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Droit aux arriérés et limite dans le temps

Commentaire de C. trav. Mons, 10 décembre 2013, R.G. 2013/AM/116 et 2013/AM/128

Mis en ligne le jeudi 15 mai 2014


Cour du travail de Mons, 10 décembre 2013, R.G. 2013/AM/116 et 2013/AM/128

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 10 décembre 2013, la Cour du travail de Mons rappelle la distinction, en matière de maladies professionnelles, entre la date à laquelle l’allocation annuelle est due et celle où son paiement est exigible.

Faits et rétroactes

Un assuré social introduit une demande d’indemnisation en janvier 2002 pour une maladie de la liste. Cette demande fait l’objet d’une décision de rejet, qui est contestée devant le Tribunal du travail de Mons. Celui-ci ordonne une expertise et entérine les conclusions du rapport de l’expert, qui a conclu à l’absence d’exposition au risque professionnel.

Appel est interjeté par l’intéressé.

La cour du travail procède à diverses mesures d’instruction et celles-ci aboutissent à la reconnaissance de la maladie professionnelle, un taux d’incapacité physique de 7% reconnu à partir de la demande, étant janvier 2002.

Une nouvelle procédure est alors introduite par l’intéressé, le 1er mars 2012, aux fins d’entendre statuer sur les facteurs socio-économiques. Le F.M.P. faisant valoir qu’il y a exception de chose jugée, le Tribunal du travail de Mons rejette celle-ci, par jugement du 27 février 2013. Il relève en effet que l’indemnisation des facteurs socio-économiques n’avait pas été demandée dans le cadre de la première procédure. Il retient cependant la prescription, la demande étant, selon le tribunal, introduite en dehors du délai d’un an (article 53 des lois coordonnées le 3 juin 1970).

Moyens des parties devant la cour

L’intéressé conteste la prescription, considérant qu’il a agi dans le délai de la prescription ordinaire de 10 ans. En ordre subsidiaire, il demande à la cour de retenir la date du 1er mars 2012 comme point de départ des indemnités, étant la date de la citation introductive d’instance.

Le F.M.P. demande, pour sa part, qu’il soit conclu à l’irrecevabilité de la demande pour cause de forclusion.

La décision de la cour

La cour relève tout d’abord que la première action avait été introduite dans le délai légal et que, s’étant clôturée par un arrêt du 12 avril 2011, celle-ci a abouti à la reconnaissance d’un taux d’incapacité physique, conformément à la demande des parties.

Elle reprend, ensuite, les principes relatifs à l’indemnisation de l’incapacité de travail résultant d’une maladie professionnelle, à savoir qu’il s’agit de réparer la perte ou la diminution du potentiel économique de la victime sur le marché général de l’emploi, critères qui ne visent pas uniquement l’incapacité physique, mais également les facteurs socio-économiques, déterminés en fonction de l’âge, de la qualification professionnelle, de la faculté de réadaptation, de la possibilité de rééducation professionnelle et de la concurrence de la victime sur le marché général de l’emploi. Il faut dès lors déterminer la capacité de concurrence restante.

Dans la mesure où les parties sont d’accord de considérer que la première action n’a pas porté sur les facteurs socio-économiques, la cour doit dès lors vérifier dans quelle mesure ceux-ci peuvent être réclamés dans le cadre de cette seconde procédure. Il s’agit d’une demande nouvelle, à propos de laquelle la cour constate que les lois coordonnées ne contiennent pas de délai de prescription spécifique en ce qui concerne l’action en paiement.

Elle rappelle que, dans son arrêt du 30 janvier 2007 (C. const., 30 janvier 2007, arrêt n° 25/2007), la Cour constitutionnelle a conclu à la violation par l’article 35, alinéa 2 de la loi coordonnée des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que le point de départ de l’indemnisation est fixé au plus tôt à 120 jours avant la date d’introduction de la demande. La Cour constitutionnelle avait abouti à ce constat d’inconstitutionnalité, vu qu’aucune disposition similaire n’existe dans le secteur public.

En conséquence, la cour du travail rappelle que la partie de cette disposition législative, déclarée inconstitutionnelle, ne doit pas être appliquée.

Elle se tourne dès lors vers l’article 2277 du Code civil, qui fixe à 5 ans le délai de prescription pour certaines actions en paiement. Etant un mode général d’extinction des obligations, qui suppose une dette, la cour rappelle que la prescription extinctive atteint non pas la dette elle-même mais son exigibilité. A défaut de délai de prescription spécifique repris dans la loi coordonnée, il faut se référer à la prescription quinquennale.

En conséquence, la cour conclut que l’indemnisation des facteurs socio-économiques doit intervenir à partir du 1er mars 2007, à savoir 5 ans à partir de la demande.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle la problématique du point de départ de l’indemnisation de l’incapacité permanente dans le cadre d’une maladie professionnelle.

L’affaire ne manque cependant pas d’étonner, dans la mesure où la première action introduite n’a porté que sur une partie de l’indemnisation dans le cadre de l’incapacité permanente, à savoir l’aspect purement physique des séquelles. La matière étant d’ordre public, l’évaluation du dommage réparable eut logiquement dû intervenir dans le cadre de la première procédure.


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