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Chômage : conséquences d’une erreur de l’organisme de paiement

Commentaire de Trib. trav. Bruxelles, 26 juillet 2013, R.G. 11/11.800/A

Mis en ligne le mardi 10 septembre 2013


Tribunal du travail de Bruxelles, 26 juillet 2013, R.G. n° 11/11.800/A

Terra Laboris asbl

Dans un jugement du 26 juillet 2013, le Tribunal du travail de Bruxelles rappelle les conditions d’application de l’article 167, § 1er de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, relatif à la responsabilité de l’organisme de paiement et à ses possibilités de récupérer des allocations auprès d’un chômeur.

Les faits

Un étudiant demande en cours d’année une dispense de ses obligations de chômeur pour poursuivre des études. L’ONEm refuse, par décision notifiée à l’intéressé au mois d’août de l’année en cause. La décision se fonde sur le fait qu’il n’a pas perçu 312 allocations pendant les deux années précédant le début du cycle d’études entreprises. La décision l’exclut également du bénéfice des allocations de chômage – allocations qu’il a perçues via son office de paiement. Un indu apparaît ainsi et l’OP en demande le remboursement à l’intéressé. Celui-ci introduit un recours devant le tribunal du travail de Bruxelles contre la décision de l’ONEM. L’OP comparaît volontairement. Les trois parties se retrouvent devant le tribunal du travail.

Décision du tribunal du travail

Le tribunal examine en premier lieu les conditions figurant aux articles 69, alinéa 2 et 93 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, dispositions relatives aux conditions de la dispense de l’application des articles 51, § 2, 3° à 6°, 56 et 58. Parmi celles-ci figure l’exigence d’avoir bénéficié d’au moins 312 allocations en tant que chômeur complet pendant les deux années qui précédent le début des études (sauf pour les formations dans lesquelles il y a pénurie significative de main-d’œuvre).

Le tribunal souligne également l’exigence dans la réglementation d’introduire la demande de dispense préalablement. Cette dispense est par ailleurs indispensable pour l’octroi des allocations de chômage pendant la poursuite des études de plein exercice.

Ces conditions sont, comme le rappelle le tribunal, strictes. Il constate dès lors aisément que la condition d’avoir bénéficié de 312 allocations pendant la période mentionnée n’est pas remplie et que les études ont été poursuivies sans que l’intéressé ne soit couvert pas une dispense. Pour le tribunal, aucun reproche ne peut être adressé à l’ONEm.

L’examen de la partie du litige opposant l’intéressé à son office de paiement est un peu plus complexe, l’intéressé mettant en cause la responsabilité de cet organisme et celui-ci réclamant l’indu.

En ce qui concerne l’action en responsabilité dirigée par le demandeur, le tribunal constate qu’une faute a effectivement été commise, le syndicat ayant interprété le code de paiement accordé par l’ONEm comme une autorisation couvrant la demande de dispense alors que tel n’était pas le cas. Cette faute est admise par l’office de paiement à l’audience, étant une mauvaise interprétation du code. Il fait cependant valoir qu’il n’y a pas de préjudice consécutif à celle-ci, puisque l’intéressé ne pouvait pas prétendre aux allocations payées par erreur et que, par ailleurs, il ne pouvait ignorer le caractère indu de ce paiement.

Le tribunal examine ainsi les conditions de responsabilité de l’organisme de paiement, celles-ci figurant à l’article 167 de la règlementation. En reprenant cette disposition, dont le § 1er, 4° vise les paiements effectués et rejetés ou éliminés par le bureau de chômage exclusivement en raison d’une faute ou d’une négligence imputable à l’OP (notamment en cas de retard de transmission des pièces), le tribunal constate cependant, eu égard à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. 9 juin 2008, S.07.0113.F et Cass. 27 septembre 2010, S.09.0055.F) que cette disposition exige que le droit du travailleur aux allocations de chômage auxquelles correspond la dépense existe indépendamment de la faute ou de la négligence constatée. A contrario, lorsque le chômeur n’a pas droit à ces sommes, l’organisme de paiement peut les récupérer à sa charge.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le droit à ces allocations n’existait pas. Il en découle que l’organisme de paiement pouvait en poursuivre la récupération auprès de l’intéressé. La Charte de l’assuré social ne trouve pas à s’appliquer à cette hypothèse, comme le relève le tribunal, son article 18bis prévoyant expressément la possibilité pour le Roi de déterminer les régimes de sécurité sociale ou les subdivisions de ceux-ci pour lesquelles une décision relative aux mêmes droits n’est pas considérée comme nouvelle décision pour l’application des articles 17 et 18 et c’est précisément le cas de l’article 166, alinéa 2 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 : celui-ci prévoit expressément que les décisions contenues en son alinéa 1er ne sont pas de nouvelles décisions au sens des articles 17 et 18 de la Charte. Il ne peut dès lors être question de s’appuyer sur les garanties de celle-ci.

Le tribunal conclut dès lors au fondement de la demande de l’office de paiement, qui entend récupérer son indu, et au non fondement de la demande de l’assuré social à son encontre.

Intérêt de la décision

Ce jugement du Tribunal du travail de Bruxelles rappelle l’articulation entre l’article 17 de la Charte de l’assuré social et l’article 167, § 1er de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, ce dernier ne pouvant s’appliquer que si le droit aux allocations était établi dans le chef du chômeur d’une part et ne pouvant valoir nouvelle décision au sens des articles 17 et 18 de la Charte de l’autre.


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