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Primauté du critère sociologique

Commentaire de C. trav. Mons, 14 juin 2013, R.G. 2011/AM/248 et 2012/AM/378

Mis en ligne le vendredi 6 juin 2014


Cour du travail de Mons, 14 juin 2013, R.G. N° 2011/AM/248 et 2012/AM/378

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 14 juin 2013, la Cour du travail de Mons rappelle la primauté du critère sociologique requis pour l’assujettissement au statut social des travailleurs indépendants.

Les faits

Un peintre en bâtiment fait faillite en 1991. Il poursuit son activité au sein d’une société coopérative, constituée par un tiers, ainsi que par sa mère et lui-même. Ces deux derniers détiennent une très large majorité des parts sociales. La mère est désignée administratrice-gérante. Lors d’un contrôle, il confirme qu’il poursuit son activité sans percevoir de rémunération, préférant que celle-ci soit perçue – selon lui - par sa mère, avec qui il vivait.

Il est conclu par l’INASTI à l’absence de cessation d’activité. Une régularisation des cotisations est alors demandée pour la partie de la période en cause, qui n’est pas prescrite. Il s’agit d’un montant de l’ordre de 13.000€. Un plan d’échelonnement est accepté. En fin de compte, la caisse lance citation pour un solde de près de 10.800€.

Dans le cadre de la première instance, des mesures d’instruction sont ordonnées et, malgré les déclarations persistantes de l’intéressé, selon lesquelles il exerçait son activité de peintre à titre gratuit, il est conclu à l’assujettissement en tant qu’associé actif.

Décision de la cour du travail

La cour va d’abord trancher un premier point, relatif à la régularité de l’acte d’appel qui n’est en effet pas signé.

La cour renvoie à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 17 mai 2000 (C. Const., 17 mai 2000, arrêt n° 58/2000) qui avait comparé les exigences en matière de requête contradictoire introductive d’instance (1034bis et suivants du Code judiciaire) et de requête d’appel. Elle conclut à la recevabilité de l’acte, dans la mesure où des formes plus souples ont été prévues pour l’introduction de l’appel, qui constitue la poursuite d’un litige en cours, entre parties en cause et dont les rapports de fait et de droit ont déjà été établis par les actes de procédure de première instance.

En ce qui concerne le fond, la cour examine sur le plan de la qualité à agir dans le chef de l’appelant l’incidence de la poursuite de l’activité après la faillite et conclut à l’absence de rupture d’assujettissement dans le temps. Il y a lieu de conclure à son assujettissement en tant que gérant de la société coopérative et associé actif au sein de celle-ci, et ce après la fin de l’activité de travailleur indépendant en nom personnel.

De longs développements sont réservés par la cour à une question bien spécifique à l’espèce, eu égard aux notifications interruptives de prescription, plusieurs courriers recommandés ayant été adressés mais certains d’entre eux n’étant pas signés. Pour la cour, la signature n’est pas en tant que telle un élément indispensable pour interrompre la prescription. Elle renvoie essentiellement à sa jurisprudence en deux arrêts récents (C. trav. Mons, 12 octobre 2012, R.G. n° 2011/AM/63 et C. trav. Mons, 8 avril 2011, R.G. n° 2008/AM/21.142). Pour la cour, un acte vaut effet interruptif de prescription lorsque par sa formulation il ne laisse planer aucun doute dans l’esprit du débiteur à qui il s’adresse quant à son obligation de s’exécuter. Cette condition est réunie en l’espèce, même s’il n’est pas signé.

Enfin, la cour examine s’il y a obligation pour l’intéressé, associé et de surcroît gérant de la société, détenteur de 120 parts sociales sur 250, d’être assujetti. Elle constate que l’autre associé majoritaire est sa mère, qualifiée d’indépendante et possédant également le même nombre de parts, le dernier associé n’en ayant que 10.

La cour rappelle ici que le critère à retenir est le critère sociologique, qui a la primauté par rapport au critère fiscal relatif à la susceptibilité de l’activité de produire des revenus au sens du C.I.R. Reprenant la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 2 juin 1980, J.T.T., 1982, p. 76), la cour rappelle les conditions exigées pour que l’activité soit professionnelle, c’est-à-dire qu’elle doit être exercée dans un but de lucre même si en fait elle ne produit pas de revenus. Elle rappelle également que l’activité visée doit avoir un caractère habituel, c’est-à-dire viser un ensemble d’opérations liées entre elles, répétées et accompagnées de démarches en vue de cette répétition. Le critère fiscal doit céder devant la réalité sociologique. La cour renvoie ainsi à une jurisprudence constante de la Cour de cassation dans d’autres cas de figure, ainsi l’hypothèse de conjoints associés actifs dans une société de personnes : selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation (dont Cass., 26 janvier 1987, Pas., I, p. 609), l’un ne peut être considéré comme aidant de l’autre au sens du statut social.

La situation en l’espèce démontre la poursuite d’une seule et même activité, étant celle de peintre en bâtiment, exercée en dehors d’un contrat de travail et en l’absence d’occupation de travailleurs salariés. La cour conclut que l’intéressé était le seul effectuant les tâches relatives à l’objet social de la société et qu’il y avait dès lors exercice d’une activité réelle. La cour retient encore d’autres actes posés dans le cadre du statut social (demande de dispense de cotisations, ainsi que de plan d’apurement), qu’elle retient comme reconnaissance expresse de l’assujettissement au statut social.

La cour confirme dès lors le jugement dans toutes ses dispositions.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la Cour du travail de Mons est amenée à rappeler les principes en matière d’assujettissement au statut social des travailleurs indépendants, étant la primauté du critère sociologique.


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