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Chômage et activation : quid de l’inaptitude de 33% ?

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 4 décembre 2012, R.G. 2012/AN/67

Mis en ligne le mercredi 22 mai 2013


Cour du travail de Liège, section de Namur, 4 décembre 2012, R.G. n° 2012/AN/67

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 4 décembre 2012, la Cour du travail de Liège, section Namur rappelle les exceptions à la procédure d’activation, lorsque le chômeur présentait une inaptitude permanente ou temporaire (de deux ans au moins) de 33%, exception supprimée par un arrêté royal du 23 juillet 2012, entré en vigueur le 1er novembre 2012.

Les faits

Suite à un accident de roulage, une dame D. conserve pendant plusieurs années des douleurs importantes et est en incapacité de travail. Elle est admise, quatre ans plus tard, soit en 2007, au bénéfice des allocations de chômage, une inaptitude temporaire de 33% lui étant cependant reconnue pendant une période de deux ans.

Dans le cadre de la période de contrôle de recherche active d’emploi, elle demande que son inaptitude soit considérée comme permanente.

L’ONEm refuse, par décision du 9 juillet 2009, lui notifiant la décision médicale intervenue : en vertu de celle-ci, elle ne peut bénéficier ni de 33% d’inaptitude définitive, ni du même taux en inaptitude temporaire pour une durée minimale de deux ans.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Namur.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 15 mars 2012, le tribunal du travail va débouter l’intéressée, entérinant le rapport de l’expert judiciaire à qui il avait confié la mission de donner un avis sur son inaptitude. Celui-ci a constaté qu’elle était inférieure à 33% sur le plan physique et, après avoir sollicité un avis psychiatrique, avait conclu que la perte de capacité de gain sur ce plan était peu importante. Sa conclusion était d’évaluer la perte de capacité à une fourchette entre 25 et 30%.

Appel est interjeté devant la cour du travail.

Moyens des parties devant la cour

L’intéressée conteste l’évaluation de l’expert, au motif qu’il a procédé à l’évaluation d’une incapacité de travail (ayant retenu le taux d’incapacité physique, qu’il a majoré d’un autre, pour l’incapacité psychique) et qu’il n’a pas, ce faisant, apprécié l’inaptitude permanente ou temporaire au sens de la réglementation.

Décision de la cour du travail

La cour reprend les termes de l’article 59bis de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, relatif à la recherche active d’emploi, qui prévoit (5°) que la procédure ne s’applique pas au chômeur ayant une inaptitude permanente au travail d’au moins 33% constatée par le médecin affecté au bureau du chômage. La procédure est détaillée à l’article 141. La cour relève que depuis le 1er novembre 2012 cette exception à la mise en œuvre de la procédure d’activation a été supprimée. Il y a cependant lieu de tenir compte de celle-ci dans le cadre du texte en vigueur à l’époque.

La cour constate d’emblée qu’il n’y a pas de définition de l’inaptitude permanente ou temporaire, non plus que de méthode d’évaluation. Elle va dès lors parcourir la doctrine qui s’est penchée sur la question. Il est, en effet, parfois considéré qu’il faut y inclure les facteurs socio-économiques comme en accident du travail mais la cour relève que les objectifs sont cependant différents, s’agissant en risque professionnel de réparer le dommage causé.

Se posent d’autres questions également : faut-il se référer aux exigences habituelles de la profession et si oui, laquelle ou s’en tenir à la seule incapacité physique ou encore la notion est-elle distincte de celle d’invalidité ?

La cour renvoie ensuite à la doctrine de P. PALSTERMAN (P. PALSTERMAN, « Le chômage de longue durée (art. 80 de réglementation du chômage). Examen de jurisprudence 1991-1999, Chron. D.S., 2000, p.309, spéc. p.361, n° 142 et « L’incapacité de travail des travailleurs salariés dans le droit belge de la sécurité sociale. Approche transversale », in Invalidité, incapacité et handicap professionnel (M. MATAGNE, dir.), Anthémis, 2007, p.256, spéc. p.276), selon qui la notion n’est pas différente de la réduction de capacité de gain en assurance maladie après les six premiers mois d’incapacité ou encore celle retenue dans le secteur des allocations pour handicapés dans l’examen de l’allocation de remplacement de revenus, ou encore d’incapacité de travail dans le secteur du risque professionnel.

Pour la cour du travail, la notion d’incapacité de travail au sens de la réglementation du chômage renvoie dès lors à l’incapacité économique. Le recours à des barèmes (ainsi le BOBI) est donc exclu puisqu’il faut examiner les répercussions de l’incapacité sur les possibilités de la victime d’être occupée sur le marché du travail. Quant au taux de 33%, la cour relève qu’il surprend, n’ayant aucune justification particulière et la cour penche pour la conception d’un seuil pivot, comme les 66% en AMI.

Est considérée comme permanente une inaptitude qui peut apparaître définitive, même si une actualisation peut intervenir ultérieurement vu son évolution. Quant à l’incapacité temporaire de deux ans au moins, elle a ce caractère dès lors qu’il peut être établi qu’elle est susceptible de se prolonger pendant cette durée, aucune certitude absolue n’étant cependant requise. Dans le système de l’article 59bis, § 1er, alinéa 2, 5°, l’inaptitude permanente doit être constatée par le médecin affecté au bureau de chômage et l’examen doit porter sur la situation constatée par lui à ce moment. La reconnaissance de l’inaptitude permanente met dès lors fin à la procédure d’activation. Quant à l’inaptitude temporaire, elle entraîne le report de la prise de cours de la procédure à l’issue de la période des deux ans.

La cour examine, ensuite, la situation de l’intéressée, étant que le critère est celui des difficultés qu’elle peut présenter sur le plan de l’accès à l’emploi, et ce vu les affections existantes, prises dans leur globalité. Les critères retenus sont non seulement l’objectivation des plaintes (station debout, port de charges) mais surtout l’appréciation de ces difficultés eu égard à la qualification professionnelle et aux capacités de l’intéressée. Celle-ci n’est pas inapte au travail mais présente des difficultés certaines et ce eu égard à la situation d’un travailleur valide. La cour conclut dès lors à la reconnaissance d’une inaptitude de 33% dans le cadre de l’inaptitude temporaire. Même si elle d’assez longue durée, elle peut encore subir une évolution.

La procédure d’activation devait dès lors être suspendue.

Intérêt de la décision

Cet arrêt extrêmement motivé de la Cour du travail de Liège (section Namur), rappelle les débats nourris, tant en jurisprudence qu’en doctrine, en ce qui concerne la notion peu précise d’inaptitude dans le cadre de la réglementation du chômage, et ce eu égard à la prise en compte de celle-ci dans le déroulement de la procédure de contrôle de la recherche active d’emploi.

La cour rappelle également que la situation jugée doit être appréciée en fonction du texte en vigueur avant l’arrêté royal du 23 juillet 2012 (M.B., 30 juillet 2012), entré en vigueur le 1er novembre 2012. Celui-ci a supprimé l’article 59bis, § 1er, alinéa 2, 5° (inaptitude permanente) ainsi que § 2 (inaptitude temporaire). Ces exceptions à la mise en œuvre de la procédure d’activation n’existent dès lors plus depuis cette date.


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