Terralaboris asbl

Harcèlement au travail : conditions de la protection contre le licenciement

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 7 mai 2013, R.G. 2011/AB/978

Mis en ligne le mardi 24 septembre 2013


Cour du travail de Bruxelles, 7 mai 2013, R.G. n° 2011/AB/978

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 7 mai 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que, si un travailleur signale avoir déposé plainte pour faits de harcèlement, celle-ci doit répondre aux conditions fixées par l’arrêté royal du 17 mai 2007 relatif à la prévention de la charge psychosociale occasionnée par le travail dont la violence, le harcèlement moral ou sexuel au travail.

Les faits

Une employée, assistante administrative d’une société active dans le secteur financier, reprend le travail en septembre 2007 suite à un congé de maternité suivi d’un congé parental complet. Cette reprise du travail s’effectue dans le cadre d’un mi-temps, le temps de travail étant rapidement porté à 4/5e temps. La société lui signale à cette occasion qu’elle lui octroie un bonus mais non une augmentation salariale.

L’intéressée fait état de son mécontentement auprès de la personne de confiance, signalant avoir fait l’objet depuis son retour au travail de diverses mesures (glissement d’attributions vers la personne engagée pour la remplacer et qui a été maintenue au travail).

Elle n’engage toutefois pas de procédure officielle, souhaitant, ainsi que ceci est confirmé par courrier de son conseil, tenter de rétablir le dialogue. Elle est alors licenciée quelques semaines plus tard, moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis. Divers griefs lui sont adressés : perte de motivation, mauvaise ambiance entretenue par l’employée avec sa collègue, ayant des effets néfastes pour le personnel. Est également acté le fait qu’elle a refusé de travailler dans une autre division de la société et qu’elle a utilisé des données confidentielles à son avantage personnel (étant les conditions de rémunération de sa collègue).

La lettre de licenciement conclut que la rupture du contrat est liée à l’impossibilité pour la société de lui confier les tâches nécessaires à son bon fonctionnement, tenant compte à la fois de l’attitude manifestée et des aspirations exprimées.

Un recours est introduit devant le tribunal du travail, l’intéressée réclamant une indemnité de protection du fait du congé parental, une autre indemnité fondée sur l’article 32tredecies, § 1er, 1° de la loi du 4 août 1996 et une indemnité pour abus de droit.

Décision du tribunal

Par jugement du 8 mars 2011, le tribunal alloue une indemnité forfaitaire de protection relative au congé parental et déboute l’intéressée des autres chefs de demande.

Celle-ci interjette appel sur l’indemnité prévue par l’article 32tredecies, § 1er, 1° de la loi du 4 août 1996 et sur les dommages et intérêts postulés du chef d’abus de droit.

Décision de la cour

La cour se penche essentiellement sur la question de savoir si l’intéressée bénéficie de la protection légale suite au dépôt d’une plainte pour harcèlement.

L’article 32tredecies de la loi dispose que, si le travailleur a déposé une plainte motivée, il ne peut être licencié sauf pour des motifs étrangers dont la preuve incombe à l’employeur.

Ce n’est donc pas le harcèlement lui-même qui est visé par cette disposition mais le dépôt de la plainte (peu importe son fondement) et ses conséquences sur un licenciement qui interviendrait.

La cour reprend les conditions dans lesquelles la protection contre le licenciement est accordée, étant notamment que, en cas de dépôt de plainte, celui-ci peut être fait au niveau de l’entreprise ou de l’institution qui occupe le travailleur selon les procédures en vigueur ou encore auprès du Contrôle du bien-être ou des services de police, d’un membre du Ministère public ou du juge d’instruction.

L’article 32nonies de la loi précise que le travailleur peut s’adresser au conseiller en prévention ou à la personne de confiance et peut déposer une plainte motivée auprès de ceux-ci (dans des conditions également fixées par le texte légal, étant l’article 32quater, § 2). En ce qui concerne le Contrôle du bien-être, il va, selon l’article 32nonies, 2e alinéa, examiner si l’employeur respecte les dispositions légales.

L’arrêté royal du 17 mai 2007 relatif à la prévention de la charge psychosociale occasionnée par le travail dont la violence, le harcèlement moral ou sexuel au travail contient des dispositions d’exécution de cette règle. La plainte déposée auprès de la personne de confiance ou du conseiller en prévention compétent doit être motivée et un entretien personnel doit avoir lieu avec l’un de ceux-ci avant l’introduction de cette plainte motivée. L’entretien personnel doit avoir lieu dans un délai de 8 jours calendrier à partir du moment où le travailleur exprime sa volonté de déposer ladite plainte. Selon le cas (la plainte étant déposée soit auprès de la personne de confiance soit du conseil en prévention), elle doit être signée par celui-ci et copie doit être remise au travailleur. Cette copie a valeur d’un accusé de réception et il y est fait référence à l’entretien qui a eu lieu préalablement. Si c’est auprès de la personne de confiance que la plainte a été déposée, celle-ci la transmet immédiatement au conseiller en prévention. Dès que celui-ci la reçoit, il avise immédiatement l’employeur et le travailleur, dont l’identité est transmise, bénéficie de la protection légale.

Des conditions sont par ailleurs mises à la plainte elle-même, étant qu’elle doit être datée et signée, comprendre des éléments bien précis, étant (i) la description précise des faits constitutifs selon le travailleur de violence ou de harcèlement, (ii) le moment et l’endroit où les faits se sont déroulés, (iii) l’identité de la personne en cause et (iv) la demande adressée à l’employeur de prendre des mesures appropriées pour y mettre fin.

La cour va dès lors examiner si l’ensemble de ces points ont été respectés et elle va constater que tel n’est pas le cas. Le contact pris avec la personne de confiance ne peut valoir plainte motivée au sens de la loi, d’autant que n’est pas constaté un entretien personnel entre elles.

La travailleuse fait alors état du fait qu’elle se serait rendue au Contrôle du bien-être. Elle dépose un document, qui s’avère être un questionnaire en rapport avec une plainte déposée, questionnaire par lequel le plaignant est invité à préciser les éléments de la plainte. La cour constate cependant que, si plainte a été déposée auprès du Contrôle du bien-être, elle n’a pas été mise en possession de la personne de confiance ou du conseiller en prévention. La cour considère que c’est à l’intéressée d’apporter la preuve du dépôt de la plainte motivée, conformément à la réglementation. Si l’entretien avec la personne de confiance est établi et qu’existe un formulaire de plainte, aucun élément du dossier n’établit, pour la cour, que celui-ci ait été communiqué aux instances responsables au sein de l’entreprise non plus que envoyé au SPF Emploi et Travail.

L’affaire va, ensuite, se compliquer, eu égard à certaines mentions troublantes dans le courrier produit (date, signature, références inexactes). La cour examine cet aspect particulier du dossier et conclut que, si le document produit n’était pas authentique la situation serait grave, dans la mesure où il aurait été produit en vue d’obtenir une indemnité de protection prévue dans le cadre d’un mécanisme législatif destiné à protéger les travailleurs contre le harcèlement au travail. La cour envoie dès lors le document au procureur du Roi, sur la base de l’article 29 du Code d’instruction criminelle, s’estimant tenue de lui communiquer des indices sérieux d’infraction portés à sa connaissance dans le cadre de l’examen du litige.

Enfin, sur l’abus de droit, la cour, après avoir rappelé les principes, constate qu’aucun élément sérieux n’est apporté permettant de conclure à celui-ci dans la rupture.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles reprend les termes de l’arrêté royal du 17 mai 2007, d’exécution de la loi du 10 janvier 2007, en ce qui concerne plus particulièrement les instances habilitées à recevoir la plainte motivée en cas de harcèlement. Il rappelle également la procédure, préalable au dépôt de celle-ci, étant qu’est exigé un entretien personnel dans un délai de 8 jours calendrier à partir du moment où le travailleur exprime sa volonté de déposer la plainte motivée.


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