle ou statutaire et d’autre part les indemnités dues par l’employeur pour rupture irrégulière du contrat de travail. Dans ces dernières, il faut classer les indemnités dues pour rupture sans préavis ou sans motif grave d’un contrat à durée indéterminée ou encore celles visant la résiliation avant terme d’un contrat à durée déterminée, ainsi que les indemnités dues en exécution de la loi du 19 mars 1991 ou de conventions collectives réglant le statut des délégations syndicales. La cour du travail se fonde sur cette opinion doctrinale pour considérer que l’indemnité de protection due au conseiller en prévention est assujettie à la sécurité sociale.

La cour du travail constate par ailleurs que la Cour de cassation ne s’est jamais prononcée sur la question, pour ce qui est du conseiller en prévention ainsi que pour le bénéficiaire d’un crédit-temps. Elle estime qu’il s’agit de deux situations juridiques différentes. Pour les premières, elle renvoie à l’arrêté royal du 21 mai 1991 relatif aux indemnités de protection dues aux délégués au conseil d’entreprise et au CPPT, qui a introduit celle-ci dans les exceptions à la règle dérogatoire de l’article 19, § 2, 2°, de l’arrêté royal du 28 novembre 1969, permettant de soustraire aux cotisations de sécurité sociale les indemnités dues lorsque l’employeur est resté en défaut de respecter ses obligations légales, contractuelles ou statutaires. Ces indemnités sont dès lors soumises à ces cotisations, la cour du travail relevant que « l’exception à l’exception » implique le retour à la règle générale de l’assujettissement.

Pour la cour, quel que soit le mode de rupture adopté, l’indemnité due au conseiller en prévention est assujettie aux cotisations de sécurité sociale. En l’occurrence, il y a eu convention lors de la rupture mais pour la cour le caractère unilatéral ou consensuel de celle-ci est sans intérêt.

Le pourvoi

Le pourvoi est articulé en deux branches. Il rappelle que la rémunération visée pour les cotisations de sécurité sociale est celle définie à l’article 2 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs. Le Roi peut cependant restreindre cette notion (article 14, § 2, de la loi du 27 juin 1969), ce qu’il a fait par l’article 19, § 2, 2°, de l’arrêté royal du 28 novembre 1969 ci-dessus. Il a exclu de l’assiette des cotisations les indemnités dues lorsque l’employeur ne respecte pas ses obligations légales, contractuelles ou statutaires. Par exception à cette dérogation, les cotisations sont dues dans les hypothèses énumérées à cette disposition mais cette énumération est limitative (et vise notamment les délégués du personnel ainsi que les indemnités dues pour la cessation du contrat d’un commun accord).

Le pourvoi considère, dès lors, dans sa première branche que l’indemnité fixée à l’article 10 de la loi du 20 décembre 2002 lorsque l’employeur n’a pas respecté la procédure légale n’est pas une indemnité due en cas de rupture unilatérale du contrat de travail pour les délégués du personnel au sens de l’article 19, § 2, 2°, de l’arrêté royal mais qu’elle est régie par la règle générale, selon laquelle les indemnités de rupture ne sont pas assujetties à la sécurité sociale.

Dans sa seconde branche, le pourvoi se fonde sur l’article 1134 du Code civil, qui régit la dissolution du contrat de travail d’un commun accord, comme en l’espèce. Dès lors l’indemnité due en cas de rupture d’un commun accord au sens de l’article 19, § 2, 2° de l’arrêté royal est l’indemnité contractuellement convenue lorsque les parties s’accordent sur ce mode d’extinction des obligations. Ceci ne peut viser l’indemnité prévue à l’article 10 de la loi du 20 décembre 2002 lorsque l’employeur ne respecte pas les obligations légales mises à sa charge. L’indemnité est dès lors une indemnité générale non assujettie en tant qu’indemnité de rupture.

Décision de la Cour

La Cour de cassation examine les deux branches du pourvoi et considère pour chacune d’entre elles qu’il y a violation des dispositions légales. Elle reprend les principes relatifs à la notion de rémunération tels qu’exposés ci-avant. Elle examine ensuite la nature de l’indemnité du conseiller en prévention, soulignant qu’en vertu des articles 57 et 59 de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail, le conseiller en prévention ne peut être délégué de l’employeur ni délégué du personnel, non plus qu’élu au CPPT. Il ne peut davantage être membre du Conseil d’entreprise, en vertu de l’article 16 de la loi du 20 septembre 1948. Il ne peut dès lors bénéficier de la protection prévue par la loi du 19 mars 1991. En conséquence, l’indemnité due en cas de non respect de la procédure en cas de licenciement n’est pas une indemnité due pour la rupture unilatérale du contrat de travail pour les délégués du personnel. Elle n’est dès lors pas assujettie à la sécurité sociale.

En ce qui concerne la cessation du contrat d’un commun accord, la cour précise que l’exception de l’article 19, § 2, 2°, de l’arrêté royal du 28 novembre 1969 est l’indemnité contractuellement convenue en cas de rupture. Or, en l’espèce il y a eu renonciation du travailleur au paiement de l’indemnité compensatoire du préavis moyennant paiement de l’indemnité de protection.

Intérêt de la décision

Cet arrêt fait une mise au point utile, en ce qui concerne l’articulation des dispositions de la loi du 27 juin 1969 et son arrêté royal d’exécution du 28 novembre 1969, eu égard à la portée de l’exception introduite par l’arrêté royal du 21 mai 1991 : celle-ci ne peut viser que les délégués au Conseil d’entreprise et au CPPT et ne touche pas le conseiller en prévention, membre du personnel, dans la mesure où il ne peut remplir aucune de ces deux missions.


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