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Maladies professionnelles dans le secteur public : rappel du mécanisme probatoire et mission à confier à l’expert judiciaire

Commentaire de C. trav. Mons, 14 novembre 2013, R.G. 2012/AM/430

Mis en ligne le jeudi 15 mai 2014


Cour du travail de Mons, 14 novembre 2013, R.G. 2012/AM/430

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Dans un arrêt du 14 novembre 2013, la Cour du travail de Mons rappelle le jeu des présomptions spécifiques au régime de réparation des maladies professionnelles dans le secteur public. Elle souligne également que l’avis du MEDEX est essentiellement médical et que, en conséquence, il y a lieu de s’interroger de manière spécifique sur la prise en compte et l’évaluation des facteurs socio-économiques.

Les faits

Une déclaration de maladie professionnelle est introduite par un agent de la S.N.C.V. (aux droits de laquelle est intervenue la S.R.W.T.) en 1980, pour une maladie ostéo-articulaire due aux vibrations mécaniques. Une indemnisation est reconnue, à raison de 20%.

Une procédure est introduite, ultérieurement, aux fins d’entendre condamner l’autorité à payer les indemnités sur la base fixée par le S.S.A., taux qui sera porté à 40% en cours de procédure.

Le Tribunal du travail de Mons désigne un expert par jugement du 11 août 2005. Dans la mission confiée à l’expert, le tribunal précise qu’il y aura lieu d’obtenir un rapport d’ordre technique, à rédiger par un ingénieur civil. L’expertise n’est pas mise en route, l’autorité interjetant appel.

Position des parties devant la cour

La S.R.W.T. considère, essentiellement, que la mission confiée à l’expert ne peut être admise. Le rapport demandé, et ce à un tiers, a une portée non définie et il n’est pas, pour l’employeur, susceptible d’éclairer quant à l’existence d’un taux d’invalidité. Il ne peut davantage permettre de déterminer s’il y a lieu à indemnisation, la S.R.W.T. rappelant que ceci est de la compétence exclusive du tribunal.

Quant à l’intéressé, il maintient sa demande telle que présentée devant le premier juge, étant de fixer l’incapacité physique à 20%, taux à majorer des facteurs socio-économiques de 20% également. Il ne s’oppose pas à la mesure d’instruction.

La décision de la cour

La cour accueille les arguments de l’autorité selon lesquels il y a lieu de faire des griefs à la mission d’expertise libellée par le tribunal.

La cour rappelle le siège de la matière, étant que la loi du 3 juillet 1967 (loi de base) a fait l’objet d’un arrêté royal d’exécution du 5 janvier 1971, dont l’article 4 fixe les règles en matière d’indemnisation, règles pour lesquelles il organise un mode probatoire spécifique. Il y a en effet lieu, quant à l’exposition au risque professionnel de la maladie, de tenir compte de la présomption légale, selon laquelle, jusqu’à preuve du contraire, tout travail effectué dans les administrations, services, organismes et établissements (au cours des périodes visées par la loi) est présumé avoir exposé la victime au risque professionnel d’exposition de la maladie.

La cour relève la distinction entre le régime probatoire du secteur public et celui du secteur privé. Une fois rapportée la preuve de l’existence d’une maladie figurant sur la liste, le travailleur du secteur public bénéficie d’une double présomption, étant (i) une présomption réfragable d’exposition au risque professionnel de cette maladie (ainsi que prévu à l’article 4, alinéa 2 de l’arrêté royal), cette présomption valant pour tout travail effectué au sein d’un organisme public, et (ii) une présomption irréfragable de causalité entre la maladie et l’exposition au risque professionnel de celle-ci (en vertu de l’article 4, alinéa 1er).

En conséquence, la cour admet le droit pour l’employeur public de prouver que le travailleur n’a pas été exposé au risque professionnel de la maladie, à savoir que, en l’espèce, il n’y a pas eu exposition à un risque de vibrations mécaniques suffisantes en intensité et en durée pour entraîner le risque professionnel de contracter ladite maladie figurant sur la liste.

Cette question peut dès lors être soumise à un expert judiciaire, n’ayant pas été abordée dans le cadre de l’examen administratif du dossier. La cour rappelle ici que le rôle du S.S.A. (actuellement MEDEX) est purement médical et se limite à fixer un pourcentage d’invalidité permanente résultant de la maladie professionnelle.

La cour rappelle encore les principes en matière d’indemnisation, similaires en cas d’accident du travail, à savoir les critères permettant d’établir la perte de concurrence. Cette question doit également faire l’objet de l’expertise judiciaire.

Elle en conclut dès lors que l’expert doit se prononcer également sur les facteurs socio-économiques, aucun élément du dossier ne permettant de vérifier si, en l’espèce, ceux-ci ont été pris en compte par le service de santé administratif.

En conséquence, la cour confirme la mesure d’instruction mais modifie la mission de l’expert.

Intérêt de la décision

Ce bref arrêt de la Cour du travail de Mons rappelle très judicieusement le jeu des présomptions légales applicables en cas de maladie professionnelle d’un travailleur du secteur public. Retenant que l’employeur peut apporter la preuve de l’absence d’exposition au risque professionnel de contracter la maladie figurant sur la liste, la cour conclut à la nécessité pour l’expert désigné de donner un avis sur la question.

Un autre point important de l’arrêt est de relever que le rôle du S.S.A. (actuellement MEDEX) est essentiellement de donner un avis sur l’aspect médical du dossier et que l’évaluation des facteurs socio-économiques doit – si l’on veut considérer qu’elle est intervenue dans le taux du MEDEX – être dûment justifiée comme étant prise en compte. La cour relève que ceci n’est en général pas le cas et, en tout cas, dans l’espèce tranchée.


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