Terralaboris asbl

Exigence d’un préjudice distinct de la perte de l’emploi

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 2 novembre 2012, R.G. 2011/AB/1.037

Mis en ligne le mercredi 6 février 2013


Cour du travail de Bruxelles, 2 novembre 2012, R.G. n° 2011/AB/1.037

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 2 novembre 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que si un travailleur licencié veut faire état d’un abus de droit, il doit établir outre la faute de l’employeur un préjudice qui ne se confond pas avec celui découlant de la perte de l’emploi. Le licenciement intervenu avant la date où un engagement contractuel devait se concrétiser n’est pas abusif du fait de sa non réalisation.

Les faits

Une compagnie d’aviation conclut un contrat de travail avec un pilote en janvier 2007. Il s’agit d’un contrat de travail à durée indéterminée avec clause d’essai de six mois. Y est prévu l’engagement de la compagnie d’assurer une formation sur certains appareils, à partir du 31 décembre 2008 si l’intéressé a, à ce moment, un minimum de 500 heures de vol au sein de la société. Celle-ci invite ultérieurement l’intéressé à marquer accord pour la suppression de cet engagement contractuel, ce qu’il refuse, insistant sur l’importance de ces formations. Il marque cependant accord pour en postposer le point de départ. Trois mois plus tard, soit en octobre 2008, il est licencié avec paiement d’une indemnité compensatoire de préavis de trois mois, le document C4 mentionnant comme motif précis du chômage qu’il ne conviendrait plus à la fonction.

Contact est alors pris avec la société par le conseil de l’intéressé, qui fait valoir l’existence d’un lien entre le refus de suppression de la clause contractuelle et le licenciement. Les parties ne trouvant pas un terrain d’entente, une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Bruxelles en paiement d’un complément indemnité compensatoire de préavis ainsi que d’un euro provisionnel pour la formation manquée.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 7 février 2011, le tribunal du travail accorde un complément d’indemnité compensatoire de préavis de préavis et rejette la demande en ce qui concerne la formation. L’intéressé va introduire un recours sur cette question.

Décision de la cour du travail

La cour rappelle en premier lieu, que chaque partie dispose du droit de rompre le contrat de travail, sans que l’autre ne puisse en exiger l’exécution (la cour renvoyant particulièrement à l’arrêt de la Cour de cassation du 20 juin 1988, R.D.S., 1988, 325). Il peut dès lors toujours être mis un terme au contrat de travail par celle-ci même si les règles légales ne sont pas respectées. La cour rappelle le principe selon lequel, sauf pour ce qui est des mesures particulières de protection, le travailleur licencié peut en cas de licenciement irrégulier faire valoir les droits contenus dans l’article 39 de la loi sur les contrats de travail ou les règles de l’abus de droit. Dans ce dernier cas, il doit cependant établir en outre un dommage particulier, qui ne se confond pas avec la perte de l’emploi (la cour renvoyant ici à l’arrêt du 12 décembre 2005 de la Cour de cassation – Cass., 12 décembre 2005, J.T.T., 2006, 155).

L’indemnité compensatoire de préavis prévue à l’article 39 de la loi du 3 juillet 1978 a un caractère forfaitaire et couvre la totalité du dommage découlant du licenciement, que ce soit le dommage moral ou le dommage matériel (étant l’enseignement de la Cour de cassation du 7 mai 2001, J.T.T., 2001, 410).

La cour relève que la discussion porte sur la circonstance que la société a pris l’engagement d’assurer une formation mais que le contrat ne contient aucune sanction en cas de non respect de celui-ci.

Les droits du travailleur découlant de l’application de l’article 39 ont été tranchés par le jugement et aucun appel n’a été introduit sur cette décision, de telle sorte que, pour la cour, la totalité du dommage subi par l’employé est couverte par l’indemnité compensatoire allouée, indemnité à caractère forfaitaire. La cour ne retient dès lors pas un abus de droit et souligne que la volonté des parties était, contractuellement, d’assurer ladite formation mais à la condition que l’intéressé soit toujours en service, ce qui n’a pas été le cas, le licenciement étant intervenu avant la date prévue pour le début de celle-ci. Pour la cour, il n’y a dès lors pas d’abus de droit et elle confirme le jugement sur ce point.

Intérêt de la décision

Ce cas d’espèce tranchée par la Cour du travail de Bruxelles rappelle que, en cas de rupture, l’indemnité compensatoire de préavis a un caractère forfaitaire et qu’elle couvre l’ensemble du dommage découlant de la perte de l’emploi, dommage moral ou matériel. Si un abus de droit est invoqué, il y a lieu d’établir une faute contractuelle ou extracontractuelle, ainsi qu’un dommage distinct, causé par celle-ci et non par le licenciement lui-même.


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