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Un chômeur peut-il refuser un emploi à temps partiel et de courte durée ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 6 février 2013, R.G. 2011/AB/796

Mis en ligne le mardi 2 juillet 2013


Cour du travail de Bruxelles, 6 février 2013, R.G. n° 2011/AB/796

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 6 février 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les critères de l’emploi convenable, considérant que même à temps partiel et de courte durée, un emploi a ce caractère s’il vise une profession susceptible d’être exercée par le chômeur du fait de sa formation.

Les faits

Une ergothérapeute (également kinésithérapeute) s’inscrit aux allocations de chômage en mars 2010, après avoir été directrice d’une maison de repos et de soins. Dans les six premiers mois de son chômage, un poste d’ergothérapeute lui est proposé et elle répond négativement à cette offre, au motif qu’elle ne correspondrait pas à ses compétences et/ou qualifications.

Elle est auditionnée et fait valoir que, le poste étant à temps partiel et à durée déterminée, elle n’avait pas réservé de suite, étant par ailleurs en discussion avec le SP Wallonie pour un poste d’expert en accueil familial. Elle déclare à ce moment rester dans l’attente de la décision devant intervenir pour celui-ci.

Elle fait alors l’objet d’une exclusion de huit semaines, décision qu’elle conteste devant le Tribunal du travail de Nivelles.

Par jugement du 2 août 2011, le tribunal fait droit à sa demande, considérant qu’il y avait refus d’emploi convenable mais que l‘intéressée avait une raison légitime.

L’ONEm interjette appel.

Position de la cour du travail

La cour est amenée à rappeler les articles 51 et suivants de l’arrêté royal du 25 novembre 1991. Pour être indemnisé, le chômeur ne peut être en chômage volontaire et il faut entendre par là qu’il ne peut avoir abandonné un emploi convenable sans motif légitime, omis de se présenter sans justification suffisante auprès d’un employeur s’il a été invité à ce faire par le service de l’emploi compétent ou s’il a refusé un emploi convenable.

L’emploi convenable peut être à temps partiel et la cour rappelle que ceci est précisé dans l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 (article 22, alinéa 2) et que l’emploi non convenable est celui qui (i) ne correspond ni à la profession à laquelle préparent les études ou l’apprentissage ni à la profession habituelle ni à une profession apparentée (rappelant qu’à l’époque de faits, ce critère valait pour les six premiers mois de chômage – article 23) ou (ii) si le revenu net qu’il procure n’est pas au moins égal au montant des allocations dont peut bénéficier un chômeur complet (article 26).

Renvoyant à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 30 janvier 1984, R.G. 4075), la cour du travail précise que ces critères ne sont pas énoncés de manière limitative mais qu’il s’agit d’éléments d’appréciation qui ne lient le juge que pour autant que le litige à trancher tombe dans leur champ d’application. L’on peut dès lors tenir compte d’autres facteurs que ceux-ci.

Après avoir rappelé ces principes, elle précise qu’il faut distinguer l’hypothèse du refus d’emploi du défaut de présentation auprès d’un employeur potentiel. Cette deuxième hypothèse peut faire l’objet d’une justification mais en ce qui concerne le refus d’emploi, aucun critère ne figure dans les textes permettant d’en apprécier le caractère légitime. Dans cette hypothèse, il faut uniquement vérifier si l’emploi est convenable ou non. Elle réforme dès lors le jugement qui avait considéré que l’intéressée avait une justification suffisante.

La cour examine ensuite les caractères de l’emploi proposé eu égard aux critères de référence, étant que ni la brève durée ni le temps partiel ne permettent de dire que l’emploi n’était pas convenable. Par ailleurs, la rémunération n’est pas en cause et la cour conclut en constatant que le refus est établi, ainsi que le caractère convenable de l’emploi proposé.

Elle va cependant réduire la durée de l’exclusion à quatre semaines et l’assortir d’un sursis, prenant en compte les circonstances de l’espèce, à savoir la courte période de chômage dans un passé professionnel important. Elle tient également compte malgré tout du caractère peu attractif de l’emploi proposé, du fait qu’il était d’un niveau inférieur aux derniers emplois occupés par l’intéressée et de l’investissement de celle-ci dans la recherche d’un emploi lui correspondant mieux.

Intérêt de la décision

La cour du travail rappelle, dans l’arrêt annoté, les critères de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 relatif à l’emploi convenable. L’article 23 prévoit en effet que l’emploi est réputé non convenable s’il ne correspond ni à la profession à laquelle préparent les études ou l’apprentissage du chômeur ni à la profession habituelle ni encore à une profession apparentée (i) pendant les trois premiers mois de chômage si le travailleur n’a pas atteint l’âge de trente ans ou s’il a un passé professionnel de moins de cinq ans ou (ii) pendant les cinq premiers mois de chômage si le travailleur n’est pas dans les conditions précitées. Cette règle ne vaut pas si, de l’avis du service régional de l’emploi compétent, les possibilités d’embauche dans la profession considérée sont très réduites. Après ce délai, l’arrêté ministériel prévoit que le travailleur est tenu d’accepter un emploi dans une autre profession et que le caractère convenable de cet emploi s’apprécie alors en tenant compte de ses aptitudes et de sa formation.

L’arrêt est également l’occasion de rappeler que le chômage est considéré comme volontaire dans trois hypothèses, l’abandon d’emploi, le défaut de présentation auprès d’un employeur et le refus d’emploi. Les deux premières hypothèses laissent un pouvoir d’appréciation au juge sur les motifs qu’aurait le chômeur : un motif légitime en cas d’abandon d’emploi convenable ou une justification suffisante en cas de défaut de présentation auprès d’un employeur. Ces éléments font défaut dans l’hypothèse du refus d’emploi convenable.


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