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Amendes administratives : qu’entend-on par « la peine la moins forte » ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 7 novembre 2013, R.G. 2013/AB/222

Mis en ligne le mercredi 21 mai 2014


Cour du travail de Bruxelles, 7 novembre 2013, R.G. n° 2013/AB/222

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 7 novembre 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle, vu l’introduction du Code pénal social, comment comparer les montants des amendes prévues par deux textes distincts, lorsque la loi juge un maximum et un minimum.

Les faits

Lors d’une inspection dans une boulangerie, il est constaté que celle-ci occupe des travailleurs étrangers sans titre de séjour régulier et sans permis de travail.

Les faits sont admis par l’exploitant et un pro-justitia est dressé. Une demande est faite de régularisation de la situation (déclaration DIMONA, comptes individuels et déclaration ONSS). Des tractations interviennent, entre parties. L’auditeur du travail décide de ne pas entamer de poursuites pénales et le dossier est transmis à la direction générale du SPF Emploi. Celui-ci inflige une amende administrative de 6.000€.

Un recours est introduit par la société.

Par jugement du 16 janvier 2013, le tribunal du travail déboute celle-ci de son action.

Appel est interjeté, la société faisant essentiellement valoir des circonstances atténuantes.

Décision de la cour du travail

Il s’agit essentiellement de questions de fait à l’occasion desquelles la cour est amenée à aborder la sanction de telles infractions par le Code pénal social.

La société plaide en effet que, pour l’un des deux travailleurs, il s’agit d’un membre de la famille, qui n’était pas en train de travailler, thèse que la cour rejette, considérant que les constatations des inspecteurs sont claires et précises. L’infraction est donc établie.

En ce qui concerne le deuxième travailleur concerné, la société demande que soit retenue la circonstance qu’il s’agit d’une première infraction.

La cour examine, dès lors, le cadre légal. Au moment où la peine a été infligée, l’infraction était sanctionnée par la loi du 30 juin 1971 relative aux amendes administratives applicables en cas d’infraction à certaines lois sociales. Cette loi a été abrogée par l’article 109, 26° de la loi du 26 juin 2011 introduisant le Code pénal social. En vertu de l’article 175, qui vise le non respect de la législation en matière d’occupation de main d’œuvre étrangère, la sanction applicable est une sanction de niveau 4. L’article 101, 5 alinéa CPS fixe celle-ci à une peine d’emprisonnement de six mois à trois ans ou à une amende pénale de 600 à 6.000€ ou à une de ces peines seulement ou encore à une amende administrative de 300 à 3.000€. Il y lieu de tenir compte en outre des décimes additionnels (article 102).

Dans l’hypothèse où la peine établie au temps du jugement diffère de celle existant au temps de l’infraction, la cour rappelle qu’il faut appliquer la peine la moins forte (article 2, alinéa 2 CP). Par ailleurs, quand existe un minimum et un maximum fixés légalement, la peine la plus forte est retenue en considérant le maximum de la peine. La cour renvoie ici à l’arrêt de la Cour de cassation du 17 mars 1924 (Cass., 17 mars 1924, Pas, I, p. 253) et rappelle que le minimum n’entre en ligne de compte que si les maxima sont identiques.

Il faut dès lors comparer le montant des amendes et, en l’espèce, la cour conclut que c’est la peine établie au temps de l’infraction qui est la moins forte, puisqu’en vertu de l’article 1er bis, § 1er, 1°, a, de la loi du 30 juin 1971 elle est de 12.500€ et qu’elle se monte à 16.500€ en vertu de l’article 175, § 1er CPS.

La cour examine alors le pourcentage de réduction des circonstances atténuantes, qui diffère également dans les deux législations. Dans le cadre de la loi du 30 juin 1971, l’amende ne peut pas être inférieure à 40% du minimum des montants repris (ou 80% dans certains cas) alors que, en vertu du Code pénal social, en cas de circonstances atténuantes, l’amende peut être réduite au-dessous du montant minimum porté par la loi mais ne peut être inférieure à 40% de ce minimum.

Elle constate qu’aucun pro-justitia n’a été dressé auparavant à charge de la société et que les circonstances sont déjà prises en compte dans l’amende infligée. Celle-ci est en effet inférieure au minimum prévu par la loi, qui était en l’occurrence de 3.750€ à multiplier par le nombre de travailleurs, soit par deux. Pour la cour, qui suit en cela le ministère public, la sanction est adéquate, raisonnable et proportionnée à la gravité des faits.

Elle rappelle encore, selon sa jurisprudence constante, le fondement de la règle : l’infraction est grave, dans la mesure où elle touche à la protection sociale et au droit des entreprises d’exercer leurs activités dans des conditions de concurrence loyale, non biaisée par le recours à de la main d’œuvre non déclarée et par conséquent non coûteuse.

C’est essentiellement le caractère dissuasif de l’amende qui est visée et la cour constate ne voir aucun élément susceptible de l’amener à réduire le montant en cause.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles se prononce sur une hypothèse fréquente, étant induite de la modification des sanctions suite à l’adoption du Code pénal social par la loi du 10 juin 2011. Il faut, en cas de modification des sanctions, appliquer la peine la moins forte et la cour rappelle la manière de calculer celle-ci lorsqu’existent seulement un maximum et un minimum.


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