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Allocations de chômage et mandat dans une ASBL : preuve de la gratuité du mandat

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 19 avril 2012, R.G. 2010/AB/1.208

Mis en ligne le mercredi 7 novembre 2012


Cour du travail de Bruxelles, 19 avril 2012, R.G. n° 2010/AB/1.208

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 19 avril 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que les conditions visées à l’article 45, alinéa 4, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 ne sont pas limitatives et qu’un mandataire d’ASBL, bénéficiaire d’allocations de chômage peut établir la preuve de la gratuité de sonmandat.

Les faits

Lors d’un thé dansant, organisé par une ASBL (école d’accordéon), un contrôle est effectué, dont il ressort qu’une personne occupée à servir des boissons bénéficie d’allocations de chômage. Celle-ci, administratrice et trésorière de l’ASBL, signale qu’il s’agit d’une activité bénévole.

L’enquête se poursuivant, une convocation est adressée à l’intéressée, qui ne se présente pas.

Une sanction est prise, étant l’exclusion du bénéfice des allocations de chômage pendant 4 ans et demi, avec récupération et exclusion (8 semaines) au motif d’absence de biffure de la carte de contrôle, à la case correspondant à la journée d’activité.

La procédure

Par jugement du 26 novembre 2010, le Tribunal du travail de Nivelles (section Wavre) déboute l’intéressée, au motif que l’ASBL serait une grosse structure, réalisant un chiffre d’affaire important (entre 70.000 € et 80.000 €). Pour le tribunal du travail, l’activité entre dans le courant des échanges économiques de biens et de services.

L’intéressée interjette appel.

La décision de la cour du travail

La cour du travail rappelle les principes en la matière. Il s’agit des articles 44, 45 et 45bis de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage.

Pour bénéficier des allocations, le chômeur doit donc être privé de travail et de rémunération, et ce suite à des circonstances indépendantes de sa volonté. La réglementation définit le travail comme étant soit l’activité exercée pour compte propre, soit celle effectuée pour compte d’un tiers et le définit, dans chaque cas, sur la base des critères bien connus. La cour rappelle cependant intégralement l’alinéa 4 de l’article 45, qui exclut de la notion de travail notamment l’activité non rémunérée dans le cadre d’une formation artistique, ainsi que le loisir. Pour ce qui est de ce dernier cas, les conditions suivantes doivent être remplies simultanément, étant que, vu sa nature et son volume, l’activité exercée ne peut pas être intégrée dans le courant des échanges économiques de biens et services et que le chômeur doit prouver qu’elle ne présente pas de caractère commercial.

La cour rappelle ensuite que, depuis le 1er août 2006, l’article 45bis de l’arrêté royal dispose qu’une activité bénévole peut être exercée, par dérogation aux dispositions précédentes, à la condition qu’une déclaration écrite soit faite préalablement auprès du bureau du chômage. Il s’agit de l’activité des volontaires au sens de la loi du 3 juillet 2005. Cette déclaration préalable doit remplir certaines mentions (identité du chômeur ainsi que de l’organisation, nature, durée, fréquence et lieu de travail, ainsi qu’avantages éventuels octroyés) et doit être co-signée par les deux parties. La cour rappelle également qu’elle peut être écartée si elle est controuvée par des présomptions précises, graves et concordantes.

En l’espèce, il n’est pas contesté que l’intéressée ait été trésorière de l’ASBL et que cette activité n’a pas été déclarée. Dès lors, elle est présumée procurer une rémunération ou un avantage matériel, et ce en application de l’article 45, alinéa 1er, qui définit l’activité effectuée pour compte de tiers. Cependant, cette présomption est réfragable et l’intéressée peut démontrer le caractère gratuit de celle-ci, étant qu’elle n’a reçu aucune rémunération ou avantage matériel qui soit de nature à contribuer à sa subsistance ou à celle de sa famille.

Examinant les éléments qui lui sont soumis, la cour retient que la preuve de la gratuité est apportée, étant les statuts, les comptes, la déclaration du comptable et de l’administrateur délégué et, encore, les éléments fiscaux produits par l’intéressée elle-même quant à sa déclaration à l’administration des contributions.

Vu ces circonstances, la cour conclut qu’il n’y avait pas incompatibilité avec l’octroi d’allocations de chômage.

Pour la cour du travail, la position de l’ONEm, selon laquelle l’intéressée devait également satisfaire aux conditions de l’alinéa 4 de l’article 45 ou encore à celles de l’article 45bis, ne peut être suivie. En effet, dans l’alinéa 4, figure l’adverbe « notamment » (« pour l’application de l’article 44, n’est notamment pas considéré comme du travail… »). Un chômeur ne rentrant pas dans les hypothèses visées peut cependant démontrer que l’activité exercée est entièrement gratuite et est compatible avec les allocations de chômage.

En outre, l’article 45bis est une dérogation aux deux dispositions précédentes et vise les hypothèses qui, en principe, ne seraient pas compatibles avec les allocations de chômage, mais qui sont exercées dans le cadre de la loi relative aux droits des volontaires bénévoles. Si cet exercice répond aux conditions fixées par l’article 45, la compatibilité est possible.

Il en découle que l’activité pour compte de tiers gratuite ne rentre pas dans cet article 45bis.

En conséquence, la cour du travail réforme le jugement en toutes ses dispositions.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la Cour du travail de Bruxelles relève très judicieusement le libellé de l’article 45, alinéa 4 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage relatif aux hypothèses où une activité peut être exercée sans être considérée comme du travail au sens de la réglementation. Les cas repris dans cette disposition ne sont pas limitatifs.

C’est sur la base d’éléments objectifs (absence de preuve de paiement et mention des statuts) que la cour conclut à la gratuité du mandat.


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