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Le pécule de vacances est-il dû sur les avantages de toute nature ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 16 juillet 2013, R.G. 2012/AB/127

Mis en ligne le mardi 29 octobre 2013


Cour du travail de Bruxelles, 16 juillet 2013, R.G. n° 2012/AB/127

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 16 juillet 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle la notion de rémunération à prendre en compte pour le calcul du pécule de vacances à partir d’une question d’avantages en nature et d’indemnité forfaitaire de frais.

Les faits

Un employé, bénéficiant d’un contrat de travail à durée indéterminée, est licencié moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis de trois mois de rémunération. Il introduit un recours devant le tribunal du travail demandant une majoration de son indemnité, ainsi que d’autres postes, dont des arriérés de pécules de vacances sur des avantages en nature (abonnement GSM, ordinateur portable).

Il obtient partiellement gain de cause devant le premier juge, qui, par jugement du 6 décembre 2011, condamne la société à un complément d’indemnité compensatoire de préavis, à des arriérés de rémunération et à des arriérés de pécules de vacances.

Appel est interjeté par celui-ci sur les chefs de demande rejetés.

Décision de la cour du travail

L’intérêt de la contestation porte sur une demande de dommages et intérêts compensant le pécule de vacances sur le GSM et l’ordinateur ainsi qu’une demande d’arriérés de pécules sur une indemnité contractuelle de frais.

Sur le premier point, la cour constate que l’intéressé bénéficiait d’un avantage consistant en l’usage privé d’un GSM et d’un ordinateur. Cette question n’a pas été contestée par la société, qui a acquiescé au jugement rendu. L’usage privé étant admis, il y a dès lors avantage rémunératoire, dont l’évaluation donnée par l’intéressé est respectivement de 500€ et 600€ par an.

La cour rappelle que, en vertu de l’article 38 de l’arrêté royal du 30 mars 1967 déterminant les modalités générales d’exécution des lois relatives aux vacances annuelles des travailleurs salariés, est dû à l’employé qui prend ses vacances un (simple et un double) pécule de vacances. Dans le calcul de celui-ci, il ne faut pas faire intervenir les éléments de rémunération sur lesquels ne sont pas payées des cotisations ordinaires de sécurité sociale. Par rémunération brute servant de base au calcul du pécule de vacances, il faut entendre, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation (la cour renvoyant à Cass., 26 septembre 2005, J.T.T., 2006, p. 43) tout avantage accordé par l’employeur en contrepartie des prestations de travail effectuées en exécution du contrat, à l’exclusion des avantages qui n’entrent pas en ligne de compte pour le calcul de ces cotisations et pourvu qu’il fasse partie de la rémunération brute du mois pendant lequel les vacances prennent cours.

Il ne peut être contesté que l’usage privé d’un GSM et d’un ordinateur sont des éléments de la rémunération soumis à la cotisation ordinaire de sécurité sociale (la cour renvoyant à P. NILLES, M. STRONGYLOS, S. GILSON, « La notion de rémunération pour le calcul des cotisations de sécurité sociale dans le régime des travailleurs salariés : une vue d’ensemble », Regards croisés sur la sécurité sociale, dir. F. ETIENNE et M. DUMONT, Anthémis, CUP, 2012, p. 1067). Le double pécule est dès lors dû. Le simple pécule a, quant à lui déjà été accordé puisque l’usage privé a été maintenu pendant les vacances.

Par ailleurs, en ce qui concerne l’indemnité de frais de 240€ par mois, et dont le travailleur dit qu’il s’agissait de rémunération déguisée, la cour rappelle l’article 19, § 2, 4° de l’arrêté royal du 28 novembre 1969, en vertu duquel les sommes qui constituent un remboursement de frais dont la charge incombe à l’employeur sont exclues de la rémunération servant de base au calcul des cotisations de sécurité sociale. Le remboursement de frais à charge de l’employeur n’est par ailleurs pas accordé en contrepartie du travail. Il ne doit, dès lors, pour ces deux raisons pas donner lieu à un pécule de vacances. Encore faut-il comme le rappelle très judicieusement la cour vérifier s’il s’agit de remboursement de frais propres à l’employeur ou d’une rémunération déguisée.

Elle va dès lors passer en revue la ventilation donnée de ce forfait de 240€, dont il est annoncé qu’il comprend 25€ pour l’utilisation du téléphone privé à des fins professionnelles ainsi que 215€ couvrant des dépenses courantes (car-wash, frais d’équipement, frais de documentation, …).

Elle admet comme constituant des frais réels les frais de téléphone (d’ailleurs prévus dans la lettre d’engagement) ainsi que le car-wash : ces deux postes constituent des frais professionnels. Par contre, le reste n’est dûment établi et la cour conclut au caractère excessif du montant retenu. Dès lors, c’est un montant de 180€ qui constitue de la rémunération et qui doit faire l’objet du double pécule de vacances.

La cour va encore statuer sur une demande de capitalisation des intérêts, où elle rappelle les termes de l’article 1154 du Code civil, dont les conditions sont réunies en l’espèce. L’employeur est condamné au paiement de sommes résultant d’obligations contractuelles. Il s’agit de capitaux au sens de cette disposition.

Elle rappelle également l’arrêt de la Cour de cassation du 16 octobre 2002 (Cass., 16 octobre 2002, RC02CG1) selon lequel l’article 1154 du Code civil est applicable tant aux arrières de rémunération qu’aux indemnités octroyées en raison de la rupture du contrat de travail ou de son irrégularité.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles statue sur deux questions récurrentes, vu le recours fréquent à des avantages de toute nature ainsi qu’à la pratique de « frais forfaitaires » non sujets à des cotisations de sécurité sociale.

La cour rappelle à juste titre que sur les avantages de toute nature, à caractère rémunératoire, un pécule de vacances doit être versé et que le juge peut vérifier si une indemnité présentée comme un remboursement forfaitaire de frais a réellement ce caractère. Rappelons que c’est à l’employeur d’établir la nature non rémunératoire de cette indemnité.


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