Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 12 février 2008, R.G. 8.384/2007
Mis en ligne le mardi 11 juin 2013
Cour du travail de Liège, sect. Namur, 12 février 2008, R.G. 8.384/2007
TERRA LABORIS ASBL
Dans un arrêt du 12 février 2008, la Cour du travail de Liège, saisie en degré d’appel d’une demande de suppression d’une astreinte accompagnant une condamnation de délivrance de documents sociaux, considère que la suppression de l’immatriculation à l’ONSS et la résiliation de l’affiliation auprès du secrétariat social n’entraînent pas une impossibilité de réaliser l’obligation principale. Elle statue également sur le mode introductif de ce type de demande.
Les faits
Mme V. a été occupée par un sieur T., à temps partiel (4h/semaine), en vue de s’occuper de la comptabilité de l’activité accessoire exercée par l’employeur.
MONSIEUR T. subit une grave dépression, suite à laquelle il met fin, en mai 2005, à son activité accessoire et radie son affiliation à l’ONSS ainsi qu’à son secrétariat social.
Il ne licencie cependant pas Mme V., laquelle est empêchée de prester. La rémunération d’avril et des mois suivants n’est pas payée. Elle finit par démissionner en juillet 2005, moyennant un préavis à prester, prenant cours le 1er août.
Vu l’absence de réaction de MONSIEUR T. à la lettre de démission, de même qu’aux interpellations de l’organisation syndicale, il est cité en février 2006 devant le Tribunal du travail, en paiement de salaires et autres avantages. La citation réclame également sa condamnation à la délivrance de documents sociaux (fiches de paie pour la période d’avril à septembre 2005 et attestations de vacances), et ce sous une peine d’astreinte. L’intéressé fait défaut devant le Tribunal, qui fait droit à la demande, en ce compris la condamnation sous astreinte à la délivrance des documents sociaux.
Le jugement est signifié en juin 2006 et n’est pas attaqué pendant la période appelable. Ultérieurement, en février 2007, l’intéressé forme une « opposition » au jugement, faisant valoir une impossibilité absolue d’exécuter les astreintes, sa contestation portant uniquement sur celles-ci. Il en demande la suppression.
La décision du tribunal
Le Tribunal déclare l’opposition irrecevable, et ce eu égard au caractère définitif du jugement rendu mais également eu égard au fait que le Juge a vidé sa saisine quant à la question des astreintes.
La position des parties
Monsieur T. conteste, en appel, le jugement, faisant valoir que le Juge était compétent pour statuer sur la demande de suppression des astreintes. Il soutient être dans l’impossibilité absolue d’exécuter l’obligation à laquelle il a été condamné. Il fait valoir à cet égard la suppression de son immatriculation à l’ONSS, de même que celle de son affiliation au secrétariat social. Il invoque également son état de santé.
La décision de la Cour
La Cour commence par un rappel des dispositions légales et des principes applicables à l’astreinte (article 1385quinquies et suivants du Code judiciaire), dont l’on peut retenir :
Appliquant ces principes au cas d’espèce, la Cour retient la recevabilité de la demande originaire, puisque portée devant le Juge qui avait prononcé l’astreinte, dans une forme (citation), qui peut être admise (la Cour du travail requalifiant l’acte).
Examinant les arguments d’impossibilité, la Cour estime que la suppression de l’immatriculation à l’ONSS et la résiliation de l’affiliation auprès du secrétariat social ne constituent pas une circonstance d’impossibilité en matière de délivrance des documents sociaux : l’obligation à exécuter est simplement plus onéreuse.
Quant au second argument, tiré de l’état psychique de Monsieur T., la Cour constate qu’aucun élément n’est produit attestant de cet état au moment de la rupture, du jugement et de sa signification. Elle ordonne donc une réouverture des débats pour le dépôt de cet élément de preuve et, par ailleurs, invite Mme V. à s’expliquer sur l’intérêt qu’elle peut avoir à la réalisation de l’obligation principale.
Intérêt de la décision
Outre le rappel des principes applicables à la question de la modification d’une astreinte prononcée (spécialement en matière de documents sociaux), l’arrêt confirme que la suppression de l’immatriculation à l’ONSS et la résiliation de l’affiliation auprès du secrétariat social ne sont pas constitutifs d’une impossibilité de délivrance des documents sociaux.