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Maladie professionnelle et pension de retraite (ou de survie) d’ouvrier mineur : règles de cumul

Commentaire de C. trav. Mons, 17 décembre 2012, R.G. 2011/AM/433

Mis en ligne le mardi 16 avril 2013


Cour du travail de Mons, 17 décembre 2012, R.G. n° 2011/AM/433

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 17 décembre 2012, la Cour du travail de Mons rappelle les conditions requises pour bénéficier du régime préférentiel des ouvriers mineurs dans le cadre de la réparation d’une maladie professionnelle.

Les faits

Un mineur de fond a cessé le travail dans la mine en mars 1969 (après 20 ans). La fin du travail intervient à la suite d’une maladie, dont il est relevé qu’elle entraîne « une incapacité de travailler normalement au fond et à la surface de ces entreprises ».

Il lui est accordé une pension d’invalidité d’ouvrier mineur. Ayant introduit une demande d’indemnisation pour silicose auprès du Fonds des Maladies Professionnelles, il est reconnu atteint d’une incapacité permanente de 5%. Progressivement, ce taux est augmenté et il sera porté à 53% en 1984. Suite à son décès, en 2002, sa veuve introduit une demande en vue de bénéficier du régime préférentiel des ouvriers mineurs. A cette demande, introduite en 2003, le Fonds objecte, par décision du 28 janvier 2004, que l’intéressé n’a pas dû cesser toute activité professionnelle en raison d’une maladie professionnelle.

Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Charleroi.

La décision du tribunal

Par jugement du 8 octobre 2009, le tribunal du travail rejette la demande, considérant qu’il résulte du dossier du Fonds, et plus particulièrement d’un rapport médical de son médecin-conseil, que l’intéressé présentait, depuis 1969, de la dyspnée, de l’asthénie, ainsi que de la fatigue et d’autres pathologies, et que la Caisse de Prévoyance de Charleroi avait retenu qu’à cette date (cessation du travail), l’intéressé était atteint d’une maladie invalidante, entraînant à elle seule l’incapacité de travail.

Position des parties devant la cour

L’intéressée considère que le premier juge a fait une interprétation erronée de l’article 2, alinéa 2 de l’arrêté royal du 13 janvier 1983 (pris en application de l’article 66 des lois coordonnées le 3 juin 1970 relatives à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles), étant que le texte ne précise pas que la cessation de l’activité professionnelle doit être provoquée exclusivement par la maladie professionnelle. La seule présence de la maladie constitue un élément supplémentaire, en l’occurrence justifiant la cessation du travail, et ce parmi d’autres affections invalidantes.

Quant au Fonds, il considère qu’il s’agit d’une règle anti-cumul visant l’hypothèse où le bénéficiaire perçoit une pension de retraite ou de survie. Pour pouvoir bénéficier du taux préférentiel, visé à l’article 2, alinéa 2, il est requis que la cessation de l’activité professionnelle soit intervenue en raison de la maladie professionnelle ou que l’intéressé ait dû cesser le travail au fond de la mine afin d’être mis au travail en surface.

Le Fonds considère que la condition relative à la situation de cessation de l’activité en raison d’une maladie professionnelle le fait que celle-ci ait été reconnue comme telle avant le début de la prise de cours de la pension d’invalidité d’ouvrier mineur. En conséquence, pour le Fonds, la veuve a une triple obligation de preuve, étant que (i) son époux était atteint d’une maladie professionnelle, (ii) que cette maladie existait au jour de la cessation de l’activité et (iii) que c’est en raison de celle-ci qu’il a été contraint de cesser le travail. Ces conditions ne sont pas retenues, l’arrêt de travail ayant été justifié, ainsi que vu ci-dessus, par d’autres pathologies.

Décision de la cour

La cour rappelle que l’arrêté royal du 13 janvier 1983 autorise le cumul entre la pension de retraite et de survie de l’ouvrier mineur et les indemnités prévues en réparation d’une maladie professionnelle, à une triple condition, étant (i) que le mineur ait été reconnu bénéficiaire d’une indemnité au sens des lois coordonnées le 3 juin 1970, (ii) qu’il bénéficie d’une pension de retraite ou que sa veuve bénéficie d’une pension de survie d’ouvrier mineur et (iii) qu’il ait dû cesser toute activité professionnelle en raison d’une maladie professionnelle reconnue par le Fonds.

L’intéressée doit dès lors établir que feu son mari avait cessé son activité professionnelle suite à la maladie professionnelle en cause. La cour constate que cette preuve n’est pas rapportée.

En l’espèce, il semble que les autres pathologies (d’ordre respiratoire et gastro-intestinal) aient justifié une incapacité importante (70%) et aient entraîné la cessation de l’activité professionnelle au fond et à la surface à partir de mars 1969, le défunt ayant été admis au bénéfice d’une pension d’invalidité le 1er septembre 1969, soit après la fin d’une période d’incapacité primaire reconnue.

Cependant, la cour relève qu’une demande avait été introduite auprès du Fonds pour silicose en janvier 1969, soit antérieurement à la cessation de toute activité professionnelle et à la prise en charge par l’organisme assureur, ainsi qu’à l’admission à la pension d’invalidité pour ouvrier mineur. Cette pension d’invalidité est, ainsi que le rappelle la cour, ouverte non seulement en cas de maladie professionnelle, mais également en cas de maladie entraînant une incapacité de travailler normalement au fond et à la surface.

La demande introduite par l’intéressé auprès du Fonds ayant abouti à la reconnaissance d’un taux d’incapacité de 5%, la cour considère en conséquence qu’elle doit être éclairée sur la question de savoir si la silicose a pu contraindre l’intéressé à cesser son activité professionnelle, à la date visée, et ce indépendamment des autres affections dont il était atteint.

Une expertise est dès lors ordonnée à cette fin.

Intérêt de la décision

La Cour du travail de Mons rappelle, dans cet arrêt, que l’accès à la pension d’invalidité pour ouvrier mineur existe non seulement dans l’hypothèse d’une affection professionnelle, en l’occurrence la silicose, mais que cette pension est accordée au mineur qui a cessé le travail dans les entreprises minières pour cause de maladie, celle-ci devant entraîner une incapacité de travailler normalement au fond ou à la surface. En ce qui concerne les mineurs au fond, la condition est d’avoir cessé le travail dans la mine pour cause de maladie entraînant une incapacité de travailler normalement au fond.

Relevons que, depuis le 1er janvier 2007, l’article 66 des lois coordonnées a fait l’objet d’une modification législative suite à la loi du 20 juillet 2006.


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