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Licenciement par un employeur public : point de départ de la prescription en l’absence de mention des voies de recours dans la notification de la rupture

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 24 juin 2013, R.G. 2011/AB/781

Mis en ligne le mardi 10 septembre 2013


Cour du travail de Bruxelles, 24 juin 2013, R.G. n° 2011/AB/781

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 24 juin 2013, statuant après l’arrêt de la Cour de cassation du 28 mars 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que le non respect des mentions des voies de recours prévues par le Code wallon de la Démocratie locale n’a pas d’effet interruptif sur la prescription.

Les faits

Une Intercommunale exerçant des missions de service public licencie un agent contractuel. Celui-ci introduit une procédure devant le tribunal du travail de Mons, procédure introduite après le délai d’un an.

Le licenciement a en effet été notifié le 9 mai 2006 avec effet au 15 mai 2006 et la demande est introduite par citation du 27 juillet 2007.

La question essentielle est relative à la prescription de la demande.

Le jugement du tribunal du travail de Mons du 10 novembre 2008

Par jugement du 10 novembre 2008, le Tribunal du travail de Mons considère l’action prescrite, rejetant la position du demandeur selon laquelle la notification ne mentionnait ni la possibilité d’un recours devant le tribunal du travail ni les formes et délais à respecter pour l’introduction de celui-ci, argument tiré de l’article 2 du Décret du 7 mars 2001 relatif à la publicité de l’administration dans les intercommunales wallonnes.

L’arrêt de la Cour du travail de Mons du 24 février 2010

L’arrêt qui sera soumis à la censure de la Cour de cassation rappelle les termes de l’article 15 de la loi du 3 juillet 1978 précisant que cette règle de prescription s’applique à la situation des contractuels de la fonction publique (en vertu de l’article 1er, alinéa 2 de la même loi). Il rappelle également que le droit du travail n’applique pas de causes d’interruption particulières autres que celles prévues par le Code civil (citation, commandement ou saisie, reconnaissance et renonciation). La suspension de la prescription peut intervenir lorsque la créance dépend d’un terme ou d’une condition jusqu’à ce que celui-ci advienne.

En l’espèce, après avoir constaté que l’employeur est une personne morale de droit public au sens de l’article L 1512-4, § 1er, du Code wallon de la Démocratie locale et de la décentralisation et que le demandeur originaire était un agent contractuel, la cour considère que celui-ci doit démontrer qu’un ou plusieurs des éléments clés influençant la fixation de la prescription visée à l’article 15 sont réunis, à savoir que (i) le délai n’était pas écoulé, (ii) que le point de départ de celui-ci a pu être postposé ou (iii) qu’il y a eu interruption ou suspension de la prescription.

En ce qui concerne l’argument du demandeur, la cour du travail constate qu’en sa qualité d’autorité publique, l’intercommunale est indiscutablement soumise aux règles du droit administratif donc au Code de la Démocratie locale. Celui-ci prévoyait à l’époque (c’est-à-dire avant son remplacement par le Décret du 19 juillet 2006) l’obligation pour l’autorité de fournir au public, dans le cadre d’une information claire et objective, l’indication des voies éventuelles de recours, des instances compétentes pour en connaître ainsi que des formes et délais à respecter. La sanction de ce défaut d’information est que le délai de prescription pour introduire le recours ne prend pas cours.

La cour du travail constate que, pour l’Autorité, ces dispositions ne viseraient que les décisions susceptibles de recours devant le Conseil d’Etat. Elle rejette cette façon de voir, s’agissant en l‘espèce de l’application de la loi du 29 juillet 1991. Elle en conclut que le congé donné est une décision ou un acte administratif de portée individuelle au sens de l’article L 1561-2, 4°, § 1er du Code de la Démocratie locale et que l’obligation en cause vise tous les types de rapports et tous les types de communication, y compris ceux relatifs aux contrats de travail. La cour du travail réforme dès lors le jugement du Tribunal du travail de Mons.

L’arrêt de la Cour de cassation du 28 mars 2011

L’Intercommunale introduit un pourvoi contre cet arrêt, que la Cour de cassation va casser. Pour la Cour suprême, l’information visée à l’article L 1561-2, 4° du Code wallon de la Démocratie est celle destinée au public. Il s’agit d’une exigence d’information claire et objective sur l’action de l’Intercommunale et cette disposition, qui prévoit que le délai de prescription pour introduire un recours ne prend pas cours si les décisions ou actes de portée individuelle notifiés à un requérant n’indiquent pas les voies éventuelles de recours, n’impose pas, s’agissant d’une décision de rupture d’un contrat de travail, l’indication sur celle-ci de l’action ouverte au tribunal du travail et du délai de prescription de celle-ci.

Dès lors, il y a violation des dispositions légales applicables.

L’arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 24 juin 2013

Reprenant les termes de l’arrêt de la Cour de cassation, la cour du travail constate que celle-ci s’est clairement prononcée sur la question de la prescription.

Aucun élément nouveau n’étant avancé, permettant soit de postposer le point de départ du délai soit de considérer que celui-ci n’était pas expiré, la cour conclut à l’absence de fondement de la demande pour cause de prescription, ainsi que l’avait fait le tribunal du travail de Mons.

Elle est, enfin, amenée à régler la question des dépens, l’Autorité fixant ceux-ci à un montant de l’ordre de 18.000€. La cour rappelle à cet égard, la demande en ayant été expressément faite par l’intéressé, que l’article 1022 du Code judiciaire, § 3 permet de réduire au minimum légal le montant des indemnités de procédure et que le juge peut tenir compte, dans son évaluation, (i) de la capacité financière de la partie succombante, (ii) de la complexité de l’affaire, (iii) des indemnités contractuelles convenues pour la partie qui obtient gain de cause et (iv) du caractère manifestement déraisonnable de la situation.

La cour va dès lors apprécier et revoir à la baisse très fortement les indemnités postulées, les ramenant à un montant de l’ordre de 4.000€.

Intérêt de la décision

Cet arrêt clôture la question relative à l’application de l’article L 1561-2, 4° du Code wallon de la Démocratie locale à la notification d’une rupture d’un contrat de travail. Cette obligation d’indication des voies de recours dans les décisions ou actes de portée individuelle n’a pas pour effet d’ajouter aux obligations légales. La référence à un délai de prescription dans cette disposition ne concerne, selon la Cour de cassation, que d’éventuelles voies de recours et ne modifie en rien les règles de prescription de l’article 15 de la loi du 3 juillet 1978.


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