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Assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés : pouvoirs de contrôle de l’ONSS sur l’existence d’un contrat de travail

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 23 mai 2012, R.G. 2011/AB/393

Mis en ligne le jeudi 13 septembre 2012


Cour du travail de Bruxelles, 23 mai 2012, R.G. n° 2011/AB/393

Dans un arrêt du 23 mai 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle le pouvoir de l’ONSS de décider d’office de l’existence ou non d’un contrat de travail, en vue de l’application de la loi du 27 juin 1969 sur la sécurité sociale des travailleurs salariés

Les faits

Le 19 novembre 2009, l’ONSS prend une décision de désassujettissement de l’ensemble du personnel déclaré par une société W. Il considère, à partir d’éléments précis et concordants, qu’il y a absence d’activité de la société et que les travailleurs déclarés n’ont dès lors pas pu fournir des prestations de travail.

Il y a, dès lors, notification de la décision d’annuler les rémunérations et prestations relatives à certains trimestres déclarés.

L’ONSS a pris cette décision après avoir effectué une enquête, dont il est ressorti que la société W. était impliquée dans un système de délivrance de fausses fiches de paie.

Un des travailleurs visés par cette décision introduit un recours devant le tribunal du travail.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 9 mars 2011, le Tribunal du travail de Bruxelles rejette ce recours, confirmant le bien-fondé de la thèse de l’ONSS.

Décision de la cour du travail

La cour du travail rappelle que la loi du 27 juin 1969 suppose l’existence d’un contrat de louage de travail. Le contrat de travail requiert un engagement personnel à fournir du travail, ainsi que la preuve du paiement d’une rémunération ainsi que celle du lien de subordination. A défaut de réunir l’un de ces éléments, la relation de travail ne peut être qualifiée de contrat de travail et ne tombe dès lors pas dans le champ d’application de la loi du 27 juin 1969. C’est dans ces hypothèses qu’intervient le désassujettissement par l’ONSS.

La cour rappelle le pouvoir de celui-ci de refuser le bénéfice de la loi dès lors que les conditions légales ne sont pas réunies. Ceci implique qu’il peut d’office vérifier l’existence ou non du contrat de travail requis. La cour du travail renvoie à cet égard à l’arrêt de la Cour de cassation du 7 décembre 1989 (Cass., 7 décembre 1989, R.G. S.97.0165.F).

La cour va dès lors vérifier si dans les faits la société W. a eu une activité effective. Elle va conclure par la négative, et ce eu égard à l’absence de tout élément susceptible de refléter celle-ci (absence de déclarations à l’impôt des sociétés, absence de déclarations à la T.V.A., absence de dépôt des comptes annuels, absence de biens meubles ou immeubles lui appartenant, …).

En outre, la cour relève que, interrogées, les personnes n’ont pas pu préciser la nature des prestations de travail, ainsi que les conditions de celles-ci, étant le lieu, l’horaire, …

La cour souligne en outre que la société W. n’est pas la seule pour laquelle les personnes intéressées ont travaillé, au fil du temps et que d’autres sont également visées par des décisions similaires, vu le caractère fictif de leur activité.

Elle en conclut que, la société n’ayant pas d’activité réelle, le travailleur ne peut non plus avoir eu une activité salariée quelconque.

Sur la question de la preuve de l’activité, elle souligne que l’on ne peut se contenter de vraisemblance, à défaut pour le travailleur d’établir les éléments légaux requis : prestations, lien de subordination et paiement d’une rémunération.

Ainsi, sur le lieu des prestations, elle rejette les explications données, selon lesquelles celles-ci auraient eu lieu au siège de la société – et pour cause, celui-ci étant fictif.

Quant à la rémunération, qui aurait été payée de la main à la main, les quelques fiches de paie remises ne sont pas considérées comme suffisamment probantes, d’autant qu’elles ne correspondent pas au salaire contractuellement annoncé.

La cour confirme dès lors le jugement, qui avait débouté le demandeur de son recours.

Reste cependant la question des dépens, étant que l’objet de la demande est l’annulation du refus de l’ONSS à assujettir l’intéressé à la sécurité sociale des travailleurs salariés.

La cour rappelle qu’il s’agit en tant que tel d’une demande visée à l’article 580, 2°, du Code judiciaire et que, dans ces matières, la condamnation aux dépens est en règle toujours prononcée à charge de l’ONSS, dans les litiges portant sur une contestation en matière d’assujettissement (elle se réfère à l’arrêt de la Cour de cassation du 25 mai 1998, Pas., I, 270, à cet égard). La demande de l’ONSS de condamner le demandeur originaire et appelant aux dépens est dès lors rejetée. Quant au montant des indemnités de procédure, il est ramené au forfait de l’article 4 de l’arrêté royal du 26 octobre 2007, étant 120,25€ en première instance et 132,86€ en appel.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la cour du travail de Bruxelles - qui n’est pas le seul rendu le même jour sur la même question, la cour ayant précisé que d’autres sociétés avaient été concernées par ces faits (voir C. trav. Bruxelles, 23 mai 2012, R.G. n° 2011/AB/394) – rappelle les pouvoirs étendus de l’ONSS en cas de demande d’assujettissement suite à la déclaration de prestations de travail. Peuvent être vérifiés à la fois la réalité de ces prestations et le cadre de travail subordonné dans lequel elles s’inscrivent.


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