Terralaboris asbl

Demande d’autorisation de séjour pour raisons médicales et droit aux prestations familiales garanties

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 20 novembre 2013, R.G. 2010/AB/1.201

Mis en ligne le lundi 19 mai 2014


Cour du travail de Bruxelles, 20 novembre 2013, R.G. n° 2010/AB/1.201

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 20 novembre 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les effets de la décision de recevabilité d’une demande d’autorisation de séjour pour raisons médicales sur le droit au séjour et aux prestations familiales garanties.

Les faits

Un citoyen de nationalité arménienne, père de quatre enfants, en Belgique depuis 2005, est pris en charge par le SESO (Service social de Solidarité socialiste). Après l’introduction infructueuse d’une demande d’asile, l’intéressé introduit le 8 janvier 2009 une demande d’autorisation de séjour pour raisons médicales, qui est déclarée recevable. Suite à cette décision, la famille bénéficie d’une attestation d’immatriculation. La demande est déclarée fondée plus de deux ans plus tard, en novembre 2011.

Se pose la question du droit aux prestations familiales garanties, que l’intéressé a sollicitées par demande du 19 mai 2009 et que l’O.N.A.F.T.S. a rejetée par un courrier du 18 août, au motif que le ménage est à charge du Service social de Solidarité socialiste et que les enfants ne peuvent être considérés comme étant principalement à charge du père ou de la mère, la définition légale visant l’exigence que cette personne supporte plus de la moitié du coût d’entretien de l’enfant.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Bruxelles, qui, par jugement du 23 novembre 2010, le déclare fondé.

L’O.N.A.F.T.S. interjette appel.

Position des parties devant la cour

L’O.N.A.F.T.S. soutient essentiellement qu’en matière de prestations familiales garanties, le droit ne s’ouvre que le jour de l’octroi du statut de réfugié ou de la régularisation du séjour, celui-ci n’étant acquis en l’espèce qu’en octobre 2011. L’O.N.A.F.T.S. renvoie à l’arrêt de la Cour constitutionnelle n° 10/2006, selon lequel, lorsqu’une aide est due à un enfant pour qui les prestations familiales garanties ne sont pas dues, cette aide doit tenir compte du fait que lesdites prestations n’ont pas été octroyées. L’O.N.A.F.T.S. plaide encore que, au regard de la condition de ressources (article 3 de la loi du 20 juillet 1971), le montant réel des ressources des demandeurs ne peut être connu avec exactitude et que l’aide octroyée par le SESO ne peut être assimilée à l’aide privée immunisée en application de l’arrêté royal du 25 octobre 1971. L’O.N.A.F.T.S. plaide que cette institution bénéficie de subventions de fonctionnement et de mission et que l’on se trouve dans un système de distribution de subventions dans le cadre de FEDASIL (vu notamment la convention liant le CIRE et FEDASIL).

Quant à l’intéressé, il rappelle que la demande de régularisation pour motifs médicaux a été déclarée recevable en janvier 2009 et que l’aide matérielle accordée par le SESO vise à garantir la vie familiale et l’autonomie, la famille ayant une habitation individuelle et devant assumer toutes ses charges, en ce compris celles liées à l’entretien des enfants. Pour l’intéressé, il y a donc une situation comparable à celle des familles accueillies dans un centre géré par FEDASIL, vu la prise en charge en nature des frais. En ce qui concerne l’article 3 de la loi du 12 janvier 2007 sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers, il considère que l’aide matérielle équivaut à l’aide sociale des C.P.A.S. et n’est pas donc pas destinée à couvrir en sus les besoins que couvrent les prestations familiales garanties. Il faut dès lors, comme le premier juge, considérer que l’intervention du SESO est du même type que celle du C.P.A.S.

Sur ces éléments développés par le demandeur originaire, l’O.N.A.F.T.S. objecte encore que, par prise en charge « exclusive ou principale », il faut comprendre que, si l’entretien et l’éducation des enfants restent assurés par les parents, ce rôle ne pourrait être assumé sans l’encadrement financier prodigué par les services d’aide et que ce sont dès lors ceux-ci qui doivent être considérés comme assurant la prise en charge financière de ces aspects de la vie des enfants.

Décision de la cour

La cour relève en premier lieu que le détenteur d’une attestation d’immatriculation n’est pas en séjour illégal et que, si celle-ci est susceptible d’être retirée, tant qu’elle est maintenue, le titulaire est inscrit au Registre des Etrangers et dispose d’un droit de séjour conformément à la loi du 15 décembre 1980. Ce serait, selon les propres termes de l’arrêt, ajouter à la loi que d’exiger un séjour pour une durée illimitée.

La cour constate ensuite qu’il résulte de l’inscription au Registre des Etrangers et du document de composition de ménage que les enfants bénéficiaient d’un titre de séjour et faisaient partie du ménage du père. La condition de prise en charge est dès lors remplie.

Elle en vient ensuite à la question de la prise en charge par le SESO. Il ne faut pas assimiler celle-ci à l’hébergement géré par FEDASIL, la cour considérant que l’intervention de cette institution doit être comparée à la situation dans laquelle un C.P.A.S. accorde une aide financière (le C.P.A.S. de Bruxelles ayant d’ailleurs pris le relais ultérieurement, lorsque la famille a quitté le logement mis à sa disposition par cette institution).

Revenant à l’arrêt de la Cour constitutionnelle, sur lequel s’appuie l’Office, la cour rappelle que c’est en l’absence de droit (et elle souligne) aux prestations familiales garanties que le C.P.A.S. peut être amené à accorder une aide spécifique qui va tenir compte de cette situation, mais que ceci ne signifie pas que l’O.N.A.F.T.S. est, par là même, dégagé de ses propres obligations légales.

Elle fait encore grief à l’Office de ne pas avoir vérifié la question des ressources, comme la loi le lui permet, et considérer qu’il ne peut se retrancher derrière la circonstance que la pratique des I.L.A. (initiatives locales d’accueil) ne permet pas de connaître le montant de celles-ci avec exactitude pour ne pas intervenir.

Tout en relevant encore que le SESO a procédé par avances, remboursables, elle constate qu’il n’a fait que se substituer temporairement à l’O.N.A.F.T.S. dans l’attente que celui-ci respecte ses obligations légales.

La cour confirme dès lors le jugement.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles, statuant dans une hypothèse classique de régularisation de séjour, rappelle que, dès lors que la demande d’autorisation est considérée recevable et que l’attestation d’immatriculation est délivrée, elle implique que les bénéficiaires sont en séjour légal et, tant qu’elle n’est pas retirée, que le droit au séjour est conforme à la loi du 15 décembre 1980. L’O.N.A.F.T.S. ne peut refuser l’octroi des prestations familiales garanties au motif que le demandeur ne serait pas à ce moment en séjour illimité.


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