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Accident sur le chemin du travail : itinéraire par autoroute

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 19 juin 2013, R.G. 2011/AB/557

Mis en ligne le mardi 24 septembre 2013


Cour du travail de Bruxelles, 19 juin 2013, R.G. n° 2011/AB/557

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 19 juin 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que, pour être normal, le trajet parcouru par le travailleur n’est pas nécessairement le trajet le plus courtet qu’un dépassement involontaire d’un embranchement routier n’est pas en lui-même de nature à retirer à celui-ci son caractère de trajet normal.

Les faits

A la fin de son service en qualité de barman au sein d’un hôtel, un travailleur est victime d’un accident sur l’autoroute E411 Bruxelles-Namur. Sa journée de travail s’était terminée peu avant minuit. L’accident intervient à 1hrs50 à hauteur d’Eghezée. Il est emmené au CHU de Namur. L’entreprise d’assurances signale à l’intéressé qu’elle n’intervient pas dans l’indemnisation de l’accident, au motif que celui-ci n’est pas survenu sur le trajet normal entre la résidence et le lieu de travail et inversement, la sortie normale qu’il aurait dû emprunter étant dépassée.

Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Nivelles, section de Wavre, qui admet l’accident sur le chemin du travail au sens de l’article 8, § 1er de la loi du 10 avril 1971.

Appel est interjeté par l’entreprise d’assurances.

L’organisme assureur en soins de santé et indemnités est également à la cause, demandant le remboursement par l’assureur-loi de ses débours.

Position des parties devant la cour

L’entreprise d’assurances développe longuement la question du trajet parcouru, eu égard au trajet le plus court (et ce via diverses sorties d’autoroute). Elle constate que l’intéressé a effectué un détour important, qui ne pourrait être justifié que par la force majeure et que, par ailleurs, sur le plan temporel il y a une interruption injustifiée d’environ une demi-heure.

L’intimé demande confirmation du jugement, étant qu’il se trouvait sur le trajet normal, thèse qui est également appuyée par l’organisme assureur.

Décision de la cour

La cour va reprendre, sur le plan des principes, la notion légale de trajet normal. Elle souligne que ce n’est pas nécessairement la ligne la plus courte entre la résidence et le lieu de travail (et inversement) et que le travailleur a le choix de l’itinéraire. Il n’est par ailleurs pas tenu de suivre le même trajet tous les jours. Le juge, qui doit définir si le trajet est normal ou non doit effectuer cette appréciation de manière raisonnable.

La cour rappelle également les motifs d’interruption et de détour, étant que si ceux-ci sont insignifiants ils ne sont pas pris en compte, s’ils sont peu importants il y a lieu de justifier d’un motif légitime et s’ils sont importants, une force majeure est exigée.

En ce qui concerne l’accident sur le chemin du travail lui-même, est indemnisé tout accident, sans exigence d’une cause quelconque, et ce même si l’accident est dû à une faute de la victime, seule la faute intentionnelle étant exclue.

Elle en vient alors aux faits de l’espèce, constatant que l’intéressé allait vers sa résidence, venant de son lieu d’exécution du travail (autoroute E411, direction Namur). Lorsqu’il a percuté la berme centrale de l’autoroute, il se trouvait à hauteur d’une sortie qui, si elle avait été prise, aurait entraîné un détour relativement important. La cour constate cependant qu’il n’a pas emprunté cette sortie mais qu’au moment de l’accident il avait dépassé une (voire deux) sortie(s) d’autoroute, s’étant endormi au volant. Pour la cour, le dépassement involontaire ne constitue pas un détour. Le fait volontaire du détour n’est pas établi et peut être attribué à des raisons liées à son organisme (fatigue ou consommation de boissons alcoolisées). Il y a dès lors lieu à réparation.

En ce qui concerne le temps écoulé, la cour rejette qu’il y a une interruption injustifiée d’environ une demi-heure, constatant que sur le plan chronologique le temps écoulé entre le départ du lieu de travail et la survenance de l’accident n’est pas anormalement long et ne permet d’ailleurs même pas de retenir une interruption, l’intéressé n’ayant pas quitté son travail immédiatement.

La cour confirme dès lors le jugement et renvoie la cause au Tribunal du travail de Nivelles, section Wavre.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles présente plusieurs intérêts, étant notamment d’examiner concrètement le caractère normal du détour dès lors que le travailleur est tenu, pour regagner son domicile, d’utiliser une voie rapide. Le trajet le plus court n’est pas nécessairement le trajet normal et la cour rappelle que le travailleur a le choix de l’itinéraire, n’étant pas tenu de suivre le même trajet chaque jour.

Par ailleurs, l’accident étant survenu avant qu’il n’ait emprunté une sortie qui elle-même entraînerait un détour important, c’est à l’endroit où survient l’accident qu’il faut se situer pour apprécier si le trajet est toujours normal. Le détour n’a pas encore été effectué et il n’y a dès lors pas lieu de tenir compte de l’allongement du trajet qu’il impliquerait. Quant à la circonstance que le travailleur avait dépassé la ou les sorties normales, la cour la considère sans incidence, le dépassement étant dû à un fait involontaire (s’être endormi au volant). Le dépassement involontaire ne constitue pas un détour.


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