Terralaboris asbl

Indemnité compensatoire de préavis et rémunération variable

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 24 avril 2012, R.G. 2011/AB/120

Mis en ligne le vendredi 17 août 2012


Cour du travail de Bruxelles, 24 avril 2012, R.G. n° 2011/AB/120

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 24 avril 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle, eu égard aux termes de l’article 39 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, ce qu’il faut entendre par rémunération en cours devant être prise en compte pour le calcul de l’indemnité compensatoire de préavis.

Les faits

Un employé est engagé début 2007 en tant que vendeur pour une succursale bancaire d’une société de droit français.

Le contrat de travail prévoit une rémunération fixe, indexée, ainsi que la possibilité d’obtenir une gratification variable annuelle qualifiée de « discrétionnaire », liée, en ce qui concerne ses modalités de calcul, à la performance du vendeur et au résultat du groupe. Elle doit être versée au début de l’année suivant l’exercice auquel elle se rapporte, selon les modalités définies par la société. Une condition de présence de l’employé dans celle-ci à cette date est prévue. Le contrat insiste sur le caractère de pure libéralité de la gratification, précisant que celle-ci « n’impliquera aucun engagement (de la part de société) pour l’avenir, quelle que soit la régularité avec laquelle elle serait accordée ».

Ce brut variable pour l’année précédant l’engagement est fixé à 120.000€ et il est alloué à l’employé lors de son entrée en fonction. Aucun variable n’est payé début 2008 sur prestations 2007.

L’employé est licencié l’année suivante (fin 2008) moyennant une indemnité compensatoire de préavis. Il sollicite le paiement de la rémunération variable pour l’année 2008 et la correction de l’indemnité compensatoire de préavis, aux fins d’y voir inclure celle-ci.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 7 décembre 2010, le Tribunal du travail de Bruxelles fait droit à la demande, considérant que l’employé avait droit à une gratification, l’objectif prioritaire individuel fixé pour lui lors de son évaluation de performance de l’année étant atteint, et ce sur la base des documents internes produits par les parties. Le tribunal relève encore que tous les employés travaillant dans le même secteur que l’intéressé avaient perçu un bonus l’année suivante.

Le tribunal ne vide cependant pas totalement sa saisine, ordonnant la réouverture des débats aux fins de permettre aux parties d’examiner le litige sous l’angle d’une demande en dommages et intérêts.

Position des parties en appel

Appel est interjeté par la société, qui demande à la cour de conclure au débouté complet des demandes formées par l’employé, vu le caractère non rémunératoire de la gratification.

L’employé demande pour sa part production de pièces ayant trait aux bonus payés à ses collègues (salles de marché) et demande à la cour, si elle se contente de confirmer la mesure d’instruction, de renvoyer la cause devant le premier juge.

Décision de la cour du travail

La cour examine par conséquent essentiellement le caractère rémunératoire de la gratification pour la seule année pour laquelle elle est due, vu la brève durée de prestations de l’intéressé au service de la banque.

Elle relève que l’octroi de cette rémunération variable n’est pas, selon le contrat, inconditionnel mais au contraire subordonné aux performances individuelles du vendeur ainsi qu’au résultat du groupe. Elle souligne que, lors de son entrée en service, il a perçu ce bonus pour l’année précédente, alors qu’il n’était pas encore engagé. Il s’agit d’un « welcome bonus ». Pour la première année civile de son contrat (celui-ci s’étant étendu sur une bonne année et demie), aucune gratification ne lui a été attribuée et ce non-octroi n’est pas contesté. Pour l’année suivante, la cour identifie les objectifs arrêtés entre les parties suite à un entretien d’évaluation, objectifs contenant une ventilation : même si l’objectif global a été atteint dans les secteurs cumulés, la cour considère que la ventilation est une des conditions posées à l’octroi de la gratification. Or, celle-ci n’a pas été atteinte, n’étant que, pour un des deux secteurs, à peine d’un tiers de l’objectif. La rémunération variable n’est dès lors pas due et la cour réforme le jugement sur ce point.

En conséquence, lorsqu’elle en vient à la demande d’indemnité compensatoire de préavis, pour laquelle l’intéressé réclame un complément, la cour considère que celui-ci n’est pas dû, dans la mesure où il est demandé que soit inclus le variable pour le dernier exercice (puisque l’employé n’y a pas droit).

Cependant, à titre subsidiaire, celui-ci demande l’inclusion du « welcome bonus ». La cour rappelle ici que la rémunération à prendre en considération pour fixer l’assiette de base de l’indemnité compensatoire de préavis, au sens de l’article 39 de la loi du 3 juillet 1978, est la rémunération en cours au moment du licenciement ainsi que les avantages acquis en vertu du contrat de travail. Les juridictions ne sont pas tenues de retenir le montant de la prime payée au cours des douze derniers mois ayant précédé le licenciement. C’est l’enseignement de la Cour de cassation (la cour renvoyant à Cass., 24 octobre 2005, J.T.T., 2006, p. 183). Pour déterminer la notion de rémunération en cours, le juge doit donc appliquer le mode de calcul le plus adéquat, compte tenu des différents éléments du dossier.

La cour relève ensuite que le « welcome bonus » n’était pas une rémunération variable calculée en fonction de performances et que celles-ci n’ont pas justifié un variable pour la période d’occupation.

L’appel est dès lors déclaré fondé et l’employé est condamné aux dépens … taxés par la société à 21.000€.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle les principes relatifs à l’inclusion d’une rémunération variable dans l’indemnité compensatoire de préavis. La cour procède à l’examen des conditions mises à l’octroi de la prime en cause, ne réservant aucune considération au caractère de pure libéralité repris dans le contrat de travail. Les circonstances de l’espèce (non réalisation des objectifs personnels) amène la cour à considérer que la prime n’est pas due et qu’en conséquence l’indemnité compensatoire de préavis ne peut s’en trouver influencée.

Cet arrêt rappelle également que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le juge n’est pas tenu de se limiter à la prise en compte du variable payé dans les douze derniers mois avant la rupture.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be