Terralaboris asbl

Le dommage réparable en accident du travail et les séquelles psychologiques

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 4 juin 2007, R.G. 48.245

Mis en ligne le jeudi 21 février 2008


Cour du travail de Bruxelles, 4 juin 2007, R.G. 48.245

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 4 juin 2007, la Cour du travail de Bruxelles se prononce sur l’inclusion, dans la réparation à conférer à deux accidents, de séquelles psychologiques dont l’apparition est également due d’autres facteurs, telle que la personnalité de l’intéressé. Dès lors que les accidents sont au moins l’une des causes des séquelles, elles doivent être indemnisées dans leur intégralité.

Les faits

Monsieur E.A. est victime deux accidents successifs, consécutifs à des agressions dans l’exercice de sa profession. Le premier, survenu le 7 janvier 2001 ayant entraîné une lésion au genou droit et le second, du 27 décembre 2001, ayant occasionné une fracture de la cheville.

L’intéressé a également développés, dans la suite de ces deux accidents, un syndrome anxieux, rendant contre-indiquée la poursuite de la fonction occupée au moment de l’accident.

L’entreprise d’assurances estima pour sa part que le premier accident était guéri sans séquelle et n’accorda qu’un faible taux d’incapacité permanente pour le second. Les troubles psychologiques sont rejetés.

L’intéressé, contestant les décisions de l’entreprise d’assurances, introduisit une procédure devant le Tribunal du travail. Celui-ci désigna un médecin expert, qui fixe les taux d’incapacité permanente de travail liés aux deux accidents à respectivement 2% et 8%. Les séquelles prises en compte sont non seulement les séquelles physiques mais également le syndrome anxieux.

Le Tribunal du travail se rallia quant à lui aux conclusions de l’expert, fixant l’indemnisation sur la base de l’avis donné.

Les positions des parties

L’entreprise d’assurances interjeta appel de la décision, contestant le caractère indemnisable des troubles psychologiques. Elle soutenait en effet que ces troubles ne seraient pas imputables aux accidents du travail mais à la personnalité de l’intéressée (qualifiée de limite et interprétative) et à la manière dont il a vécu les divergences entre lui-même et d’une part l’entreprise d’assurances (quant à l’indemnisation) et d’autre part son employeur.

Elle demandait en conséquence à la Cour de réformer la décision du premier Juge et de fixer l’indemnisation sans tenir compte du syndrome anxieux.

La décision de la cour

La Cour appuie son argumentation tout d’abord sur un rappel des principes applicables à la réparation des accidents du travail. Dans le cadre de celui-ci, elle souligne que, dès lors qu’un lien de causalité, même partiel ou indirect, peut être raisonnablement retenu entre l’aggravation de l’état de santé de la victime et l’accident, l’ensemble du dommage doit faire l’objet de la réparation.

Examinant les éléments de faits du dossier, elle retient que le rapport d’expertise (plus précisément le rapport du sapiteur psychiatre) exclut que la personnalité de base de l’intéressé soit la seule cause de l’état psychique constaté. Dans son rapport, celui-ci mentionne effectivement l’existence d’une « personnalité de base » prédisposant l’intéressé mais également, vu qu’il a pu maintenir celle-ci antérieurement à l’accident, que le développement du syndrome anxieux ne peut être rattaché exclusivement à cette personnalité.

La Cour relève en conséquence que les séquelles psychologiques ont plusieurs causes, dont la survenance des deux accidents. Dès lors que ces séquelles ont une répercussion sur la capacité de gain de l’intéressé, elles doivent entrer en ligne de compte dans l’évaluation du dommage.

Le rapport de l’expert en tenant compte, la Cour confirme ainsi le jugement.

Intérêt de la décision

Afin d’apprécier si les séquelles sur lesquelles portaient la contestation peuvent faire l’objet d’une indemnisation dans le cadre du régime légal, la Cour examine uniquement s’il peut être déduit du dossier que ces séquelles sont exclusivement imputables à une autre cause, étrangère à l’accident. Dès lors que tel n’est pas le cas et que ces lésions ont une répercussion sur la capacité de travail de l’intéressé, elles doivent être prises en compte dans leur intégralité.

Cet enseignement est évidemment applicable aux lésions psychologiques. Ce type de lésions ont, la plupart du temps, une autre cause, dont la « personnalité de base » de la victime. Le fait qu’elles puissent avoir un autre facteur déclenchant que l’accident ne joue pas, dès lors qu’une incidence, même indirecte, de l’accident sur leur apparition ou aggravation peut être constatée.

Tel est l’enseignement, important, de l’arrêt.


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