Terralaboris asbl

Allocations aux personnes handicapées et condition d’inscription au registre de la population

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 7 janvier 2013, R.G. 2011/AB/1.126

Mis en ligne le lundi 27 mai 2013


Cour du travail de Bruxelles, 7 janvier 2013, R.G. n° 2011/AB/1.126

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 7 janvier 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle l’exigence de l’inscription au registre de la population, dans le cadre de la loi du 27 février 1987 relative aux allocations aux personnes handicapées.

Les faits

Un demandeur d’asile d’origine iranienne est en Belgique depuis 2003. Il est autorisé au séjour illimité en octobre 2007 et est inscrit au registre des étrangers.

Il obtient la nationalité belge en février 2012.

Quelques mois avant son inscription au registre des étrangers, il sollicite le bénéfice d’allocations aux personnes handicapées.

Il est fait droit à sa demande, dans le cadre d’une allocation de remplacement de revenus, accordée à partir du premier du mois suivant la demande. L’allocation d’intégration est refusée.

Une nouvelle demande est introduite ultérieurement et une attestation générale lui est délivrée. Elle admet une réduction de la capacité de gain à un tiers au moins et une réduction d’autonomie de 3 points. Le point de départ est fixé au 1er juillet 2009.

Un recours est introduit contre cette décision.

Le jugement du tribunal

Le Tribunal du travail de Nivelles fait procéder à une expertise et celle-ci aboutit à la conclusion – entérinée – qu’il y a lieu d’accorder l’allocation d’intégration (catégorie 1) si la condition de revenus est remplie.

L’Etat belge interjette appel, se fondant essentiellement sur l’absence d’inscription au registre de la population.

La décision de la cour

La cour examine la condition de nationalité, la loi du 27 février 1987 relative aux allocations aux personnes handicapées réservant l’octroi de celles-ci aux personnes résidant réellement en Belgique et appartenant à l’une des catégories qu’elle énonce (Belges, ressortissants U.E., certains étrangers, les apatrides réfugiés, ainsi que ceux qui ont bénéficié d’allocations familiales majorées en raison de leur handicap). Ce champ d’application peut être étendu, ce qui a été fait par l’arrêté royal du 17 juillet 2006. Il s’agit des ressortissants de l’E.E.E., des conjoints, cohabitants légaux ou autres membres de la famille de personnes faisant partie de certaines catégories de bénéficiaires et des personnes inscrites comme étrangers au registre de la population.

La cour revient ensuite sur les interventions de la Cour constitutionnelle, saisie à diverses reprises sur la conformité de la loi à la Constitution, combinée avec diverses conventions internationales, et ce eu égard à la situation des étrangers inscrits au registre des étrangers et bénéficiant d’une autorisation de séjour à durée illimitée.

La cour reprend notamment l’arrêt du 4 octobre 2012 (C. const., 4 octobre 2012, arrêt n° 114/2012), qui a conclu à l’absence de violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec son article 191, ainsi qu’avec l’article 14 C.E.D.H. et l’article 1er du premier Protocole additionnel, ainsi encore que de l’article 23 de la Constitution, ceci valant également eu égard aux termes de l’article 28 de la Convention du 13 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapées.

En l’occurrence, la nationalité belge a été acquise en février 2012 et l’intéressé ne faisait partie d’aucune des catégories susvisées, auparavant.

Le débat tourne cependant essentiellement autour de la notion de registre de la population, l’intéressé considérant que le registre des étrangers fait partie intégrante de celui-ci et que, de ce fait, il remplit la condition exigée.

La cour ne suit pas cette manière de voir, rappelant l’arrêté royal du 16 juillet 1992 relatif aux registres de la population et au registre des étrangers. Le registre de la population est le fichier alphabétique mentionnant les informations concernant les personnes visées par la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d’identité (et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant le registre national des personnes physiques). Par contre, le registre des étrangers concerne les personnes visées à l’article 12 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers.

Il y a dès lors une distinction entre les deux registres et seul l’étranger admis à s’établir dans le pays est inscrit au registre de la population. Le registre des étrangers ne peut être considéré comme faisant partie du registre de la population au sens de la réglementation précitée.

La condition n’est dès lors pas remplie.

L’intéressé plaide cependant que l’Etat belge avait, dans une première décision, reconnu le droit aux allocations et que, en le contestant ultérieurement, il méconnait l’autorité de la chose décidée.

La cour relève cependant, vu les éléments au dossier, que l’octroi de l’allocation avait été décidé sur la considération que l’intéressé était inscrit au registre de la population, ce qui s’est avéré inexact. Pour la cour, l’administration peut revenir sur une décision entachée d’erreur, la revision intervenant cependant dans ce cas pour l’avenir uniquement et, vu le caractère d’ordre public de la réglementation, elle est tenue de rectifier celle-ci.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle que la condition de nationalité et/ou l’inscription dans le registre de la population sont des points sensibles dans cette matière, où la Cour constitutionnelle a été amenée à intervenir à plusieurs reprises récemment.

L’on peut encore citer un arrêt du 9 août 2012 (C. const., 9 août 2012, n° 108/2012), où la Cour a conclu à l’absence de violation des articles 10, 11, 191 et 116 de la Constitution, lus isolément ou combinés avec l’article 14 de la C.E.D.H., l’article 1er du premier Protocole additionnel et l’article 28 de la Convention du 13 décembre 2010 relative aux droits des personnes handicapées, dans le cas des étrangers inscrits au registre des étrangers par suite d’une autorisation de séjour temporaire.


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