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La Cour de cassation se prononce sur la théorie de la prescription du lien d’instance

Commentaire de Cass., 18 mars 2012, n° S.12.0084.F

Mis en ligne le lundi 24 juin 2013


Cour de cassation, 3e chambre, 18 mars 2013 n° S.12.0084.F

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 18 mars 2013, la Cour de cassation casse un arrêt de la Cour du travail de Liège qui avait admis que l’absence d’acte de procédure pendant un délai de 10 ans était susceptible d’entraîner la prescription de la demande. Pour la Cour de cassation, il faut se référer aux modes d’interruption visés à l’article 2244 du Code civil.

Les faits

Le litige oppose l’O.N.S.S. à M. D. Ce dernier a été cité le 1er août 1989 en vue de le voir condamner à payer des cotisations de sécurité sociale. Le dossier sera renvoyé au rôle puis omis du rôle. Le sieur D. a rapidement contesté sa dette en concluant en octobre 1989, conclusions qui n’ont néanmoins pas été déposées au greffe. L’O.N.S.S. répondra à ces conclusions par des conclusions transmises en juin 2005 et non déposées. La cause fera l’objet d’une réinscription lorsque, en juillet 2010, le conseil de l’O.N.S.S. demande la fixation.

Le tribunal du travail a fait droit à cette demande.

M. D. a interjeté appel de ce jugement, invoquant notamment la prescription du lien d’instance.

L’arrêt de la cour du travail

Par son arrêt du 28 février 2012 (J.L.M.B. 2012, p. 621), la Cour du travail de Liège (s. Namur) examine la construction doctrinale de la prescription du lien d’instance, à distinguer de la prescription de l’action et de la prescription de la condamnation. La cour du travail souligne que la doctrine a voulu ainsi combler un vide juridique pour pallier l’incurie du demandeur qui agit puis laisse pendante cette action sans la diligenter. Elle souligne également que, le délai de prescription de 30 ans étant passé à 10 ans, la jurisprudence des juges du fond à ce sujet, forcément clairsemée, pourrait s’étendre.

La cour du travail décide d’adhérer à cette théorie qui permet « d’éviter qu’un plaideur ne rende son droit imprescriptible en se contentant d’introduire une action en justice ». Elle examine alors quels actes de procédure peuvent interrompre la prescription du lien d’instance, citant notamment « la mise au rôle, les pièces du dossier visées à l’article 721 dont les notifications, conclusions, procès-verbaux d’audience, mais aussi jugement avant dire droit, la requête d’appel, bref toutes les pièces figurant au dossier de procédure ». En l’espèce, les conclusions n’ayant pas été déposées ne peuvent valoir acte interruptif du cours de la prescription du lien d’instance.

Elle réforme dès lors le jugement dont appel, considérant qu’il est sans intérêt d’examiner le moyen tiré du non-respect du délai raisonnable.

L’O.N.S.S. s’est pourvu en cassation contre cet arrêt.

L’arrêt de la Cour de cassation

Le moyen, pris de la violation de l’article 2244, alinéa 1er, du Code civil, est accueilli par la Cour de cassation, qui souligne qu’une citation en justice, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu’on veut empêcher de prescrire, forment l’interruption civile. Lorsqu’une citation en justice interrompt la prescription en vertu de cette disposition, l’interruption, sauf disposition légale dérogatoire qui n’existe pas en l’espèce, se prolonge, comme le précise actuellement le deuxième alinéa dudit article 2244, jusqu’à la prononciation de la décision mettant fin au litige. L’arrêt attaqué viole dès lors cet article 2244 du Code civil en considérant que l’absence d’acte de procédure accompli par le demandeur dans le délai de prescription de l’action que la citation en justice a eu pour effet d’interrompre entraînait la prescription du lien d’instance.

Intérêt de la décision

La décision a été publiée dans la J.L.M.B. (2013/17, p. 922) avec une note qui souligne son importance compte tenu de ce que plusieurs décisions avaient admis que l’absence d’acte de procédure pendant un délai de 10 ans entraînait la prescription du lien d’instance et que cette jurisprudence avait fait l’objet de plusieurs commentaires doctrinaux. Pour une analyse plus complète de la question, la J.L.M.B. renvoie à un article de S. Piedboeuf et J. Feltz : « La prescription du lien d’instance : Quand l’inaction éteint l’action ». Cette analyse, à paraître in Liber amicorum Noël Simar, Anthémis 2013. Cela permet donc d’annoncer la parution de cette ouvrage qui, intitulé « Evaluation du dommage, Responsabilité civile et Assurance », contiendra des questions susceptibles d’intéresser les praticiens de droit social, notamment en accident du travail.


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