Terralaboris asbl

Etudiants et droit au revenu d’intégration sociale

Commentaire de C. trav. Liège, 30 mars 2012, R.G. 2011/AL/317

Mis en ligne le jeudi 19 juillet 2012


Cour du travail de Liège, 30 mars 2012, R.G. n° 2011/AL/317

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 30 mars 2012, la Cour du travail de Liège rappelle la notion d’études de plein exercice au sens de la réglementation chômage et l’incidence d’études suivies sur le droit au revenu d’intégration sociale.

Les faits

Un étudiant bénéficie, au cours de ses études universitaires de droit, du revenu d’intégration sociale, qui lui est accordé dans le cadre d’un projet individualisé d’intégration sociale. Il obtient son mastère en droit. Envisageant de s’inscrire au Barreau, il postule auprès de divers cabinets d’avocats mais en vain. Il s’inscrit comme demandeur d’emploi auprès du FOREm et s’adresse, parallèlement, au CPAS du lieu de son nouveau domicile aux fins d’introduire une demande de revenu d’intégration. Il envisage alors de se spécialiser dans une branche du droit (droit pénal financier), considérant que cette spécialisation lui permettra plus facilement de trouver un emploi. Le rapport de l’assistante sociale sur la détermination du demandeur est très positif.

Il s’inscrit, à la rentrée universitaire, dans un mastère spécialisé en droit des affaires. L’instruction de la demande de l’intéressé vient se complexifier du fait du renvoi vers un second CPAS et de l’intervention de ce dernier, les deux centres allant par la suite se considérer tous deux incompétents. La situation financière de l’intéressé ira se dégradant ensuite considérablement, de même que sa situation de santé.

Position du tribunal du travail

Par jugement du 4 mai 2011, le Tribunal du travail de Liège, qui avait été saisi par l’intéressé détermine le CPAS compétent et met à sa charge le revenu d’intégration pour l’année académique (1er septembre 2010 – 30 juin 2011). Le premier juge constate qu’il n’y a pas eu d’interruption entre les deux cursus successifs d’études, qui s’inscrivent tous deux dans le cadre d’études de plein exercice.

Décision de la cour du travail

La cour, saisie de l’appel du CPAS, doit trancher une nouvelle fois la question de la détermination du CPAS compétent mais elle va essentiellement s’attacher à la condition d’octroi que constitue la disposition au travail. Elle rappelle les principes sur la question, soulignant qu’en l’espèce l’intéressé a fait valoir – mais en vain – ses droits à des prestations de sécurité sociale en introduisant une demande d’assimilation de ses études au stage d’attente et en s’inscrivant comme demandeur d’emploi. C’est la question des raisons d’équité que la cour va cerner, puisque celles-ci peuvent dispenser le demandeur de revenu d’intégration sociale de l’obligation de disposition au travail et particulièrement lorsque ces raisons découlent du suivi d’études.

La cour constate que l’évolution de la situation de l’intéressé pendant l’année académique en cours a été caractérisée à partir d’un certain moment par un grave problème de santé, qui a relégué au second plan le débat relatif à la raison d’équité. Elle examine cependant, la notion d’études de plein exercice visée à l’article 11, § 2 de la loi du 26 mai 2002, qui rend le projet individualisé d’intégration sociale obligatoire lorsque le centre accepte sur la base de motifs d’équité la poursuite de telles études en vue d’une augmentation des possibilités d’insertion professionnelle.

La cour constate que, pour définir la notion d’études de plein exercice, elle est amenée à se référer au droit européen de l’enseignement, c’est-à-dire au décret Bologne. C’est le décret du 31 mars 2004 de la Communauté française, qui contient une définition des crédits, c’est-à-dire des unités reconnues au temps consacré au sein d’un programme d’étude à une activité d’apprentissage dans une discipline déterminée, ainsi que le nombre de ceux-ci devant être suivis par année académique.

La cour constate que les études (mastère spécialisé en droit des affaires) correspondaient à 30 crédits. Se pose dès lors la question de savoir comment concilier ces dispositions décrétales avec la décision prise par l’ONEm de refuser l’assimilation des études poursuivies. Elle renvoie, sur cette question, à l’article 36, § 2 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage et rappelle que les problèmes liés aux conséquences de la reprise d’études sur l’accomplissement du stage d’attente ont été nombreux, entraînant ainsi des controverses nourries, et ce particulièrement lorsque les études présentaient des caractéristiques les apparentant à des études de plein exercice.

Pour la cour, la question est cependant réglée actuellement par l’article 36, § 2, c) de l’arrêté royal, qui définit les journées à prendre en compte pour l’accomplissement du stage, à savoir celles (hors les dimanches) pendant lesquelles le jeune travailleur est demandeur d’emploi, inscrit comme tel et disponible pour le marché de l’emploi, à l’exclusion des périodes pendant lesquelles des études ou formations sont suivies dans certaines conditions (durée prévue supérieure à 9 mois et nombre d’heures de cours atteignant une moyenne de 20 par semaine dont 10 se situent du lundi au vendredi entre 8 et 18 heures). La cour rappelle que, selon la doctrine (D. ROULIVE, « Les allocations d’attente » in « La réglementation de chômage : vingt ans d’application de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 », Etudes pratiques de droit social, Kluwer, p. 342, c), dès lors que cette double condition est remplie les périodes d’études ou de formation ne sont pas prises en compte pour l’accomplissement du stage d’attente. En l’espèce, l’intéressé a produit des documents faisant apparaître que les cours avaient une durée hebdomadaire de 9 heures. En conséquence, la disposition ne lui est pas applicable.

La cour va encore régler une question, liée au taux du revenu d’intégration, et ce eu égard à une éventuelle cohabitation. L’intéressé partageait, en effet, un logement et la cour rappelle ici la situation des « co-kotteurs », pour lesquels elle considère que le règlement des questions ménagères se limite en général à des tours de rôle pour la salle de bain et à la répartition des étagères du frigo … Il s’agit d’isolés au sens de la réglementation.

Intérêt de la décision

Les éléments de fait de cette espèce sont, comme le relève la cour, particulièrement dramatiques, puisque vu le renvoi d’un CPAS à l’autre, le dossier de l’intéressé s’est retrouvé bloqué et non géré. Les conséquences de la privation de tout revenu sur la santé de l’intéressé – allant jusqu’au délabrement de sa santé psychique – n’ont pas échappé à la cour, qui a stigmatisé les carences des CPAS, ainsi que le manquement au principe de bonne administration.

Sur le plan de la réglementation, l’arrêt rappelle, ce qu’il faut, actuellement, entendre par études de plein exercice, et ce eu égard aux règles du décret Bologne.


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