Terralaboris asbl

Allocations aux personnes handicapées : catégories de bénéficiaires

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Liège, 30 mars 2012, R.G. 2011/AL/482

Mis en ligne le jeudi 19 juillet 2012


Cour du travail de Liège, 30 mars 2012, R.G. n° 2011/AL/482

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 30 mars 2012, la Cour du travail de Liège rappelle les conditions pour qu’il y ait cohabitation, dans la réglementation relative aux prestations aux personnes handicapées, insistant sur la nécessité de s’attacher à la situation de fait.

Les faits

Une dame E. bénéficie d’une allocation de remplacement de revenus et d’une allocation d’intégration depuis plusieurs années. Le taux est calculé sur la base d’un taux ménage, vu qu’elle cohabite avec son époux.

Elle sollicite en octobre 2006 l’allocation pour l’aide aux personnes âgées et, à cette occasion, dépose un extrait de composition de famille dont il ressort qu’elle cohabite en plus avec son fils. Le Service maintient l’intéressée dans ses droits antérieurs, ceux-ci étant plus favorables.

Suite au décès de son époux en janvier 2008, il est procédé à une revision d’office.

Madame E. introduira ultérieurement une nouvelle demande d’octroi de l’allocation aux personnes âgées. Cette demande ne fait pas l’objet de la décision de la cour du travail.

Un recours va être introduit par l’intéressée suite à la décision prise dans le cadre de la revision d’office le 16 septembre 2008, le service ayant considéré qu’il y avait cohabitation avec le fils et que les revenus faisaient obstacle au paiement des allocations. Dans le même temps, un indu est réclamé, de l’ordre de 4.500€, pour la période entre le décès (soit à partir du 1er du mois suivant celui-ci) et la décision administrative (soit jusqu’à la fin du mois au cours duquel elle a statué).

Dans son recours, l’intéressée considère ne pas être cohabitante et vivre seule.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 6 juillet 2001, le Tribunal du travail de Liège considère que Madame E. est isolée et lui octroie les allocations en catégorie B. Le Service est invité à effectuer un nouveau calcul sur cette base.

Décision de la cour du travail

Suite à l’appel de l’Etat belge, la cour est saisie essentiellement de la question de la catégorie de bénéficiaire. En outre se posera, dans son analyse, celle du droit à une allocation (quelle qu’elle soit ainsi que le précise la cour), à partir du 1er février 2008 étant le mois suivant le décès du mari de la demanderesse.

Vu l’écoulement du temps, est également discutée la possibilité d’octroyer une mesure temporaire si la cour n’est pas en mesure de vider sa saisine.

Elle commence par rappeler les dispositions légales, étant les catégories définies à l’article 4, alinéa 1er de l’arrêté royal du 6 juillet 1987, exécutant l’article 6 de la loi du 27 février 1987 relative aux allocations aux personnes handicapées. La cour relève qu’une disposition identique à celle de l’arrêté royal d’exécution figure pour l’APA, dans l’arrêté royal du 5 mars 1990 (article 4, § 1er).

En ce qui concerne la notion de ménage, celle-ci vise la cohabitation de deux personnes qui forment un couple (indépendamment du sexe). Il faut, en sus, partage des charges et mise en commun des ressources. Lorsque les personnes ne forment pas un couple, le bénéficiaire ne peut prétendre à la reconnaissance de la catégorie C, étant celle concernant les personnes établies en ménage ou qui ont un ou plusieurs enfants à charge. La cohabitation ne ressort pas, ainsi que le souligne la cour, de la seule inscription à la même adresse, puisque le partage des ressources implique de subvenir à la vie de tous les jours. Et la cour rappelle ici que, si une personne ne remplit pas les conditions pour entrer dans la catégorie C, elle ne peut pas bénéficier du taux de la catégorie B (isolé ou personne séjournant en institution de soins depuis trois mois au moins et n’appartenant pas à la catégorie C auparavant) mais à la catégorie A, qui concerne les cohabitants, s’agissant de la catégorie résiduelle.

La cour poursuit en rappelant, à travers de nombreuses références de doctrine et de jurisprudence, qu’il y a présomption de ménage en cas d’indications fournies par le Registre national selon lesquelles deux personnes ont leur résidence principale à la même adresse. La présomption de domiciliation n’est cependant pas fiable à 100% et les deux parties (tant le bénéficiaire que le Service) peuvent apporter la preuve contraire par tous moyens de droit. Le juge, chargé d’examiner si la preuve contraire est apportée, peut dès lors examiner tous les éléments de fait au dossier et vérifier s’il y a ou non même résidence. Dans un second temps, il va examiner s’il y a vie commune, c’est-à-dire partage de ressources pour subvenir à la vie de tous les jours.

Se pose cependant une question, lorsque, tout en résidant à la même adresse, des personnes considèrent qu’elles ne sont cependant cohabitantes. C’est alors par la recherche de la réalité de la séparation que la chose peut être établie et la cour renvoie à des indices, étant le paiement des taxes, l’existence d’un compteur d’électricité distinct …, ainsi bien sûr qu’aux aménagements intérieurs de l’immeuble (appartements séparés). Il faut cependant rester prudent, comme le rappelle de la jurisprudence citée par la cour, à propos du paiement (ou non) de loyers entre ascendants et descendants, la prise en charge de frais par des enfants pouvant ne constituer que l’exécution d’obligations filiales élémentaires et ne pas nécessairement impliquer cohabitation. La cour rappelle également qu’il a été jugé que la présence de tiers (garde-malade, infirmière ou aide-familiale) n’entraîne pas cohabitation de ces personnes.

En l’espèce, avant le décès de son conjoint, l’intéressée avait droit au taux ménage (catégorie C), du fait de la cohabitation avec lui, situation qui est modifiée à partir du décès puisqu’il faut à ce moment tenir compte des autres membres du ménage.

La cour va ensuite examiner les éléments communiqués par le Bourgmestre de la commune, qui a inscrit le fils au numéro 1A de la rue, sa mère restant seule inscrite au numéro 1, et ce suite à une demande de changement d’adresse introduite par le fils à l’époque. En conséquence, la qualité d’isolé peut être retenue pour la période postérieure au changement d’adresse. Pour la période antérieure, Madame E. est invitée à apporter tous éléments utiles permettant d’établir sa qualité d’isolée.

Elle passe ensuite à l’examen du dossier dans le cadre de l’allocation pour l’aide aux personnes âgées, droit qu’elle reconnait à titre temporaire, dans la mesure où la réouverture des débats est nécessaire et peut permettre de lui allouer le droit aux allocations de remplacement de revenus et d’intégration à concurrence d’un montant globalement supérieur à celui de l’APA. Le montant de celle-ci est en effet, comme le rappelle la cour, unique et la catégorie de bénéficiaire n’y intervient qu’au niveau des abattements sur les revenus.

C’est donc l’octroi de l’APA qui est décidé, dans un contexte d’aménagement d’une situation d’attente au sens de l’article 19, alinéa 2 du Code judiciaire.

La cour réserve en conséquence à statuer sur le droit aux allocations de remplacement de revenus et d’intégration ainsi que sur l’existence et/ou sur le calcul d’un éventuel indu. La réouverture des débats déterminera le droit aux allocations et si elles sont perdues pour la période précédant le changement d’adresse, l’intéressée ne pourra plus le recouvrer du seul fait qu’elle aura atteint l’âge de 65 ans, seule l’APA pouvant être accordée après cet âge.

Intérêt de la décision

Deux questions importantes sont examinées par cet arrêt :

  • la notion de ménage au sens de la loi du 27 février 1987 et de son arrêté d’exécution ;
  • la possibilité d’aménager une situation d’attente permettant au demandeur de disposer de ressources provisoires dans l’attente de la décision définitive.

Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be