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Accident du travail : la perte d’une prothèse acoustique survenue lors d’un geste professionnel peut être constitutive d’un accident du travail

Commentaire de C. trav. Mons, 18 décembre 2012, R.G. 2012/AM/74

Mis en ligne le jeudi 14 mars 2013


Cour du travail de Mons, 18 décembre 2012, R.G. n° 2012/AM/74

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 18 décembre 2012, la Cour du travail de Mons rappelle les conditions d’existence d’un événement soudain sur le plan de la preuve et admet que la perte d’une prothèse auditive, portée au moment de l’accident, puisse constituer un tel événement, donnant lieu à indemnisation.

Les faits

Un ouvrier, au service d’une société de transport, vérifie l’état d’avancement du pompage d’une cuve enterrée. Il s’agenouille, se penche en avant et positionne sa tête afin d’examiner celui-ci, par l’ouverture d’un trou d’homme (trou de 90cm2). Lors de ce mouvement, sa prothèse auditive gauche tombe dans la cuve. Elle ne sera pas retrouvée.

Il n’est par ailleurs pas contesté que le port de cette prothèse est nécessaire, qu’elle a été achetée avant l’accident et que l’intéressé effectuait au moment de la perte de celle-ci son activité professionnelle.

L’assureur-loi conteste l’événement soudain tant sur la notion que sur la preuve.

Le Tribunal du travail de Charleroi rend un jugement le 18 janvier 2012, faisant droit à la demande de l’intéressé.

Appel est interjeté par l’entreprise d’assurances.

Décision de la cour du travail

La cour rappelle en premier lieu que la charge de la preuve incombe au demandeur, et ce conformément aux règles habituelles (articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire). Dans le cadre des règles en matière de preuve de l’accident du travail, la victime doit dès lors établir la survenance de l’événement soudain ainsi que l’existence d’une lésion consécutive à celui-ci.

La cour du travail souligne que cette preuve doit être une preuve certaine et que l’on ne peut se contenter de simples précomptions. Elle renvoie à un ancien arrêt de la Cour de cassation (Cass., 17 septembre 1984, J.T.T., 1985, p. 200), dont l’enseignement est toujours d’actualité. Dans d’autres arrêts ultérieurs, la Cour suprême a en effet rappelé que l’événement soudain doit être établi et qu’il ne doit pas être simplement possible.

L’arrêt rappelle encore la spécificité des accidents du travail survenus sans témoin et pour lesquels se pose la question de la force probante des déclarations de la victime. Selon les principes en la matière, l’existence de l’événement soudain peut apparaître des déclarations de la victime à la condition que celles-ci soient corroborées par d’autres éléments du dossier, l’ensemble formant un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes.

La pertinence de ces présomptions et donc la force probante des éléments qui sont soumis relèvent de l’appréciation souveraine du juge du fond.

La cour rappelle la doctrine à cet égard (F. KURZ, « L’accident sur le chemin du travail » in Actualités de la sécurité sociale, sous la coordination de M. DUMONT, Larcier, 2004, p. 756) selon laquelle lorsqu’il y a accident survenu sans témoin, l’exigence de preuve doit être adoucie, à peine d’exclure de la protection légale l’accident pour lequel le travailleur ne peut produire d’attestations de tiers (collègues ou autres). La doctrine citée rappelle également que la déclaration de la victime revêt une valeur probante certaine s’il existe des présomptions venant la corroborer.

Il appartient au juge du fond d’examiner l’ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises et de déterminer si l’événement soudain est établi, en appréciant l’importance respective des éléments favorables et défavorables à la reconnaissance de l’accident.

Revenant encore sur l’absence de définition légale de l’événement soudain, la cour rappelle que le critère d’anormalité n’est pas exigé et que l’exercice habituel et normal de la tâche journalière peut en lui-même constituer cet événement à la condition que puisse être épinglé, dans celui-ci, un élément qui a pu causer la lésion. Cet événement soudain ne doit dès lors pas se distinguer de cette exécution. La cour reprend divers arrêts récents de la Cour de cassation à cet égard ainsi que des arrêts de fond.

Par ailleurs, elle souligne que, si l’accident est établi, il y a lieu à indemnisation même s’il n’y a pas d’incapacité temporaire de travail. Ainsi, des frais de prothèse doivent être pris en charge.

Elle revient, enfin, sur un point soulevé par l’entreprise d’assurances, à propos d’éléments discordants figurant dans les déclarations successives au dossier, pour rappeler qu’une victime d’accident de travail n’a pas une formation de juriste ou d’un autre professionnel rompu « à l’exercice de la narration unique » et que dès lors des déclarations peuvent se compléter. Elles ne sont dès lors pas nécessairement contradictoires.

Ayant admis l’accident, ainsi que le principe de l’indemnisation, la cour confirme le jugement, après avoir relevé que la nécessité du port de la prothèse était acquise au débat.

Intérêt de la décision

Cet arrêt vient rappeler que l’accident du travail peut donner lieu à indemnisation même en l’absence d’une période d’incapacité temporaire, ainsi en cas de bris de prothèse.

L’on relèvera encore que, pour remplir les conditions d’indemnisation, la prothèse doit être portée au moment de l’accident.


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