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Allocations aux personnes handicapées : conditions de l’extension de la demande devant le juge

Commentaire de C. trav. Liège, section de Namur, 20 novembre 2012, R.G. 2012/AN/29

Mis en ligne le vendredi 18 janvier 2013


Cour du travail de Liège, section Namur, 20 novembre 2012, R.G. n° 2012/AN/29

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 20 novembre 2012, la Cour du travail de Liège rappelle, dans la matière de la protection des personnes handicapées, les règles du préalable administratif et de l’extension de la demande en justice.

Les faits

Une demande est introduite auprès du Service public fédéral des affaires sociales (Service des allocations aux personnes handicapées) le 16 novembre 2009.Dans le cadre de celle-ci, une expertise médicale se tient et une perte de capacité de plus de 66% est admise, la perte d’autonomie étant de 5 points.

La décision administrative qui intervient déboute cependant l’intéressée de sa demande au motif que celle-ci ne portait que sur les attestations.

Un recours en justice est introduit devant le Tribunal du travail de Dinant.

La décision du tribunal

Par jugement du 10 janvier 2012, le tribunal, qui a désigné un expert judiciaire, conclut qu’il y a lieu d’accorder l’allocation d’intégration de première catégorie. La demande d’allocation de remplacement de revenus est rejetée (l’expert ayant conclu à moins de 66% de perte de capacité de gain). Le Service est condamné pour autant que de besoin à délivrer l’attestation générale rectifiée.

Appel est interjeté par le Service.

Position des parties devant la cour

Le Service considère que, la demande initiale n’ayant porté que sur l’attestation générale, seule cette question pouvait être débattue devant le juge.

L’intimée donne, quant à elle, peu d’explications et ne produit notamment pas d’accusé de réception de la demande introduite, qui pourrait permettre d’en examiner la portée.

La décision de la cour

La cour va, dès lors, examiner en premier lieu si la demande a fait l’objet du préalable administratif. Il faut entendre par là l’obligation pour l’assuré social de soumettre d’abord sa demande à la procédure administrative lorsque celle-ci est prévue par la loi, et ce avant d’introduire une action en justice. En conséquence, une action qui serait introduite directement devant le juge devrait être déclarée irrecevable. Il s’agit d’un des effets du principe de la séparation des pouvoirs.

En l’espèce, la cour rappelle qu’elle serait compétente pour connaître d’une contestation relative à la décision administrative. La question va cependant se poser plus précisément de déterminer sur quoi pourra porter le recours judiciaire. Il est acquis que le juge a les mêmes pouvoirs que l’administration et peut dès lors statuer sur la contestation – et ce même si celle-ci n’a pas abordé tous les éléments du litige. En outre, s’appliquent à la matière les règles du Code judiciaire relatives à l’extension de la demande et, plus précisément, l’article 807. Dans le cas d’une extension de demande respectant les conditions de cette disposition, l’institution de sécurité sociale ne peut s’y opposer et exiger qu’il soit d’abord recouru au préalable administratif.

La cour rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 29 nov. 2002, Bul., 2297 et 2301 – deux décisions), selon laquelle, même en degré d’appel, la seule condition de l’article 807 est que l’extension ou la modification de la demande soit fondée sur un fait ou un acte invoqué dans l’acte introductif d’instance. Il n’est pas requis que cette extension ou modification ait été portée devant le premier juge ou soit implicitement incluse dans l’objet de la demande originaire.

La cour en conclut qu’elle peut dès lors prendre connaissance d’une demande fondée sur des faits postérieurs à la décision administrative ou d’une demande nouvelle ou complémentaire (la cour renvoyant à l’arrêt de la Cour de cassation du 17 novembre 2008, Chron. Dr. Soc., 2009, p. 422). Si, cependant, l’institution de sécurité sociale a pris une décision ultérieurement, celle-ci devra être attaquée régulièrement.

Enfin, revenant sur les principes relatifs à la cause de la demande, elle rappelle que la qualification juridique donnée importe peu, la condition légale posée étant que le fait ou l’acte incriminé doit être visé dans la citation (ou requête) introductive d’instance (la cour renvoyant ici à plusieurs arrêts de la Cour de cassation, dont Cass., 8 mars 2010, n° S.07.0028.F).

Elle va constater en l’espèce que l’assurée sociale n’est pas en mesure à l’audience de prouver, par la production de l’accusé de réception, la portée de la demande qui a été introduite. Des ambiguïtés existent dans le dossier et la cour en conclut qu’il n’y a pas eu de demande introduite quant à des allocations. Si une demande d’allocations va impliquer l‘examen de la situation médicale et, dès lors, la question des avantages sociaux et fiscaux, la cour constate que l’inverse n’est pas vrai et que l’on peut très bien introduire une demande d’avantages à cette seule fin.

Peut-on dès lors examiner la question du droit à des allocations en dehors d’un préalable administratif sur ces questions ?

Appliquant les principes ci-dessus, la cour conclut qu’il y a une extension de demande et que celle-ci paraît régulière, étant fondée sur un fait précis, étant l’examen de sa situation médicale. Celui-ci est susceptible de déboucher à la fois sur les avantages sociaux et sur les allocations légales.

La cour va cependant ordonner une réouverture des débats en ce qui concerne le point de départ du droit, la demande étant introduite le 17 août 2010 et l’arrêté royal du 22 mai 2003 prévoyant en son article 14 que la date de prise de cours de l’octroi est fixée au 1er du mois qui suit cette introduction.

Elle invite dès lors les parties à préciser leur position sur cette question.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la cour du travail revient sur la question de l’obligation de recourir au préalable administratif, eu égard aux possibilités d’extension et de modification d’une demande judiciaire, au sens de l’article 807 du Code judiciaire. Il rappelle également les arrêts de la Cour de cassation sur la question.


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