Terralaboris asbl

Obligations de l’employeur public en cas de licenciement

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 8 janvier 2013, R.G. 2011/AB/712

Mis en ligne le lundi 27 mai 2013


Cour du travail de Bruxelles, 8 janvier 2013, R.G. n° 2011/AB/712

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 8 janvier 2013, la Cour du travail de Bruxelles accorde des dommages et intérêts à un agent contractuel d’un Service public fédéral, licencié sans audition préalable et sans motivation conforme à la loi du 29 juillet 1991.

Les faits

Engagé en tant que contractuel par l’Etat belge, un expert en communication est licencié verbalement au cours d’un entretien avec son chef de service. La rupture du contrat de travail est notifiée le même jour. Celle-ci n’indique aucun motif de licenciement. Une indemnité est payée, de 12 mois de rémunération.

A la demande de l’intéressé, qui agit via son organisation syndicale, l’Etat belge communique, environ 6 semaines plus tard, le motif du licenciement, étant qu’il ne correspondrait plus à la ligne de communication du département.

Une procédure est introduite par l’intéressé, qui demande au Tribunal du travail de Bruxelles la condamnation de l’Etat belge à 25.000 € de dommages et intérêts.

Il est débouté de sa demande par jugement du 26 avril 2011.

Appel est interjeté, l’intéressé estimant ne pas avoir été dûment entendu avant d’être licencié et faisant également valoir l’absence de motivation de la notification de la rupture, conformément à la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs.

La décision de la cour

La cour rappelle longuement les principes applicables pour l’une et l’autre de ces deux obligations.

L’obligation d’entendre l’agent contractuel découle d’un principe de droit administratif : c’est le principe audi alteram partem. En vertu de celui-ci, lorsque l’autorité administrative envisage de prendre une mesure grave à l’encontre d’un agent fondée sur des motifs liés à sa personne ou à son comportement, elle doit l’entendre préalablement La jurisprudence rappelée par la cour est importante et inclut des arrêts du Conseil d’Etat (dont C.E., 4 juillet 2011, arrêt n° 214.399).

L’audition préalable doit en outre répondre à certaines conditions, afin de pouvoir être effective, et ce principe a également été explicité par le Conseil d’Etat, étant que l’agent doit avoir la possibilité de s’expliquer sur les faits reprochés et de faire valoir son point de vue.

La cour du travail rappelle que l’employeur public est une autorité administrative et que, même si la loi du 3 juillet 1978 ne contient aucune disposition en matière d’audition préalable, le principe général de droit administratif lui est applicable. Les garanties de la loi sur les contrats de travail et du droit administratif doivent se cumuler. L’arrêt rappelle l’arrêt du Conseil d’Etat du 13 octobre 2009 (C.E., 13 octobre 2009, arrêt n° 196.880), selon lequel le principe général de droit administratif ne trouverait pas à s’appliquer s’il était incompatible avec la loi sur les contrats de travail. Ceci n’est cependant pas le cas.

Par ailleurs, en ce qui concerne l’obligation d’audition formelle, la cour rappelle également les principes repris dans la loi du 29 juillet 1991 et constate en l’espèce qu’il y a violation du texte. L’Etat belge soutenant qu’il y a licenciement verbal et que, de ce fait, l’obligation de motivation formelle ne s’applique pas, la cour conclut que le licenciement verbal revient à inverser indûment la perspective.

Elle rappelle ensuite les exigences en matière de motivation, étant qu’est exigée l’indication dans l’acte lui-même des considérations de droit et de fait servant de fondement à la décision. En outre, la motivation doit être adéquate.

En ce qui concerne la sanction, le travailleur doit démontrer l’existence d’une faute, ainsi que d’un préjudice distinct de celui qui découle normalement du licenciement. Ce préjudice doit s’apprécier eu égard à l’objectif des obligations imposées à l’employeur public. Il s’agit d’une part de permettre au travailleur de prendre sa décision en connaissance de cause et d’autre part de faciliter à l’intéressé l’exercice des recours administratifs et juridictionnels.

La cour constate que la faute est réelle dans le chef de l’Etat belge, et ce tant sur le plan de l’audition que sur celui de la motivation.

Pour ce qui est des dommages et intérêts, l’intéressé fait valoir la perte d’une chance de conserver son emploi, ainsi qu’un sentiment d’injustice. Constatant que l’Etat belge reste en défaut d’établir les éléments pertinents susceptibles de justifier le licenciement, la cour retient que l’intéressé a, du fait de ne pas avoir été entendu, perdu une chance de conserver son emploi, ce qui entraîne un dommage matériel. Par ailleurs, il a pu ressentir un sentiment d’humiliation et d’injustice, de telle sorte que, renvoyant à plusieurs décisions (dont C. trav. Bruxelles, 30 mai 2006, Chron. Dr. Soc., 2007, p. 522), la cour retient qu’existe un dommage moral.

Celui-ci est dès lors admis et fixé à 5.000 €, soit 2.500 € de dommage matériel et 2.500 € de dommage moral.

Intérêt de la décision

Cet arrêt vient rappeler la jurisprudence actuellement bien établie, qui impose à l’employeur public, en cas de licenciement, des obligations issues du droit administratif. La cour examine minutieusement les conditions de chacune d’entre elles et retient, comme il se doit, que le travailleur licencié doit non seulement établir la faute de l’administration, mais également un préjudice distinct de celui découlant normalement de la rupture du contrat.


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