Terralaboris asbl

Plan de règlement judiciaire avec remise partielle des dettes en capital et dettes alimentaires

Cass., 27 mai 2013, n° S.12.0063.F

Mis en ligne le vendredi 6 septembre 2013


Cour de cassation, 27 mai 2013, R.G. n° S.12.0063.F

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 27 mai 2013, la Cour de cassation se prononce sur le sort des créances alimentaires échues dans le cadre d’un règlement collectif de dettes avant la décision d’admissibilité.

Les faits

Mme A.C. est l’ex-épouse de M. G.B., admis au bénéfice de la procédure en règlement collectif de dettes par ordonnance du tribunal du travail de Charleroi du 12 novembre 2009. Elle a introduit une déclaration de créance à concurrence d’une somme de 700 € représentant des pensions alimentaires dues pour la période du 1er mars 2008 au 27 septembre 2008. Cette créance fut portée par un arrêt de la cour d’appel de Mons du 12 juillet 2010 à 1.400 €.

Le 8 mars 2011, le médiateur de dettes a déposé un procès-verbal de carence, proposant un plan de règlement judiciaire avec remise partielle de dettes en capital. Par jugement du 20 octobre 2011, le tribunal a imposé un plan de règlement prévoyant notamment que la somme à affecter au remboursement des créanciers sera répartie au marc le franc entre tous les créanciers et qu’à l’expiration du délai de cinq ans, la remise des dettes serait en principe acquise au débiteur.

Mme C. a interjeté appel de ce jugement, lui faisant grief d’avoir intégré sa créance dans le plan alors qu’il s’agissait d’une créance prioritaire au sens des articles 1675/10, § 4 et 1675/12, § 5, du Code judiciaire et soutenant qu’en tout état de cause, dès lors que le non-paiement d’une dette alimentaire est susceptible de poursuites pénales, il met en péril la dignité du médié lui-même.

Par un arrêt du 21 février 2012 (n° R.G. 2011/AM/430, sur Juridat), la dixième chambre de la cour du travail de Mons, après avoir rappelé que le plan de règlement judiciaire imposé par le tribunal est un plan avec remise partielle de dettes en capital, régi par l’article 1675/13, du Code judiciaire, décide que son § 6, aux termes duquel « lorsqu’il établit le plan, le juge doit veiller au remboursement prioritaire des dettes qui mettent en péril le respect de la dignité humaine du requérant et de sa famille » n’introduit pas une nouvelle cause de préférence pour certaines créances.

L’arrêt rappelle que plusieurs dispositions relatives au règlement collectif de dettes règlent expressément le sort à réserver aux créances alimentaires. L’article 1675/7, § 3, du Code judiciaire interdit ainsi de faire rentrer dans la masse les aliments dus pour la période postérieure à l’ordonnance d’admissibilité. L’exécution des obligations pour le futur est ici rendue obligatoire au terme d’une balance des intérêts en présence où le législateur fait passer le créancier d’aliments avant la protection du débiteur surendetté. Il en déduit que le créancier alimentaire est un créancier dans la masse pour les arriérés échus avant la décision d’amissibilité et un créancier hors masse pour les aliments dus à partir de cette date, en sorte que les pensions alimentaires échues avant la décision d’admissibilité ne pourront être payées que dans le cadre d’un plan de règlement amiable ou judiciaire et ne bénéficient d’aucun privilège.

La cour du travail examine également la portée de l’article 1675/13, § 3, du Code judiciaire qui prévoit que le juge ne peut accorder de remise pour les dettes alimentaires non échues au jour de la décision arrêtant le plan de règlement judiciaire, lu conjointement avec l’article 1675/7, § 3, du Code judiciaire. Elle décide que les pensions alimentaires échues entre la décision d’amissibilité et la décision arrêtant le plan ne peuvent pas faire l’objet d’une remise de dette et donc être intégrées dans le plan de règlement judiciaire imposé par le premier juge.

Elle ordonne en conséquence la réouverture des débats pour permettre à Mme C. de verser aux débats les décisions ayant fixé le secours alimentaire et de s’expliquer quant au sort de sa créance au regard des principes qu’elle a dégagés.

Mme C. a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Requête en Cassation

Le moyen de cassation est centré sur l’article 23 de la Constitution qui garantit à chacun le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine et vise également différentes dispositions du Code judiciaire sur le règlement collectif de dettes, rappelant que l’objectif du plan de règlement est de garantir au débiteur ainsi qu’à sa famille qu’ils pourront mener une vie conforme à la dignité humaine.

La première branche du moyen soutient que, si une protection plus absolue est accordée aux dettes alimentaires non échues, il appartient néanmoins au juge, en cas de règlement judiciaire, de veiller au remboursement prioritaire de toutes les dettes alimentaires, indépendamment de la date de leur échéance, dettes qui appartiennent à la catégorie de dettes qui mettent en péril le respect de la dignité humaine de la famille du médié et qui sont échues avant la décision d’admissibilité. Cela implique que de telles dettes ne peuvent faire l’objet d’une remise de dette en capital ou, à tout le moins, qu’une remise ne peut être décidée que si la remise totale des autres dettes du débiteur ne suffit pas pour atteindre l’objectif visé par l’article 1675/3, alinéa 3, du Code judiciaire, à savoir rétablir la situation financière du débiteur en lui garantissant simultanément ainsi qu’à sa famille qu’il pourra mener une vie conforme à la dignité humaine. Mme C. fait dès lors grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 23 de la Constitution, l’article 1675/7, § 3, du Code judiciaire et son article 1675/13, § 3 et 1675/13, § 6. Elle soutient également qu’à tout le moins, en ne vérifiant pas si une remise totale des dettes du débiteur autres que les arriérés de pension alimentaire n’aurait pas suffi à réaliser les objectifs visés à l’article 1675/3, alinéa 3, du Code judiciaire, l’arrêt n’est pas régulièrement motivé (violation de l’article 149 de la Constitution).

La seconde branche, prise à titre subsidiaire, fait grief à l’arrêt de ne pas s’être livré à une appréciation concrète des faits de l’espèce et d’avoir décidé de manière abstraite, en droit, que le créancier d’aliments dont la dette est échue avant la décision d’admissibilité est un créancier ordinaire dont la créance ne peut jamais bénéficier d’un traitement privilégié par rapport aux autres créances dans la masse

Arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation réunit les deux branches du moyen et le rejette.

Elle rappelle qu’en vertu de l’article 1675/2, § 3, du Code judiciaire, le plan de règlement auquel tend la demande en règlement collectif de dettes a pour objet de rétablir la situation financière du débiteur en lui permettant notamment, dans la mesure du possible, de payer ses dettes et en lui garantissant simultanément, ainsi qu’à sa famille, qu’ils pourront mener une vie conforme à la dignité humaine. L’article 1675/7, § 3, du Code judiciaire dispose que la décision d’admissibilité de la demande en règlement collectif de dettes entraîne l’interdiction d’accomplir tout acte susceptible de favoriser un créancier, sauf le paiement d’une dette alimentaire mais à l’exception des arriérés de celle-ci. Aux termes de l’article 1675/13, § 3, le juge ne peut accorder de remise pour les dettes alimentaires non échues au jour de la décision arrêtant le plan de règlement judiciaire.

De la combinaison de ces dispositions, l’arrêt analysé déduit que le plan de règlement judiciaire peut inclure la remise en capital de dettes alimentaires échues avant la décision arrêtant ce plan.

La Cour rappelle également que l’article 1675/1, § 6, du Code judiciaire, qui prévoit que lorsqu’il établit le plan, le juge doit veiller au remboursement prioritaire des dettes qui mettent en péril le respect de la dignité humaine du débiteur et de sa famille, ne vise pas parmi ces derniers les créanciers alimentaires du débiteur qui ne vivent pas sous son toit.

La Cour de cassation relève également qu’il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que Mme C. ait soutenu devant la cour du travail que le but auquel tend le plan de règlement eût pu être atteint sans inclure sa créance dans celle dont le juge a accordé la remise partielle en capital.

Intérêt de la décision

L’arrêt de la Cour de cassation clarifie le sort des créances alimentaires en cas de règlement judiciaire. Les arriérés de pension alimentaire ne peuvent être payés prioritairement dès lors que la décision d’admissibilité entraîne l’interdiction d’accomplir tout acte susceptible de favoriser un créancier sauf le paiement d’une dette alimentaire mais à l’exception des arriérés de celle-ci et l’article 1675/13, § 6, du Code judiciaire ne vise pas la situation de créanciers d’aliments qui ne vivent pas sous le toit du médié.


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