Terralaboris asbl

Cotisation de solidarité de sécurité sociale sur véhicules utilitaires

Commentaire de C. trav. Mons, 10 octobre 2013, R.G. 2012/AM/326

Mis en ligne le jeudi 15 mai 2014


Cour du travail de Mons, 10 octobre 2013, R.G. n° 2012/AM/326

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 10 octobre 2013, la Cour du travail de Mons rappelle les conditions dans lesquelles des véhicules utilitaires mis à disposition des travailleurs peuvent être exemptés de la cotisation de solidarité prévue à l’article 38, § 3quater de la loi du 29 juin 1981 (cotisation de solidarité CO2).

Les faits

Une entreprise générale de travaux explique, lors d’un premier contrôle de l’inspection sociale, qu’elle a organisé en son sein un système de transport collectif et qu’elle ne paie, en conséquence, pas les frais de déplacement aux travailleurs.

Suite à des investigations plus poussées, l’ONSS notifie une décision de régularisation d’office relative à la cotisation de solidarité prévue à l’article 38, § 3quater de la loi du 29 juin 1981 (cotisation de solidarité CO2). Celle-ci est basée sur le fait que les camionnettes mises à disposition de chauffeurs de l’entreprise sont conservées par ceux-ci ainsi que le week-end pour leurs besoins privés. Un avis rectificatif portant sur un montant de près de 50.000€ est adressé à l’entreprise, qui le conteste devant le Tribunal du travail de Charleroi.

L’ONSS introduit une demande reconventionnelle, portant sur le montant des cotisations, ainsi que de majorations et intérêts, le tout à majorer des intérêts de retard au taux légal ainsi que des intérêts judiciaires.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 28 juin 2012, le tribunal du travail rejette la demande de la société, au motif que l’absence d’usage privé n’est pas établie, le système de transport collectif du personnel répondant aux conditions légales.

Appel est interjeté par la société, celle-ci faisant valoir quatre arguments : (i) le non respect des conditions de l’article 38quater, 2°, a) (transport collectif organisé au moyen de véhicules appartenant à une certaine catégorie), (ii) l’absence d’obligation de preuve de l’absence d’usage privé du véhicule en cas de transport collectif organisé dans certains types de véhicules, (iii) l’absence de foi probante suffisante du procès-verbal de l’inspecteur, vu qu’il a aurait fait une interprétation tronquée des déclarations du gérant de la société et (iv) l’inexactitude des calculs.

Décision de la cour du travail

La cour procède, dans un premier temps à un rappel des définitions reprises dans la loi, étant qu’est prévue une cotisation de solidarité si l’employeur met à disposition des travailleurs un véhicule, de manière directe ou indirecte, et ce en vue d’un usage autre que strictement professionnel. Ceci est indépendant de toute contribution financière du travailleur dans le financement ou l’utilisation de celui-ci.

La loi contient une présomption, étant qu’il y a usage autre que strictement professionnel si le véhicule est immatriculé au nom de l’employeur ou a fait l’objet d’un contrat de location ou de leasing ou de tout autre type d’utilisation, ces présomptions pouvant être renversées par l’employeur.

La cour en vient ensuite, dans la reprise des définitions, aux termes « véhicule à usage autre que strictement professionnel » et « travailleur ». En cas de transport collectif de travailleurs, des exceptions sont prévues à l’obligation de payer la cotisation de solidarité. Il doit s’agir d’un mode convenu entre partenaires sociaux, dans lequel il est fait usage de types de véhicules particuliers, étant ceux qui peuvent accueillir un nombre déterminé de travailleurs pendant un pourcentage fixé du trajet accompli (les critères tenant également compte des rangées de sièges).

En l’espèce, la cour retient qu’il y a effectivement transport collectif de travailleurs au sein de l’entreprise, puisqu’il y a ramassage du personnel par des véhicules de l’entreprise, à savoir des camionnettes. Dans cette hypothèse, la loi impose que plusieurs conditions soient remplies simultanément et, notamment, qu’il faut une convention collective de travail au sein de l’entreprise ou au niveau du secteur ou encore un autre règlement négocié entre parties. Si l’ensemble des conditions reprises (essentiellement relatives aux places disponibles) sont réunies, la cotisation n’est pas due.

La cour se penche cependant sur un élément relatif à la preuve organisée par ce dispositif, étant qu’il faut savoir si l’employeur est tenu de prouver qu’il n’y a aucun usage privé des véhicules, dans une telle hypothèse. Renvoyant au descriptif des véhicules exigés, la cour constate qu’une explication pourrait être que la nature de ceux-ci ainsi que leur équipement ne les rendent pas propre à un usage privé. La cour constate cependant que l’ONSS est d’opinion contraire et qu’il s’écarte du sens littéral de l’article 38quater, 2°, a) de la loi. S’agissant d’une législation d’ordre public, la cour considère que la position de l’ONSS doit être davantage étayée.

Par ailleurs, l’employeur se fonde sur l’existence de paiement d’indemnités de mobilité pour établir les distances parcourues, distances contestées par l’ONSS, qui considère que lesdites indemnités ne sont pas susceptibles de constituer cette preuve.

La cour ordonne dès lors la réouverture des débats, sur cette question de preuve, tant en son principe que dans son objet dans le cas d’espèce.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Mons, dans lequel la cour n’épuise pas sa saisine, rappelle les principes relatifs à la cotisation de solidarité due en vertu de la loi du 29 juin 1981, appelée cotisation de solidarité CO2, lorsque des véhicules utilitaires sont mis à disposition des travailleurs pour un usage qualifié de « autre que strictement professionnel ». Cette notion ne faisant pas débat en l’espèce, puisque la définition légale est claire - étant qu’il faut entendre notamment le trajet entre le domicile et le lieu de travail parcouru individuellement, ainsi que l’usage privé et le transport collectif des travailleurs – la cour aborde une question rarement posée, étant l’étendue de la charge de la preuve dans le chef de l’employeur. La question posée est de savoir si celui-ci est tenu d’établir qu’il n’y a aucun autre usage privé desdits véhicules. Pour les véhicules visés en l’espèce, la cour considère que le texte de la loi est clair, cette obligation ne trouvant pas à s’appliquer. Elle invite cependant l’ONSS - d’avis contraire – à étayer sa thèse.

Affaire à suivre donc …


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be