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Chômage : quand un indu peut-il être réclamé avec effet rétroactif en cas d’erreur du bureau de paiement ou de l’ONEm ?

Commentaire de C. trav. Mons, 14 juin 2012, R.G. 2011/AM/119 et 2011/AM/126

Mis en ligne le mercredi 6 mars 2013


Cour du travail de Mons, 14 juin 2012, R.G. n° 2011/AM/119 et 2011/AM/126

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 14 juin 2012, la Cour du travail de Mons rappelle les dispositions en matière de chômage appliquant les articles 17 et 19 de la Charte et examine le sort à réserver à l’indu en cas d’erreur de l’assuré social et des institutions de sécurité sociale.

Les faits

Madame V., bénéficiaire d’allocations de chômage depuis le 1er octobre 2003, cohabite avec ses deux enfants et bénéficie d’allocations au taux chef de ménage.

Elle entame une cohabitation en janvier 2004 avec un compagnon. La situation de celui-ci est peu claire, dans un premier temps, étant qu’il est repris comme invalide « mutuelle en cours Vierge Noire » sur le premier C1 rectificatif, ce qui entraîne la réduction des allocations au taux cohabitant. Suite à diverses demandes de renseignements, il s’avère qu’il bénéficie d’indemnités d’incapacité de travail, versées par son organisme assureur.

Le dossier contenant également une attestation générale du SPF Sécurité sociale faisant état d’une réduction de capacité de gain à un tiers ou moins, la CAPAC sollicite ensuite le taux chef de ménage. Elle va effectuer des paiements de régularisation et même effectuer deux fois le même paiement.

Un remboursement est demandé. L’intéressée introduit un recours devant le tribunal du travail.

La situation se clarifie ultérieurement, étant que le compagnon bénéficie d’indemnités de mutuelle mais, s’il est reconnu handicapé, il ne touche aucune indemnité de ce côté.

Le directeur du bureau de chômage exclut dès lors l’intéressée du droit aux allocations comme travailleur ayant charge de famille pour la période en cause, décide de récupérer à concurrence de la différence de taux et exclut encore celle-ci pendant une période de six semaines (avec sursis complet). L’indu s’élève à plus de 3.000€. Cette décision est contestée et un nouveau recours est introduit devant le tribunal du travail de Mons.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 23 février 2011, le tribunal du travail joint les causes et met à néant les décisions contestées. La CAPAC, qui demande le remboursement du paiement effectué en trop est déboutée. Des retenues ayant été effectuées, l’ONEm et la CAPAC sont condamnées à les restituer.

Appel est interjeté par la CAPAC et l’ONEm.

Décision de la cour du travail

La cour va rappeler, dans un premier temps, l’article 133, § 1er de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, relatif à l’exigence de soumettre un dossier complet en vue d’obtenir le bénéfice des allocations. Le contenu de celui-ci, ainsi que les modalités de transmission des documents, font l’objet des articles 90 et suivants de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 et la cour cite le texte de la disposition.

Elle reprend ensuite les dispositions de l’arrêté royal intégrant les obligations contenues dans la Charte de l’assuré social en ses articles 17 à 19, en cas de revision. L’article 149 de l’arrêté royal envisage, en effet, les hypothèses dans lesquelles la revision intervient avec effet rétroactif ou non en cas d’erreur juridique ou matérielle du bureau de chômage ou en cas d’octroi erroné ou irrégulier.

Elle souligne qu’il y a effet rétroactif si (i) la décision a donné lieu à un paiement d’allocations auxquelles l’assuré social n’avait pas droit et qu’il a conservé de mauvaise foi et (ii) si la revision a lieu dans les trois mois à compter du 3e jour ouvrable qui suit le jour où elle a été envoyée à l’organisme de paiement.

Elle rappelle la chronologie des faits en l’espèce, la CAPAC et l’ONEm s’étant échangé des demandes de renseignements et l’ONEm ayant en fin de compte adressé une autorisation de paiement au taux chef de ménage avec effet rétroactif. La cour constate que l’ONEm n’avait pas à ce moment obtenu les renseignements indispensables et qu’il aurait dû considérer que le dossier était incomplet. En conséquence, il avait le choix : demander la réintroduction du formulaire C51 dûment complété ou ne pas accorder le taux chef de ménage. Il y a dès lors, dans l’attribution injustifiée de ce taux une erreur dont l’ONEm est seul responsable.

Toutefois, la cour constate que l’intéressée – qui a signé divers formulaires C1 – a fourni des renseignements inexacts, ayant repris en ce qui concerne la cohabitation la présence de ses enfants à son domicile mais également celle de son compagnon pour lequel elle avait mentionné qu’il était bénéficiaire « Vierge Noire ». Il y a dès lors obligation de rembourser l’indu à concurrence de la différence de taux pour la période non visée directement par l’erreur de l’ONEm.

En ce qui concerne la sanction (article 153 et 157bis, § 2 de l’arrêté royal), la cour la considère justifiée du fait de l’abstention de déclaration au moment même de la mise en ménage ainsi que vu une déclaration inexacte ultérieure.

Pour ce qui est de la CAPAC, la cour rappelle l’article 17 de la Charte de l’assuré social. Celui-ci prévoit que, lorsqu’il est constaté que la décision est entachée d’erreur de droit ou matérielle, l’institution de sécurité sociale prend d’initiative une nouvelle décision produisant ses effets à la date à laquelle la décision rectifiée aurait dû prendre effet, et ce sans préjudice des dispositions légales et réglementaires en matière de prescription. Sans préjudice de l’article 18, la nouvelle décision produit ses effets en cas d’erreur de l’institution de sécurité sociale, le premier jour du mois qui suit la notification, si le droit à la prestation est inférieur à celui qui avait reconnu initialement.

La cour souligne que cette règle n’est pas d’application si l’assuré social savait ou devait savoir qu’il n’a ou n’avait plus droit à l’intégralité d’une prestation. Le critère est celui de l’arrêté royal du 31 mai 1933 concernant les déclarations à faire en matière de subventions, indemnités et allocations.

Reste à savoir si la décision prise constitue une revision au sens de cette disposition. La cour rappelle que, en vertu de l’article 18bis de la Charte, il appartient au Roi de déterminer les régimes de sécurité sociale (ou les subdivisions de ceux-ci) pour lesquels une décision relative aux mêmes droits prise suite à un examen de la légalité des prestations octroyées n’est pas considérée comme une nouvelle décision au sens des dispositions de la Charte ci-dessus. Exécutant l’article 18bis, l’article 166, alinéa 2 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 dispose que les décisions visées à l’article 164 ne sont pas considérées comme de nouvelles décisions pour l’application des articles 17 et 18. Les dispositions dont état à l’article 164 sont, comme le rappelle la cour, celles par lesquelles l’ONEm rejette après vérification totalement ou partiellement des dépenses effectuées par les organismes de paiement.

En outre, en application de l’article 166, alinéa 2, il ne peut être recouru à l’article 17 de la Charte pour refuser à l’organisme de paiement le droit de récupérer des paiements indus effectués par erreur et ayant donné lieu à une décision de rejet de dépenses.

La cour souligne encore que l’intéressée ne se trouve pas dans l’hypothèse de l’article 167, § 2, alinéa 2 de l’arrêté royal, qui prévoit une hypothèse spécifique où l’organisme de paiement ne peut pas poursuivre la récupération des sommes payées à charge du chômeur (étant celle du rejet dû exclusivement en raison d’une faute ou d’une négligence imputable à l’organisme de paiement, notamment lorsque les pièces transmises au bureau du chômage l’ont été en dehors du délai réglementaire). Pour la cour, il n’est ni contestable, ni contesté que l’intéressée n’avait pas droit au montant qui lui a été payé et la décision de rejet ne trouve donc pas son fondement exclusivement dans la faute ou la négligence de l’organisme de paiement mais également dans l’inexistence du droit dans le chef de l’intéressée. En conséquence, la CAPAC est en droit de récupérer l’indu.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la cour du travail de Mons rappelle l’articulation entre les articles 17 à 19 de la Charte et la réglementation chômage, dans l’hypothèse de paiements indus. La Cour a ainsi l’occasion de repréciser ce qu’il faut entendre par revision en cette matière.


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