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Infraction de droit pénal social : renvoi par le juge civil à l’auditorat du travail

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 4 juin 2012, R.G. 2011/AB/968

Mis en ligne le mercredi 29 août 2012


Cour du travail de Bruxelles, 4 juin 2012, R.G. n° 2011/AB/968

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 4 juin 2012, la Cour du travail de Bruxelles confirme un jugement du tribunal ayant renvoyé un litige civil vers l’auditorat en vue d’enquête, après avoir constaté la possibilité d’infractions de droit pénal social.

Les faits

Un contrat de travail à durée indéterminée est conclu le 29 mai 2009 entre une société X et un travailleur, celui-ci étant engagé en qualité de chauffeur à partir du 2 juin. Suite à son incapacité de travail, quelques jours après l’engagement, il est convoqué chez le médecin-contrôle et ne s’y rend pas. L’employeur constate l’absence injustifiée par lettre recommandée du 2 juillet. Par lettre du 29 juin, l’intéressé a cependant mis un terme au contrat de travail et convenu avec l’employeur qu’il ne devra prester aucun préavis et qu’aucune indemnité ne sera due.

L’attestation d’occupation et le document C4 mentionnent une durée de service du 2 juin au 6 juillet 2009.

Par courrier du 3 août, l’organisation syndicale à laquelle l’intéressé est affilié signale qu’en réalité celui-ci était entré en service avant la date de signature du contrat, soit le 4 mai. Il sollicite en conséquence des documents sociaux corrigés ainsi que la régularisation du salaire.

Cette affirmation est contestée par la société. En réponse, le syndicat fait notamment état d’une déclaration d’accident en date du 18 mai, soit avant la signature du contrat, accident survenu avec un véhicule de la firme, ainsi qu’à une déclaration d’un ex-collègue. La société confirme sa version, précisant cependant que, le jour de l’accident, l’intéressé faisait un test.

Ceci étant contesté et une nouvelle déclaration de témoins faisant état d’une occupation avant la date de signature du contrat étant produite, une procédure est introduite devant le tribunal du travail de Bruxelles. Sont demandés la délivrance de documents sociaux corrects, avec astreinte, ainsi qu’un montant de 1.000€ provisionnels au titre de régularisation de salaire et une somme de 2.500€ de dommage moral. Le salaire est précisé, dans le cours de la procédure devant le premier juge.

L’intéressé demande également dans ses conclusions qu’avant dire droit le tribunal du travail renvoie la cause au rôle particulier afin de permettre à l’auditorat du travail de faire mener une enquête à propos de l’absence de déclaration d’embauche et du non-paiement de la rémunération pour le mois de mai.

L’employeur demande pour sa part, dans une demande reconventionnelle, l’octroi de dommages et intérêts pour conduite téméraire et vexatoire.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 13 septembre 2011, le tribunal, avant dire droit, renvoie le dossier à l’auditorat du travail, sur pied de l’article 29 du Code d’instruction criminelle, afin de faire une enquête conformément à la demande du travailleur. L’affaire est dès lors renvoyée au rôle.

Position des parties en appel

La société interjette appel du jugement intervenu, en ce qu’il a procédé à la communication de la cause à l’auditorat du travail en vue d’enquête.

Décision de la cour du travail

La cour commence par le rappel de l’article 29 du Code d’instruction criminelle, qui fait obligation à toute autorité constituée, tout fonctionnaire ou officier public qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit, d’en donner avis sur le champ au Procureur du roi près le tribunal dans le ressort duquel ce crime ou délit a été commis ou dans lequel l’inculpé pourrait être trouvé, ainsi que de transmettre à ce magistrat tous renseignements, procès-verbaux et actes y relatifs.

En application de cette règle, les juridictions du travail sont tenues de transmettre à l’auditeur du travail les faits portés à leur connaissance, susceptibles d’être constitutifs de crime ou de délit, et dont ils ont pris connaissance dans le cadre de l’exécution de leur mission.

La cour précise que, dans le cadre de cette obligation, il n’est pas requis que les juridictions du travail constatent elles-mêmes l’existence d’un tel crime ou délit mais qu’elles aient pris connaissance de faits qui peuvent être constitutifs de ceux-ci.

En l’espèce, dans le litige soumis au tribunal du travail, il ne peut être contesté que figurent des éléments pouvant permettre de présumer l’existence d’un délit.

Et la cour cite, en premier lieu, l’accident de roulage survenu avant l’entrée en service telle que reprise dans le contrat signé entre parties. La cour rejette l’explication du test, qui n’est confirmé par aucun élément du dossier.

La cour rappelle également ce qu’il faut entendre par délit, au sens du Code pénal : il s’agit de l’infraction punie d’une peine correctionnelle. Le même code fixe les peines entre huit jours et cinq ans d’emprisonnement, ainsi que les amendes, étant celles qui atteignent un minimum de 26€.

En l’occurrence, il n’est pas contesté qu’aucune déclaration n’a été faite pour une occupation à partir du 4 mai 2009 et, vraisemblablement, qu’aucune rémunération n’a été payée pour les prestations du mois correspondant.

La cour rappelle l’obligation pour l’employeur, en vertu de l’article 38 de la loi du 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux de pension (disposition exécutée par l’arrêté royal du 5 novembre 2002), de faire la déclaration d’embauche au plus tard au moment où le travailleur entame ses prestations, et ce à destination de l’ONSS. Le défaut de déclaration est assorti de sanctions pénales allant de huit jours à un an d’emprisonnement et d’une amende de 500€ à 2.500€ (ou d’une de ces deux peines seulement). La cour conclut que l’on se trouve donc en présence d’un délit, d’autant que la loi sur la protection de la rémunération était elle-même également assortie de sanctions pénales, étant une peine d’emprisonnement de huit jours à un mois et d’une amende de 26 à 500 francs (ou d’une de ces deux peines seulement). Ce non paiement de la rémunération est par conséquent également un délit.

En conséquence, la cour confirme la décision du premier juge.

Intérêt de la décision

Le tribunal du travail et la cour font ici une stricte application des dispositions pénales applicables en cas d’absence de déclaration d’embauche et de non-paiement de rémunération, transmettant le dossier à l’auditorat en vue d’enquête. En l’espèce, la chose a été sollicitée par le demandeur, condition toutefois non nécessaire pour la saisine de l’auditorat.

Les faits datant de l’année 2009, les juridictions ont rappelé les dispositions applicables à l’époque. Il s’agirait actuellement de fonder le raisonnement sur les dispositions correspondantes du Code pénal social.


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