Terralaboris asbl

Contrôle du comportement du travailleur dans le cadre de l’article 63 : définition du cadre des relations contractuelles

Commentaire de Cass., 22 octobre 2012, n° S.12.0054.F

Mis en ligne le jeudi 27 décembre 2012


Cour de cassation, 22 octobre 2012, n° S.12.0054.F

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 22 octobre 2012, la Cour de cassation rappelle que, selon les termes de l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978, le comportement du travailleur peut être un motif de licenciement. Vu la formulation générale de la disposition, ce comportement ne doit pas s’être produit dans le cadre strict de la relation contractuelle mais peut dans le cas d’une reprise de personnel avoir été constaté lors de l’occupation antérieure.

Les faits

Un ouvrier occupé par une charcuterie est repris, avec une grande partie du personnel, par une autre société, en date du 1er janvier 2008.

Il est licencié le 7 janvier 2008.

Le 1er janvier étant férié (mardi), l’intéressé a presté en tout et pour tout pendant quatre jours. Ceci est confirmé par la fiche de paie.

Son licenciement intervient au motif d’un comportement inadéquat.

Une procédure est introduite sur pied de l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978, le travailleur considérant son licenciement abusif.

Décision de la cour du travail

Par arrêt du 14 septembre 2011, la Cour du travail de Mons considère que la preuve que d’un comportement inadéquat pendant la période d’occupation n’est nullement rapportée.

La société dépose en effet des attestations faisant état de l’existence de tels comportements, mais sans les situer de manière précise dans le temps. Les déclarations de tiers précisent que ceux-ci sont intervenus « régulièrement » ou « à plusieurs reprises » sans cependant les rattacher à la (brève) période d’occupation pour la société qui a licencié.

Pour la cour du travail, la preuve de ce comportement inadéquat pendant la période litigieuse n’étant pas rapportée, la société reste en défaut de renverser la présomption de l’article 63.

La cour précise que, si l’employeur entendait viser un comportement à la base du licenciement, celui-ci devait impérativement se produire pendant la période d’occupation à son service.

Le moyen du pourvoi

Dans son pourvoi, la société fait valoir que si le motif du licenciement est la conduite (même non fautive) le motif ne doit pas être manifestement déraisonnable et que, en l’occurrence, la cour du travail a violé la disposition légale en y ajoutant une condition qui n’y figure pas, à savoir que le comportement inadéquat de l’ouvrier doit s’être produit pendant la période d’occupation sous contrat de travail.

Décision de la Cour de cassation

La Cour rappelle le mécanisme de l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978, qui considère comme abusif le licenciement d’un ouvrier engagé pour une durée indéterminée qui est effectué pour des motifs qui n’ont aucun lien avec l’aptitude ou la conduite de l’ouvrier ou qui ne sont pas fondés sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service.

Pour la Cour de cassation, ce texte ne limite pas les motifs présentant un lien avec la conduite ou le comportement de l’ouvrier au cadre strict des relations contractuelles. En l’espèce, la Cour constate que la cour du travail, qui a conclu à l’absence de renversement de la présomption de l’article 63, admet cependant qu’il y a eu un comportement inadéquat, que l’ouvrier a été occupé pendant quatre jours au service de la société et que c’était impérativement pendant cette période qu’avait dû se produire le comportement susceptible de justifier son licenciement. Ce faisant, la cour du travail a restreint, selon la Cour suprême, l’examen du comportement du travailleur à la seule période où les parties ont été liées par le contrat de travail. Il y a violation de l’article 63.

La Cour de cassation casse dès lors l’arrêt pour ce seul motif.

Intérêt de la décision

Depuis les arrêts du 27 septembre 2010 (Cass., 27 septembre 2010, R.G. n° S.09.0088.F) et du 22 novembre 2010 (Cass., 22 novembre 2010, n° R.G. S.09.0092.N), la Cour de cassation n’avait plus été amenée à statuer sur les contours de l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978. Ces trois arrêts sont rendus sur le motif lié à la conduite du travailleur.

Dans les deux arrêts précédents, arrêts de principe, la Cour suprême avait précisé d’une part que le licenciement pour un motif lié à l’aptitude ou à la conduite de l’ouvrier est abusif dès lors que le motif est manifestement déraisonnable et de l’autre que le juge du fond doit apprécier si le motif invoqué constitue un motif légitime de licenciement.

Elle avait particulièrement souligné dans son arrêt du 22 novembre 2010 que le juge est tenu d’apprécier si la conduite constitue un motif valable. Elle avait ainsi précisé la portée du contrôle judiciaire, déjà admis dans l’arrêt précédent du 27 septembre 2010, où elle avait considéré que le refus d’un travailleur de signer un nouveau contrat de travail temporaire à durée déterminée alors qu’il était engagé dans les liens d’un contrat à durée indéterminée ne pouvait être un motif lié à la conduite. L’arrêt du 22 novembre avait par ailleurs confirmé le critère de l’appréciation du contrôle judiciaire, étant celui du « manifestement déraisonnable », étant le critère de l’abus de droit au sens de la théorie générale.

Dans ce dernier arrêt du 22 octobre 2012, elle apporte une précision, logique – en somme -, étant que la conduite du travailleur doit être appréciée non seulement dans le cadre strict de l’exécution du contrat avec l’employeur qui licencie, mais dans un cadre contractuel plus large, tenant ainsi compte des prestations antérieures. S’agissant d’un problème de comportement dans les relations professionnelles, il y a en effet continuité du contexte et donc possibilité de persistance du motif.


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