Terralaboris asbl

La décision du MEDEX s’impose tant à l’employeur qu’au Juge, qui ne peut accorder un taux inférieur

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 17 avril 2013, R.G. 2011/AB/363

Mis en ligne le mercredi 4 septembre 2013


Cour du travail de Bruxelles, 17 avril 2013, R.G. n° 2011/AB/363

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 17 avril 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que l’évaluation faite par le Medex des séquelles d’un accident du travail dans le cadre de l’incapacité permanente s’impose au juge et à l’autorité et il ne peut y être dérogé que vers le haut. L’autorité ne peut dès lors y substituer une évaluation inférieure.

Les faits

Une infirmière travaillant dans une institution hospitalière publique est victime d’un accident du travail (ayant entraîné des lésions à la main). Le MEDEX (alors Service de Santé administratif) fixe les séquelles, retenant un taux d’IPP de 35%. Elle introduit un appel administratif et le SSA alloue alors un taux de 43%. L’employeur fait une proposition de règlement, sur la base de la décision initiale du SSA (35%). Des discussions surgissent, notamment sur la rémunération de base, la fixation de la durée de l’incapacité de travail ainsi qu’une allocation complémentaire pour aide de tiers. Les parties n’arrivant pas à un accord, une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Nivelles, qui désigne un expert.

Celui-ci dépose ses conclusions, dans lesquelles il retient un taux d’incapacité permanente inférieure à celui fixé par le SSA dans sa décision d’appel.

L’intéressée saisit, alors, la cour du travail, demandant l’écartement du rapport d’expertise, fixation du taux conformément à la décision d’appel du SSA, de même qu’une aide de tiers et adaptation de son véhicule.

Décision de la cour du travail

La cour examine en premier lieu la question du caractère contraignant de la décision du service médical. L’article 8 de l’arrêté royal du 13 juillet 1970 dispose en effet qu’il fixe le pourcentage de l’incapacité permanente résultant des lésions occasionnées par l’accident et qu’il notifie à l’autorité, outre son appréciation sur la relation de cause à effet entre l’accident et les lésions, sa décision motivée relative à la détermination du pourcentage de l’incapacité.

Quant à l’autorité, elle doit, en vertu du même arrêté royal, vérifier si les conditions d’octroi des indemnités sont réunies, et dans l’affirmative, elle doit apprécier s’il y a lieu d’augmenter le pourcentage d’incapacité fixé par le service médical. Elle doit alors proposer à l’accord de la victime le paiement d’une rente, proposition qui va mentionner la rémunération de base, la nature des lésions, la réduction de capacité ainsi que la date de consolidation.

La cour rappelle ensuite que, de manière constante, la Cour de cassation considère que l’avis du service médical lie l’autorité publique dans la mesure où il fixe le pourcentage d’incapacité (voir notamment Cass., 7 février 2000, Chron. D.S., 2002, p. 61). Elle souligne au passage que le terme initial de l’arrêté royal du 13 juillet 1970 était l’invalidité, mais que celui-ci a été modifié par un arrêté royal du 26 novembre 2012 afin de reprendre celui d’incapacité.

La cour précise ensuite que le caractère contraignant de la décision du SSA vaut également à l’égard du juge et que, s’il existe une jurisprudence considérant que le SSA ne peut donner qu’une appréciation (l’autorité publique devant encore se prononcer ultérieurement), celle-ci est isolée. Elle rappelle également (en matière de maladie professionnelle dans le secteur public) un arrêt de la Cour de cassation du 17 mars 1997 (Cass., 17 mars 1997, S.95.0144.F), statuant dans le cadre de l’arrêté royal du 5 janvier 1971 relatif à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles dans le secteur public, que le service médical doit notifier à l’autorité sa décision motivée relative à la détermination du pourcentage d’invalidité et que le texte prévoit que l’autorité est liée par cette décision, qui tend à fixer l’étendue de ses obligations. Cette jurisprudence a été confirmée par arrêt du 18 novembre 2011 (Cass., 18 novembre 2011, C.09.0521.F). Le terme « appréciation » figurant dans l’arrêté royal constitue dès lors une « décision » liant l’autorité publique.

Notant que l’intéressée ne conteste pas le taux, au-delà de ce qui avait été retenu par le service médical dans sa décision d’appel, la cour retient celui-ci, constatant qu’il n’est pas nécessaire de recourir à une nouvelle expertise.

La cour va encore reprendre les principes applicables à la question de l’aide de tiers. L’article 4, § 2 de la loi du 3 juillet 1967 prévoit en effet la possibilité d’une indemnité additionnelle fixée en fonction de la nécessité de cette aide. Celle-ci a été refusée par l’expert, qui a constaté qu’elle n’était pas justifiée si l’on tient compte du caractère absolu de celle-ci. La cour rappelle que la nécessité ne doit pas être absolue, c’est-à-dire nécessaire à 100% mais peut au contraire présenter des degrés divers suivant les cas. Elle renvoie à une décision de la Cour du travail de Mons (C. trav. Mons, 20 février 2006, Chron. D.S., 2007, p. 354), qui a rejeté l’interprétation selon laquelle l’aide de tiers ne serait accordée que si la victime est dans l’impossibilité d’accomplir tel ou tel geste. Il faut dès lors apprécier raisonnablement le besoin d’aide et c’est d’ailleurs ce que permet l’indemnisation correspondante, puisque le juge peut fixer le nombre d’heures adéquat.

En l’espèce, la cour retient 4hrs pour le nettoyage hebdomadaire et 4hrs pour les courses et les repas. La référence est le RMMMG en vigueur à la date de consolidation (l’intéressée étant contractuelle).

Elle rejette cependant que cette aide puisse être accordée pendant la période d’incapacité temporaire, rappelant que la loi a conçu celle-ci comme une allocation complémentaire à celle accordée en vue de compenser l’incapacité permanente.

Enfin, sur le calcul de la rente, l’intéressée demande que celle-ci ne soit pas limitée à 25%, comme prévu à l’article 6, § 1er de la loi du 3 juillet 1967. La cour fait droit à celle-ci, rappelant que cette limitation ne s’applique pas si l’exercice des fonctions n’est pas effectif (renvoyant à un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 22 avril 2000 (Chron. D.S., 2005, p. 569, note JACQMAIN), ce qui est le cas en l’espèce, l’intéressée n’ayant pas repris le travail depuis 2004.

Enfin, la cour admet la capitalisation des intérêts demandée.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles reprend divers points de l’indemnisation de l’accident du travail dans le secteur public. Il rappelle notamment le caractère contraignant pour l’autorité de l’avis du service médical, concernant le taux d’incapacité permanente proposé, taux qui ne peut ultérieurement qu’être porté à la hausse. Ce caractère contraignant s’impose tant à l’autorité qu’au juge.

L’arrêt rappelle également à juste titre que la limitation de la rente dans le secteur public à 25%, tel que prévue à l’article 6 de la loi du 3 juillet 1967, ne peut intervenir que si la victime conserve l’exercice de fonctions. Ceci implique que, en l’absence de prestations, la limitation ne vaut pas.


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