Terralaboris asbl

Quand un chômeur doit-il faire une déclaration préalable en cas de mandat dans un ASBL ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 4 septembre 2013, R.G. 2012/AB/392

Mis en ligne le jeudi 6 mars 2014


Cour du travail de Bruxelles, 4 septembre 2013, R.G. n° 2012/AB/392

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 4 septembre 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle sa jurisprudence en ce qui concerne les hypothèses où la déclaration préalable de l’article 45bis de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 doit être faite.

Les faits

Un bénéficiaire d’allocations de chômage indique un an après le début de la perception de celles-ci qu’il est mandataire à titre gratuit d’une ASBL depuis six mois.

Il est entendu par l’ONEm et explique que cette ASBL a été constituée par lui, que le siège social est à son domicile et que son but est de promouvoir des jeunes talents. Il occupe les fonctions de président et est chargé de l’administration journalière. Il expose que le mandat est gratuit et que les bénéfices éventuels vont à l’ASBL. Il fait savoir qu’il ignorait être dans l’obligation de faire une déclaration pour un travail bénévole et que ceci lui a été indiqué par son organisation syndicale. Il a, dès lors, effectué les démarches aussitôt.

Il expose encore que, dans les faits, aucun événement artistique n’a eu lieu et qu’aucun profit n’a été enregistré par l’association. Lui-même a fait des intérims et effectue des recherches spontanées d’emploi. Enfin, il expose que l’occupation pour l’ASBL lui prend une dizaine d’heures par semaine, dont le dimanche.

Il fait l’objet d’une décision d’exclusion, avec récupération pour les six derniers mois. Une sanction de six semaines lui est appliquée, au motif qu’il a omis, avant le début d’une activité incompatible avec les allocations de chômage , de noircir sa carte de contrôle.

Malgré des explications données, l’ONEm maintient sa décision. Une procédure est dès lors introduite devant le Tribunal du travail de Nivelles, qui, sur avis contraire de l’auditorat, déboute l’intéressé par jugement du 16 mars 2012. Pour le tribunal, la gratuité du mandat est établie par les statuts et l’absence d’activité réelle a également été constatée. Cependant, il maintient qu’il y avait obligation de faire la déclaration prévue à l’article 45bis de l’arrêté royal.

Appel est interjeté.

Position des parties devant la cour

Pour l’intéressé, il ne s’agissait pas d’une activité au sens de l’article 45 de l’arrêté royal (qui vise l’activité exercée pour compte propre ou pour compte de tiers), de telle sorte qu’il est indifférent que la déclaration prévue n’a pas été faite. L’article 45bis prévoit en effet que la déclaration doit être faite si le chômeur indemnisé exerce une activité bénévole par dérogation aux articles 44, 45 et 46 de l’arrêté royal.

Pour l’ONEm, les conditions de l’article 45bis ne sont pas réunies, du fait de l’absence de déclaration.

Décision de la cour du travail

La cour du travail rappelle les conditions prévues aux articles 44, 45 et surtout 45bis de l’arrêté royal. Cette dernière disposition impose au chômeur indemnisé qui veut exercer une activité bénévole avec maintien des allocations (activité dans le cadre de la loi du 3 juillet 2005 relative aux droits des volontaires) de faire au préalable une déclaration écrite auprès du bureau de chômage. La disposition prévoit également les mentions requises pour la validité de celle-ci. La déclaration peut selon le texte être écartée si elle contredite par des présomptions graves, précises et concordantes infirmant la situation décrite.

La cour du travail rappelle sa propre jurisprudence, selon laquelle l’article 45bis concerne une dérogation aux articles 44 et 45, c’est-à-dire qu’il vise les activités qui sont en principe incompatibles avec les allocations de chômage en vertu de l’article 45. Une activité exercée pour compte de tiers mais dont la gratuité est démontrée n’est pas une activité interdite au sens de l’article 45, alinéa 1er, 1°. Elle ne doit dès lors pas satisfaire aux conditions de l’article 45bis (la cour renvoie à C. trav. Bruxelles, 19 avril 2012, R.G. n° 2010/AB/1208). Le chômeur n’est en conséquence tenu de faire la déclaration et de solliciter une autorisation de travail bénévole que si l’activité projetée est susceptible d’être une activité incompatible avec le bénéfice d’allocations de chômage, et ce dans les conditions visées aux articles 44 et 45.

Pour la cour, dès lors que le chômeur n’a pas fait la déclaration, il peut démontrer que l’activité n’est pas visée dans ces deux dispositions.

Raisonner autrement serait source de discrimination, puisque d’une part le titulaire d’un mandat d’une société commerciale peut apporter la preuve de la gratuité du mandat, c’est-à-dire de l’absence d’activité, et ce notamment lorsque la société est inactive mais que de l’autre, cette possibilité ne serait pas offerte aux mandataires d’ASBL.

Rappelant que l’activité d’administrateur délégué au sein d’une ASBL est considérée en jurisprudence comme activité pour compte de tiers et non comme une activité pour compte propre (la cour du travail renvoyant à C. trav. Mons, 19 mai 2011, R.G. n° 2010/AM/5), elle examine dès lors si l’activité en cause a procuré une rémunération ou un avantage matériel à l’intéressé. La présomption de l’article 45, alinéa 1er, 2°, est en effet réfragable.

En l’espèce, il est dûment établi des éléments du dossier que tel est le cas, aucune rémunération ou aucun avantage matériel n’ayant été retiré du mandat.

En conséquence, pour la cour, l’activité n’est pas une activité pour compte de tiers au sens de la disposition visée et n’était dès lors pas incompatible avec les allocations de chômage.

La cour, en conclusion, poursuit qu’il n’y a pas lieu de faire application de l’article 45bis, l’obligation de déclaration n’existant pas.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle l’articulation entre les articles 44, 45 et 45bis de l’arrêté royal du 25 novembre 1991.

Le chômeur qui entreprend une activité bénévole au sens de la loi du 3 juillet 2005 relative aux droits des volontaires doit faire la déclaration requise, si l’activité en cause est susceptible d’être visée à l’article 45 de l’arrêté royal, étant qu’il peut s’agir du type d’activité visé à cette disposition, soit une activité pour compte propre (c’est-à-dire qui peut être intégrée dans le courant des échanges économiques des biens et des services et qui n’est pas limitée à la gestion normale des biens propres), soit une activité pour compte de tiers (c’est-à-dire qui procure au travailleur une rémunération ou un avantage matériel de nature à contribuer à sa subsistance ou à celle de sa famille). La cour souligne la présomption de l’article 45, alinéa 2, selon laquelle toute activité effectuée pour un tiers est jusqu’à preuve du contraire présumée procurer une rémunération ou un avantage matériel.

Un autre intérêt de la décision est de rappeler, avec la Cour du travail de Mons, que l’administrateur délégué d’une ASBL exerce une activité pour compte de tiers et non une activité pour compte propre.


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