Terralaboris asbl

Hébergement en maison d’accueil et aide sociale couvrant une partie des frais

Commentaire de C. trav. Liège, section Namur, 21 mai 2013, R.G. 2012/AN/205

Mis en ligne le mercredi 13 novembre 2013


Cour du travail de Liège, section Namur, 21 mai 2013, R.G. n° 2013/AN/205

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 21 mai 2013, la Cour du travail de Liège (section Namur) rappelle les règles applicables pour la prise en charge de la partie des frais d’hébergement que le bénéficiaire ne peut couvrir, ainsi que l’obligation d’intervention du C.P.A.S. dans cette situation particulière de précarité.

Les faits

Une mère avec un enfant de quelques mois est accueillie en maison d’accueil. Elle bénéficie du revenu d’intégration. Elle sollicite la prise en charge du coût de son hébergement. Elle quittera la maison d’accueil un an plus tard environ.

Le C.P.A.S. refuse la prise en charge au motif que l’intéressée dispose de revenus suffisants, étant le revenu d’intégration ainsi que les allocations familiales.

Un recours est introduit et la position du C.P.A.S. est confirmée par jugement du Tribunal du travail de Namur du 26 octobre 2012.

Appel est interjeté.

La position de l’appelante

Elle considère que la réglementation relative à la participation financière des hébergés en maison d’accueil n’autorise pas une participation personnelle supérieure au montant déterminé en fonction des revenus et versée par elle à la maison d’accueil, de telle sorte que le complément doit être assumé par le C.P.A.S. si elle ne dispose pas des moyens pour y faire face. Pour elle, le solde du coût de l’hébergement est une dette personnelle de la personne hébergée.

La décision de la cour

La cour examine les règles applicables, étant, outre les articles 1er et 57, § 1er de la loi du 8 juillet 1976 (rappelant l’obligation de permettre à toute personne de mener une vie conforme à la dignité humaine, ainsi que les missions du C.P.A.S.), les dispositions du Décret wallon du 1er décembre 2011 en matière de santé et d’action sociale. Ce décret a confirmé l’arrêté du Gouvernement wallon du 29 septembre 2011 portant modification de la législation en la matière (abrogeant notamment celui du 12 février 2004 relatif à l’accueil, l’hébergement et l’accompagnement des personnes en difficultés sociales).

La cour reprend les dispositions relatives à la définition, ainsi qu’aux missions des maisons d’accueil, étant que celles-ci doivent demander aux hébergés (sauf exception) une participation financière et que celle-ci ne peut dépasser les deux tiers de leurs ressources et est fonction des services offerts.

Quant aux frais couverts par cette participation, la cour renvoie à l’arrêté du Gouvernement wallon du 3 juin 2004 (toujours en vigueur), qui précise notamment les conditions de celle-ci, étant qu’elle couvre le gîte, ainsi que les repas si ceux-ci font partie des services offerts, ne pouvant toutefois viser d’autres services que ceux-ci. Il s’agit de tenir compte, par ailleurs, du coût réel de ces services et des précisions sont données quant aux montants à prendre en compte. Par ailleurs, dans l’examen des ressources à prendre en considération, figure le revenu d’intégration sociale (ou l’aide sociale équivalente).

La cour va, en conséquence, considérer que la législation régionale impose à la structure d’accueil hébergeante de réclamer une somme minimale, somme limitée à une fraction des revenus. Pour la cour, il faut déterminer qui doit prendre en charge la différence, dès lors que les revenus de la personne sont inférieurs à l’intervention minimale. Elle rappelle qu’existe une convention type entre l’Union des villes et des communes et l’Association des maisons d’accueil, signée par la plupart des C.P.A.S. Celle-ci n’a cependant pas été signée par le C.P.A.S. en l’espèce.

La cour constate ensuite que la maison d’accueil a retenu sur les ressources de l’intéressée la somme qu’elle était autorisée de réclamer à titre personnel et que ce solde constitue une dette personnelle, dette de logement et de services, liée à sa situation de vulnérabilité. Relevant la nécessité pour l’intéressée d’être accueillie dans une telle structure, la cour souligne que le but de la réglementation, dans ce type de situation, est de soutenir la personne amenée à être hébergée dans des conditions minimales de dignité humaine en vue de se reconstruire et de lui permettre d’assurer sa réinsertion sociale après le passage dans la maison d’accueil.

Elle se penche longuement sur la situation de précarité des personnes dans ce genre de situation et sur le rôle du C.P.A.S. Celui-ci ne peut refuser d’intervenir dans cette prise en charge, qui ne concerne pas des dettes privées passées, mais le coût d’un hébergement indispensable. La cour renvoie à plusieurs décisions de jurisprudence en matière d’aide sociale, étant que celle-ci peut être allouée pour une période limitée dans le temps ou de manière forfaitaire, et que, dans son arrêt du 17 décembre 2007 (Cass., 17 décembre 2007, Chron. Dr. Soc., 2010, p. 64), la Cour de cassation a rappelé qu’il s’agit d’un droit subjectif protégé par la Constitution. S’agissant de déterminer si elle est due pour une situation passée (au moment où le juge statue), elle rappelle que l’écoulement du temps ne peut en règle affecter le droit à celle-ci. Aucune disposition légale ne fixant cependant son montant, la doctrine admet qu’une distinction peut être opérée entre le montant alloué pour le passé et celui octroyé pour l’avenir.

Elle souligne encore qu’il faut distinguer selon le type d’aide sociale sollicitée, à savoir particulièrement qu’il faut voir s’il s’agit d’un montant ponctuel avec un objet précis et limité dans le temps ou si, par contre, il s’agit d’une aide correspondant au montant du revenu d’intégration et aux prestations familiales garanties. Elle en conclut que la demande porte sur une aide récurrente, qui a encore un objet au moment où elle statue, dans la mesure où la dette subsiste et n’a pas pu être prise en charge par l’intéressée en cours d’hébergement, celle-ci ne disposant par ailleurs pas des revenus permettant de la couvrir, puisque, si elle a le revenu d’intégration, elle vit en toute autonomie et doit faire face à tous les frais de la vie courante.

Pour la cour, il y a dès lors lieu de faire droit à la demande et le jugement est réformé.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la Cour du travail de Liège rappelle les règles en matière de prise en charge des frais d’hébergement en maison d’accueil. Elle examine également le droit à l’aide sociale eu égard aux dispositions décrétales applicables en Région wallonne. Enfin, rappelant la jurisprudence de la Cour de cassation, la cour fait une application très nuancée et très documentée de l’octroi de l’aide sociale pour une période passée par rapport au moment où le juge statue.


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