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Demandeurs d’asile : obligations des C.P.A.S. et de FEDASIL

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 31 mai 2012, R.G. 2010/AB/1.116

Mis en ligne le mercredi 7 novembre 2012


Cour du travail de Bruxelles, 31 mai 2012, R.G. 2010/AB/1.116

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 31 mai 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les obligations respectives de l’agence FEDASIL et des C.P.A.S. vis-à-vis des demandeurs d’asile.

Les faits

Un demandeur d’asile s’est vu refuser la désignation d’un lieu obligatoire d’inscription. Il s’agit d’une décision de FEDASIL.

Par ailleurs, une demande d’aide a été introduite auprès du C.P.A.S. et celle-ci n’a pas été prise en considération.

Un recours est introduit devant les juridictions du travail de Bruxelles, mettant à la cause les deux Institutions.

Le tribunal du travail considère qu’en ne désignant pas un lieu obligatoire d’inscription, FEDASIL a manqué à son devoir de bonne administration. Dans la mesure où l’aide matérielle ne pouvait être assurée, le tribunal condamne l’Agence au paiement de dommages et intérêts équivalents au revenu d’intégration sociale au taux isolé jusqu’à ce que le droit puisse être concrètement assuré. Le tribunal juge par ailleurs que la demande est non fondée vis-à-vis du C.P.A.S.

L’arrêt de la cour du travail

Sur appel de l’agence FEDASIL, qui considère qu’une demande a également été introduite à l’encontre du C.P.A.S. et que celle-ci doit être examinée avant le fondement de celle qui la concerne, la cour rappelle les dispositions de la loi du 12 janvier 2007. L’accueil auquel le demandeur a droit doit lui permettre de mener une vie conforme à la dignité humaine et l’aide qui lui est octroyée peut être matérielle ou sociale. L’accueil est, en vertu de l’article 3 de la loi du 12 janvier 2007, octroyée par la structure d’accueil ou par le C.P.A.S. désigné (comme lieu obligatoire d’inscription), mais ce sans préjudice des dispositions de la même loi, selon laquelle l’Agence doit veiller à ce que le lieu d’accueil soit adapté au bénéficiaire, et ce dans les limites des places disponibles. En outre, la loi permet à l’Agence, dans des circonstances particulières, de déroger aux obligations mises à sa charge, en ne désignant pas de lieu obligatoire d’inscription.

La cour précise que la conception selon laquelle l’Agence est seule compétente, dans tous les cas, pour assurer l’aide aux demandeurs d’asile, est inexacte. Ceci n’est d’ailleurs pas conforme à l’économie générale de la loi. La cour reprend dès lors les principes admis quant à ses dispositions législatives, dont la jurisprudence a déjà pu relever qu’elles n’organisent pas l’incompétence de principe des C.P.A.S. (et la cour renvoie à C. trav. Brux., 17 nov. 2011, R.G. 2010/AB/831).

Par ailleurs, il n’y a pas de faute dans le chef de FEDASIL en cas de saturation du réseau, qui peut constituer un motif valable de non-désignation (et ce principe figure d’ailleurs dans les travaux préparatoires de la loi, que la cour rappelle).

En l’espèce, les faits étant situés au mois d’août 2010, la cour relève qu’il y avait à l’époque saturation du réseau, ce qui n’est pas contesté, la cour relevant que la preuve de cette saturation est établie raisonnablement, et ce même eu égard aux structures d’urgence auxquelles il a été recouru. Il en découle dès lors qu’il n’y a pas de comportement fautif dans le chef de l’Agence de ce fait. La cour relève cependant que tel n’est pas le cas pour l’absence de mesures d’accompagnement, que l’Agence doit prendre lorsqu’elle est dans l’impossibilité de désigner un lieu obligatoire d’inscription, celle-ci étant en effet l’organisme-pivot auquel les demandeurs d’asile doivent s’adresser (renvoi est ici également fait à la jurisprudence de la cour : C. trav. Brux., 12 oct. 2011, R.G. 2010/AB/639). L’accompagnement adéquat qui aurait dû être fourni pouvait à tout le moins se faire en termes d’informations compréhensibles, ou même de transmission de la demande au C.P.A.S. que le demandeur estimait compétent.

Les conséquences de cet état de fait ont été dommageables (absence de logement,…), de telle sorte que l’intéressé n’a pu vivre d’une manière conforme à la dignité humaine. Le dommage est en lien direct avec la faute et est de nature matérielle mais, comme le souligne la cour, surtout morale. L’octroi du montant journalier du revenu d’intégration au taux isolé répare adéquatement le préjudice et il doit couvrir l’ensemble de la période pendant laquelle l’agence n’a pas rempli ses obligations, à savoir jusqu’au moment où, dans des circonstances qualifiées de difficiles, l’intéressé établit avoir adressé une demande auprès du C.P.A.S.

Il y a dès lors confirmation du jugement.

Enfin, une demande à titre subsidiaire étant formée à l’encontre du C.P.A.S., la cour rappelle que celui-ci avait l’obligation de la traiter, et qu’il a notamment une obligation d’information en ce qui concerne sa compétence territoriale et doit renvoyer le demandeur qui se serait adressé erronément à lui vers le C.P.A.S. compétent, et ce dans un délai très bref. En l’occurrence, il n’y a pas eu de suite réservée à la demande et aucune instruction.

La période visée étant postérieure à celle couverte par la faute de FEDASIL, la cour condamne dès lors le C.P.A.S. au revenu d’intégration pour l’absence de toute aide pendant une période de 6 semaines.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle l’articulation des obligations à charge de l’agence FEDASIL et du C.P.A.S., insistant sur le rôle d’organisme-pivot de l’Agence dans ce genre de situation. Un intérêt particulier de la décision est qu’elle condamne à des dommages et intérêts du fait d’un manquement à l’obligation d’information de l’intéressé sur ses droits en ce qui concerne la possibilité d’intervention du C.P.A.S.

Sur la notion de « circonstances particulières », imposant de ne pas désigner un centre d’accueil, voir C. trav. Brux., 9 mai 2012 (R.G. 2011/AB/56), qui rappelle l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 27 novembre 2002 (C. const., 27 nov. 2002, arrêt n° 169/2002), où celle-ci a admis l’éventualité que le candidat-réfugié ait la possibilité de vivre avec un membre de sa famille qui a droit à l’aide sociale (ou qui est autorisé au séjour). Ces principes ont été repris dans les travaux préparatoires de la loi du 12 janvier 2007 et les instructions administratives du 24 octobre 2007.


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