Terralaboris asbl

Mandat social et allocations de chômage

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 2 octobre 2013, R.G. 2012/AB/00251

Mis en ligne le lundi 12 mai 2014


Cour du travail de Bruxelles, 2 octobre 2013, R.G. n° 2012/AB/00251

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 2 octobre 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle l’évolution récente de la jurisprudence, qui a admis qu’un chômeur peut apporter la preuve de l’absence d’une activité en démontrant que le mandat dont il bénéficie est gratuit et que la société n’a pas d’activité réelle.

Les faits

Après une première période de chômage, un travailleur reprend une activité professionnelle, qui est interrompue deux ans plus tard. Il se réinscrit au chômage et ne fait pas de déclaration relative à l’exercice d’une activité accessoire.

Il s’avère cependant qu’il est gérant d’une SPRL depuis une bonne quinzaine d’années et qu’il a constitué une seconde société, de même forme, avant sa réinscription au chômage.

Une enquête est ouverte par les services de l’ONEm.

Il déclare que le mandat était gratuit, s’agissant d’organiser un tournoi de golf une fois par an, pour une des deux sociétés. Quant à l’autre, il signale qu’elle a été constituée pour acquérir un bien immobilier et que, ceci ne s’étant pas réalisé, la société n’a pas d’activité.

La décision de l’ONEm est de l’exclure pour toute la période concernée (en ce compris la première période où il a bénéficié d’allocations de chômage). Il fait l’objet d’une sanction d’exclusion de 20 semaines (article 154 de l’arrêté royal, étant l’absence de mention sur la carte de contrôle). La récupération est également décidée. Elle porte sur un montant de l’ordre de 9.000€.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Nivelles, qui confirme la décision de l’ONEm par jugement du 17 février 2012.

L’intéressé interjette appel devant la Cour du travail de Bruxelles.

Décision de la Cour

La cour rappelle avec une grande précision les principes applicables, étant les règles fixées aux articles 44 et 45 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, qui définissent l’activité ne pouvant être exercée pour compte propre et, particulièrement, celle qui est considérée comme une activité limitée à la gestion normale des biens propres. La cour souligne que l’exercice d’un mandat dans une société commerciale dépasse celle-ci.

Elle en vient à l’examen du mandat lui-même, étant qu’il implique une activité régulière et habituelle, impliquant des responsabilités de contrôle et de représentation de la société.

La cour renvoie ensuite à l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle du 3 novembre 2004 (C. const., 3 novembre 2004, n° 176/2004), qui a admis le caractère réfragable de la présomption d’exercice d’activité dans le cadre de l’assujettissement au statut social des indépendants, jurisprudence qui a pu être transférée en matière de chômage. Le chômeur peut en effet apporter la preuve de l’absence d’activité, et ce en établissant d’une part la gratuité du mandat et d’autre part l’absence d’activité réelle de la société. Elle renvoie ici plus particulièrement à un arrêt du 25 octobre 2012 (C. trav. Bruxelles, 25 octobre 2012, R.G. n° 2011/AB/49) et souligne que la possibilité de preuve contraire est également admise par l’ONEm.

Les deux critères sont cependant cumulatifs, étant entendu que peuvent être prises en compte la situation ou les activités qui ont un caractère très limité, à savoir qu’elles rendent les missions de surveillance et de contrôle de la société par le mandataire sans objet véritable.

Appliquant ces principes au cas d’espèce, la cour constate que, si l’une des sociétés n’a pas eu d’activité, il n’en est pas de même de l’autre. Ceci ressort des éléments comptables (bénéfice d’exploitation, distribution d’un dividende). La cour rejette qu’il puisse s’agir d’une société dormante.

Dès lors, si le mandat était gratuit, ceci ne suffit pas. La cour rappelle la distribution d’un dividende et conclut que l’absence de but de lucre n’est dès lors nullement établie.

Par ailleurs, elle rappelle que, si un chômeur estime que l’activité exercée est compatible avec les allocations de chômage, il doit effectuer la déclaration au préalable visée à l’article 48 de l’arrêté royal. Si ceci n’est pas fait, il ne peut être question de défendre, ultérieurement, le caractère accessoire de celle-ci.

Le jugement est dès lors confirmé.

Quant à la récupération, le chômeur ayant la preuve de sa bonne foi, la cour reprend le principe : ceci vise l’absence de conscience (critère qu’elle souligne) du caractère indu au moment où le paiement est effectué. Même si l’absence de déclaration n’exclut pas nécessairement la bonne foi, celle-ci n’existe pas en l’espèce, eu égard aux éléments d’ordre financier constatés, la cour concluant qu’un gérant d’une société ne peut en aucun cas, dans de telles conditions, avoir la conviction que l’activité est compatible avec les allocations de chômage.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle une jurisprudence, actuellement bien affirmée, qui a transposé à la situation des chômeurs les règles admises pour le travailleur indépendant en activité. Le cas de personnes titulaires de mandats sociaux lors de l’entrée au chômage est en effet régulier et l’existence d’un tel mandat n’est pas incompatible avec l’octroi des allocations, à la double condition cumulative, cependant, que le caractère gratuit du mandat soit dûment établi et que la société n’exerce aucune activité.

Par ailleurs, si tel n’était pas le cas, le chômeur peut tenter de faire admettre le caractère accessoire d’une activité exercée mais celle-ci doit dans ce cas répondre aux conditions de l’article 48 de l’arrêté royal, impliquant au moment de l’entrée en chômage l’obligation de faire la déclaration préalable, condition essentielle pour que les autres critères de l’article 48 puissent être examinés.


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