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Personnel sous statut : compétence des juridictions du travail pour ce qui est des subventions-traitements

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 12 septembre 2012, R.G. 2011/AB/457

Mis en ligne le mardi 26 février 2013


Cour du travail de Bruxelles, 12 septembre 2012, R.G. n° 2011/AB/457

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 12 septembre 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que les juridictions du travail sont compétentes pour connaître des problèmes des subventions-traitements du personnel du secteur public, la loi sur la protection de la rémunération s’appliquant au secteur public et au secteur privé.

Les faits

Une enseignante est désignée par une autorité communale en tant que professeur dans un établissement d’enseignement, et ce sous régime statutaire, à titre temporaire (1979). Elle est ultérieurement (1982) admise au stage. La délibération ayant été suspendue par l’autorité de tutelle, elle est maintenue par une nouvelle délibération du conseil communal. Celle-ci est à son tour annulée par arrêté de l’exécutif de la Région Wallonne. Un recours est introduit contre cet arrêté et le Conseil d’Etat annule cette décision (1986). L’intéressée est dès lors réintégrée par son employeur (1988) et nommée à titre définitif (1989).

Une procédure est introduite devant les juridictions civiles suite à l’arrêt du Conseil d’Etat (1990) et la Région Wallonne est condamnée par jugement du tribunal de première instance (1996) au motif qu’elle a pris un arrêté illégal, sanctionné par le Conseil d’Etat. Quant à la Ville, le tribunal considère qu’elle aurait dû réserver une suite à l’arrêté au Conseil d‘Etat, ce qui n’a pas été fait malgré une mise en demeure.

Le tribunal considère dès lors que le préjudice subi doit être réparé par la Région Wallonne pour partie et ensuite par la Ville. Le tribunal alloue des montants au titre de préjudice matériel et de préjudice moral.

Parallèlement, l’intéressée lance citation contre la Communauté Française (1994) pour ce qui concerne des différences de rémunération entre les traitements effectivement perçus et les traitements dus, ainsi que les avantages découlant du statut pécuniaire. Elle modifie l’objet de sa demande en cours d’instance, étant qu’elle sollicite du tribunal de rectifier son ancienneté administrative et de payer les suppléments de traitement (tenant compte de l’ancienneté supplémentaire) ou, subsidiairement, des dommages et intérêts.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 15 mars 2011, le Tribunal du travail de Bruxelles se déclare compétent pour connaître de l’action (la Communauté Française ayant plaidé l’incompétence des juridictions sociales). Il fixe les droits en matière de traitements et avantages financiers et ordonne une réouverture des débats aux fins de communication des décomptes.

La Communauté Française interjette appel.

Décision de la cour du travail

La cour est dès lors saisie à la fois de la question de compétence, d’un débat sur la recevabilité de l’action originaire et du fondement de la demande. Elle doit également régler un problème de prescription.

Sur la compétence des juridictions du travail, la cour du travail rappelle que l’article 578, 7° du Code judiciaire, qui donne compétence aux juridictions du travail pour les contestations civiles résultant d’une infraction aux lois et arrêtés relatifs à la réglementation du travail vise notamment la loi du 12 avril 1965 sur la protection de la rémunération. Cette loi ne fait aucune distinction entre les secteurs public ou privé. Elle s’applique dès lors au secteur public. Elle vise à la fois les salaires et les traitements. La cour rappelle encore que dans un arrêt du 28 juin 2010 (Cass., 28 juin 2010, R.G. n° S.09.047.F) ainsi que dans d’autres décisions antérieures, la Cour de cassation a confirmé que les subventions- traitements constituent une rémunération au sens de la loi du 12 avril 1965.

Les juridictions du travail sont dès lors compétentes.

Sur la recevabilité, étant de savoir si la Communauté Française a été citée correctement, la cour rappelle qu’il faut distinguer les cas où la Communauté Française est demanderesse et ceux où elle défenderesse. En tant que demanderesse, la personne morale doit agir au nom de l’organe compétent. Si une citation doit par contre être signifiée à la Communauté Française, il était exigé que ce soit à elle-même, représentée par son Gouvernement (la cour rappelant un arrêt de la Cour de cassation du 12 septembre 1996 (Pas., 1996, I, p. 306). Dans une décision plus récente (Cass., 9 mars 2000, Pas., 2000, I, p. 163), la Cour suprême a cependant considéré que la citation ne doit contenir que les mentions requises à peine de nullité par l’article 703, alinéa 2 du Code judiciaire. Aucune disposition légale n’impose en effet de mentionner le représentant au procès ou l’organe compétent pour agir en justice. Cet arrêt est rendu sur pied de l’article 82 de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 et de l’article 703 du Code judiciaire. La cour cite in extenso la décision de la Cour de cassation et précise en outre qu’à supposer que la citation ait été signifiée à un autre organe de la Communauté Française qu’à celui auquel il aurait dû l’être, celle-ci devrait établir que, ce faisant, la demanderesse a nui aux intérêts et à la défense de celle-ci, ce qui n’est pas le cas.

Sur le fondement, la cour rejoint la conclusion de principe du premier juge, étant que la demande est justifiée par le statut de l’intéressée, qui aurait dû percevoir une rémunération conforme à celui-ci tel que déterminé par la délibération initiale de la Ville et bénéficier d’une ancienneté complémentaire pour la période concernée. Il y a lieu à réouverture des débats pour les calculs.

Enfin, elle constate que, pour la première fois, est invoquée une question de prescription de la demande, question qui avait déjà fait l’objet d’une réponse – quoique l’argument ne fut pas soulevé – dans le jugement. Citant la doctrine (J. JACQMAIN, « Droit social de la fonction publique », Vol., 1, PUB, édit 2002, p. 181), la cour confirme que, en vertu de l’article 100 de l’arrêté royal du 17 juillet 1997 portant coordination des lois sur la comptabilité de l’état, le délai est de dix ans à partir du 1er janvier de l’année pendant laquelle naissent les créances. Contrairement à ce qu’argumente la Communauté Française, la créance ne trouve pas sa source dans une faute mais dans le statut.

Intérêt de la décision

Cette affaire rappelle plusieurs règles intéressantes, sur le plan de la compétence des juridictions du travail d’abord et de la recevabilité d’une action introduite par ou contre la Communauté Française (actuellement Fédération Wallonie-Bruxelles) ensuite.

Sur le premier point, elle confirme, se fondant sur la jurisprudence constante de la Cour de cassation, la compétence des juridictions du travail pour connaître des subventions-traitements du personnel sous statut. Celui-ci peut dès lors introduire son action devant elles.

Par ailleurs, l’arrêt du 9 mars 2000 de la Cour de cassation est important à rappeler en ce qui concerne les conditions de la recevabilité d’une action contre la Communauté Française. Comme le rappelle la cour du travail, aucune disposition légale n’impose la mention dans l’acte introductif du représentant au procès ou de l’organe compétent pour agir en justice.


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